Politiquedelaconcurrencedansl UE DenoixetKlargaard 2007

19 février 2007

I . La polit iqu e de la con cu r r e n ce da n s l'Union
e u r opé e n n e
Au t e u r s
:
Mat hieu Denoix : Diplôm é de l'École Norm ale Supérieure ( Cachan) et de l'Universit é Rennes1, j urist e
( droit économ ique) .
Olaf Klargaard : Diplôm é de l'I nst it ut d'Et udes Polit iques de Paris ( Sciences Po) , de l'ESSEC et de
l'Universit é Paris Dauphine - économ ist e ( économ ie indust rielle) .

Ré sum é
La polit ique de concurrence est au coeur des débat s européens. Sa définit ion m êm e peut êt re obj et de
débat . Cert ains la perçoivent com m e un out il, à la disposit ion de la Com m ission européenne, chargé de
prom ouvoir une polit ique économ ique libérale dét ruisant les services publics et int erdisant aux Et at s de
sauver leurs indust ries en crise. D'aut res l'analysent com m e un inst rum ent de prot ect ion des
consom m at eurs et de régulat ion des act ivit és économ iques. En revenant sur ses fondem ent s – droit
am éricain de la concurrence, t rait é CECA et CEE – et sur ses m oyens d'act ion – prohibit ion des ent ent es,
des abus de posit ion dom inant e, des aides d'Et at incom pat ibles – il apparaît clairem ent que la polit ique
de concurrence est une polit ique reposant sur un double fondem ent économ ique et j uridique dont les
obj ect ifs, loin d'encourager le libéralism e et ses excès, consist ent à prom ouvoir la prot ect ion des

consom m at eurs et des cont ribuables.
M ot s cle fs :Un ion
eur opé e n n e

m a r ché
int é r ie u r

polit iqu e
de
con cu r r e nce
Le référendum relat if au proj et de t rait é ét ablissant une Const it ut ion pour l'Europe organisé en France le
29 m ai 2005 et les débat s qu'il a suscit és ont m is en évidence des inquiét udes de cert ains cit oyens
européens. L'inst aurat ion d'une polit ique économ ique fondée sur le principe de la libre concurrence sur le
t errit oire de l'Union en fait part ie. Au fur et à m esure de l'avancée de ces débat s, la crit ique du
libéralism e économ ique a ét é exprim ée par cert ains de plus en plus violem m ent . La polit ique européenne
de concurrence s'en est t rouvée at t aquée. Or, cet t e dernière a précisém ent ét é m ise en place, en Europe
com m e ailleurs, pour lut t er cont re les dérives de l'économ ie de m arché en prot égeant les
consom m at eurs de prat iques abusives des ent reprises dom inant es ( prix t rop élevés, services dégradés,
discrim inat ions, et c.) . Pour appréhender avec j ust esse la polit ique com m unaut aire de concurrence, il
convient de revenir sur ses fondem ent s, ses obj ect ifs et ses m oyens d'act ion avant d'analyser les

principales raisons des crit iques qui lui sont adressées.

I - Or igin e s, fon de m e nt s e t obj e ct ifs de la polit ique de con cur r e n ce
La polit ique am éricaine de concurrence, exem ple de régulat ion de la libert é économ ique
A la fin du XI Xèm e siècle, les Et at s- Unis connaissent une période de t ransit ion économ ique caract érisée
par une am éliorat ion des m oyens de com m unicat ion et de t ransport . Les lignes t élégraphiques, les
services t éléphoniques et , surt out , le réseau ferroviaire sont ét endus à l'ensem ble du t errit oire am éricain
de sort e que le m arché indust riel am éricain caract érisé j usqu'alors par une m ult it ude de m archés locaux
se t ransform e en un vast e m arché unique. Cet t e t ransform at ion a pour conséquences une fort e
concent rat ion indust rielle et une int ensificat ion de la concurrence. Les indust riels opt ent alors pour des

accords sur le m aint ien de prix élevés et la préservat ion de leurs m arges. Mais les avant ages que ces
ent ent es offrent aux firm es n'ont pas d'équivalent pour les consom m at eurs qui souffrent de prix
art ificiellem ent haut s. Afin de prévenir la conclusion de t els accords, le Sherm an Act est adopt é en j uillet
1890. Les hom m es polit iques ont pris conscience de la nécessit é de réguler la libert é économ ique de ces
ent reprises. Selon le sénat eur Sherm an, « la conscience populaire est t roublée par l'ém ergence de
problèm es nouveaux qui m enacent la st abilit é de l'ordre social. Le plus sérieux d'ent re eux est
cert ainem ent celui qui découle de l'accroissem ent en une seule générat ion, des inégalit és de chances, de
condit ions sociales et de richesse par la faut e de la concent rat ion du capit al au sein de vast es coalit ions
dest inées à cont rôler le com m erce et l'indust rie et à dét ruire la libre concurrence » [ 1] . Ce t ext e relat if

aux com port em ent s d'ent ent e et d'abus de posit ion dom inant e est suivi par le Clayt on Act et le FTC Act
en 1914. Ces t rois t ext es législat ifs form ent le socle de la polit ique ant it rust am éricaine et sont un
exem ple pour les Et at s européens.
La t ransposit ion de ces règles en Europe
Horm is le Royaum e- Uni et l'Allem agne, les pays européens n'ont adopt é que t rès récem m ent des
polit iques nat ionales de concurrence. L'Europe dispose cependant de règles supranat ionales de droit de
la concurrence depuis 1951, année de la signat ure du Trait é de Paris relat if à la Com m unaut é
Européenne du Charbon et de l'Acier ( CECA) . Le Trait é CECA int erdit , en effet , t out e prat ique
discrim inat oire [ 2] de nat ure à fausser la concurrence parm i les six pays signat aires ( France, Allem agne,
I t alie, Belgique, Luxem bourg, Pays- Bas) . Le prem ier souci de l'Europe dans les années 50 est de
part ager la gest ion des m at ières prem ières que sont le charbon et l'acier pour perm et t re une
reconst ruct ion pacifique de l'Europe, ruinée par le second conflit m ondial. L'int erdict ion de prat iques
discrim inat oires ent re pays perm et ainsi de garant ir un accès égal aux ressources de base. Ces règles de
concurrence sont donc à la base de l'int égrat ion européenne, en considérant com m e ant i- concurrent ielle
t out e prat ique discrim inat oire ent re pays m em bres. Le deuxièm e élém ent de m ot ivat ion réside dans le
fait que le principe de libre concurrence com m ence dans les années 50 à êt re reconnu en Europe com m e
le m oyen d'avoir une économ ie saine et vigoureuse. La sant é, alors éclat ant e, de l'économ ie am éricaine
qui repose sur des règles ant it rust fascine les leaders européens. Aussi le Trait é de Rom e inst aurant un
Marché Com m un prend- il com m e m odèle les règles de concurrence du Trait é CECA. L'adopt ion de ces
t rait és t ém oigne de la préférence alors croissant e pour la libre concurrence plut ôt que pour une

organisat ion cent ralisée et ét at isée de l'économ ie.
Les obj ect ifs poursuivis par cet t e polit ique
La polit ique européenne de concurrence, au m êm e t it re que l'ensem ble des polit iques nat ionales et
régionales de concurrence, est dest inée à m aint enir une concurrence saine et loyale sur les m archés. Elle
vise à encourager l'efficacit é économ ique, l'allocat ion opt im ale des ressources, le progrès t echnique et le
bien- êt re des consom m at eurs [ 3] . Dans ce cadre, la Com m ission a t ouj ours com bat t u les ent ent es «
inj ust ifiables », les abus de posit ion dom inant e et les fusions ant i- concurrent ielles. Elle a égalem ent
condam né les droit s exclusifs et les aides d'Et at qui n'assuraient pas la viabilit é à long t erm e des
ent reprises m ais se bornaient à les sout enir art ificiellem ent .

I I - La polit ique de con cu r r e nce : u n e polit iqu e or igin a le s'a ppliqua n t t a n t a u x e nt r e pr ises
qu'a ux Et a t s.
Les règles de concurrence applicables aux ent reprises
L'art icle 81 du t rait é int erdit les accords ent re ent reprises qui peuvent affect er le com m erce ent re Et at s
m em bres et ont pour obj et ou pour effet d'em pêcher, de rest reindre ou de fausser le j eu de la
concurrence à l'int érieur du m arché com m un. Les accords ent re ent reprises - quelle que soit leur form e
j uridique - sont not am m ent int erdit s lorsqu'ils ont pour effet ou pour obj et de fixer les prix du m arché,
de se répart ir géographiquem ent les m archés ou de définir les quant it és produit es. Selon l'OCDE, le
préj udice économ ique m ondial causé par les ent ent es excéderait plusieurs m illiards de dollars par an [ 4] .
Les plus célèbres t ypes d'accords relèvent de la cat égorie des accords dit s rest rict ifs de concurrence,

souvent dénom m és « cart els » ou « ent ent es rest rict ives ». I l s'agit des ent ent es dont l'obj ect if est de
fixer un prix supérieur à celui qui résult erait du libre j eu de la concurrence. D'aut res ent ent es sont

relat ives à des échanges d'inform at ions confident ielles ou à des accords sur la st abilisat ion des part s de
m arché respect ives des part ies à l'ent ent e. C'est ce t ype d'ent ent es que le Conseil de la concurrence [ 5]
a condam né, le 30 novem bre 2005. L'aut orit é française de concurrence a, en effet , infligé à cet t e dat e
aux ent reprises Orange France, SFR et Bouygues Télécom une am ende de 534 m illions d'euro pour
infract ion à l'art icle L420- 1 du code de com m erce et à l'art icle 81 du Trait é de Rom e [ 6] . Ces ent reprises
avaient échangé des inform at ions confident ielles relat ives au m arché de la t éléphonie m obile et s'ét aient
ent endues pour st abiliser leurs part s de m arché respect ives aut our d'obj ect ifs définis en com m un.
L'art icle 82 du Trait é int erdit aux ent reprises d'exploit er de façon abusive une posit ion dom inant e sur un
m arché pert inent [ 7] . La posit ion dom inant e d'une ent reprise est une sit uat ion de puissance économ ique
qui lui perm et d'agir indépendam m ent du com port em ent de ses concurrent s, de ses client s et , au final,
des consom m at eurs. Le fait de dét enir un t el pouvoir n'est pas int erdit en soi. Ce que le Trait é prohibe
est l'abus de ce pouvoir qui consist e en son ut ilisat ion pour m et t re en œuvre des prat iques prédat rices,
discrim inat oires ou fidélisant es ayant pour obj et ou pour effet de rest reindre les condit ions de
concurrence. Des ent reprises t elles que Michelin ou Microsoft ont ét é condam nées par la Com m ission
pour avoir abusé de leur posit ion dom inant e. Dans l'affaire Microsoft , l'aut orit é européenne de
concurrence a considéré qu'en lim it ant l'int eropérabilit é ent re les PC Windows et les serveurs de groupe
de t ravail de ses concurrent s et en liant la vent e de son lect eur Windows Média avec Windows, son

syst èm e d'exploit at ion présent sur la quasi- t ot alit é des PC dans le m onde, le géant m ondial de
l'inform at ique a m is en œuvre des prat iques qui const it uent un frein à l'innovat ion et qui sont
préj udiciables au j eu de la concurrence et aux int érêt s des consom m at eurs. La Com m ission a donc, en
2004, infligé à l'ent reprise am éricaine des m esures correct ives couplées d'une am ende de 497,2 m illions
d'euro.
Enfin, la Com m ission possède le pouvoir de cont rôler les concent rat ions. La m ission de la Com m ission
dans ce cadre est plus délicat e ; elle doit déceler a priori et , de surcroît , dans un délai t rès court , les
risques de posit ion dom inant e induit s par l'opérat ion de concent rat ion. Alors que le Trait é CECA prévoit
un t el cont rôle dès 1951, il faut at t endre 1989 pour que soit inst it ut ionnalisé un vérit able cont rôle
com m unaut aire des concent rat ions. L'act ion de la Com m ission est économ ique et vise, en ce sens, à
em pêcher ou m odifier des concent rat ions qui ent raveraient une concurrence effect ive, not am m ent en
renforçant une posit ion dom inant e. Lors de l'analyse d'opérat ions de concent rat ions, les services de la
Com m ission risquent nat urellem ent d'êt re soum is à des pressions m édiat iques et polit iques, parfois
m êm e de la part de gouvernem ent s. Ce fut not am m ent le cas dans le cadre du rapprochem ent ent re GDF
et Suez cont re lequel le gouvernem ent it alien s'est soulevé.
Les règles de concurrence applicables aux Et at s
Les principes de base relat ifs au cont rôle des aides d'Et at sont énoncés dans les art icles 87 à 89 du Trait é
de Rom e [ 8] . La Com m ission européenne – la DG Concurrence gère le syst èm e de not ificat ion et
d'aut orisat ion – dét erm ine si une aide est cont raire à la norm e du Trait é. Elle peut enj oindre à l'Et at
m em bre de m et t re un t erm e à cet t e aide et au dest inat aire de l'aide illicit e de la rem bourser. L'accent

m is sur la lut t e cont re les aides d'Et at en Europe – loin d'êt re au cœur des polit iques de concurrence
dans le rest e du m onde [ 9] - t ém oigne d'une volont é d'approfondir le m arché int érieur et de s'assurer
que les Et at s m em bres ne se renferm ent pas dans des logiques nat ionales.
La Com m ission définit une aide d'Et at par quat re crit ères cum ulat ifs : t out d'abord, elle doit engendrer
un avant age net pour son bénéficiaire. Deuxièm em ent , elle doit êt re sélect ive au sens où elle vise un
bénéficiaire spécifique ( une m esure générale, com m e un crédit d'im pôt pour l'ensem ble d'un sect eur
indust riel, n'est donc pas une aide d'Et at ) . Troisièm em ent , elle doit êt re direct em ent financée par des
ressources publiques, au sens large t out efois, puisque des condit ions préférent ielles accordées par une
ent reprise publique à des act eurs sur le m arché peuvent êt re considérées com m e une aide d'Et at . Enfin,
l'aide doit affect er les échanges ent re les Et at s m em bres, crit ère de com pét ence de la Com m ission
européenne.
Une fois caract érisée, l'aide d'Et at cont rôlée par la Com m ission peut êt re considérée com m e com pat ible
avec le m arché com m un. La Com m ission évalue le bilan ent re la dist orsion de concurrence due à l'aide et
la cont ribut ion de celle- ci à l'int érêt com m unaut aire. Peuvent êt re ainsi déclarées com pat ibles des aides

dest inées à rem édier au sous- développem ent régional ou au sous- em ploi, à une pert urbat ion grave de
l'économ ie ou encore à la prot ect ion de l'environnem ent .
Dès l'origine, le cont rôle des aides d'Et at ét ait m ot ivé par le souci d'em pêcher le favorit ism e nat ional et ,
de nos j ours encore, les divergences ent re int érêt nat ional et int érêt com m unaut aire génèrent des
t ensions. En part iculier, deux t ypes de m esure ont ét é au cœur des débat s : les aides dest inées à

sout enir des « cham pions nat ionaux » en difficult é et les avant ages oct royés aux ent reprises en charge
d'une m ission de service public. Dans ce cadre, la Com m ission européenne a init ié, en j uillet 2005, une
réform e du cont rôle des aides d'Et at avec une décision clarifiant les com pensat ions pour services publics
et des m esures facilit ant les aides en faveur de l'int érêt général : hôpit aux, logem ent s sociaux,
développem ent des PME, em ploi, recherche et développem ent , et c.
I I I - La polit ique com m una ut a ir e de concur r e nce cont e st ée : m ise s e n ca use et r é for m e s
La polit ique de concurrence ent re sécurit é j uridique et efficacit é économ ique
La polit ique de concurrence repose sur un double fondem ent j uridique et économ ique. Juridique car il est
const it ué d'un ensem ble de règles dét erm inant les prat iques licit es et illicit es des act eurs économ iques.
Econom ique car sa visée ult im e n'est pas le respect des règles en soi, m ais la prot ect ion du
consom m at eur et l'efficacit é économ ique.
Hist oriquem ent appliqué par des j urist es, le droit de la concurrence accorde, depuis quelques années, un
rôle croissant à l'analyse économ ique. Au sein de la DG Concurrence, ce m ouvem ent a ét é suscit é par
des rem ises en cause successives de décisions de la DG par le Tribunal de Prem ière I nst ance des
Com m unaut és européennes, en part iculier dans le dom aine des concent rat ions [ 10] . Le TPI point ait ,
not am m ent , la faiblesse de l'analyse économ ique sout enant les décisions, les effet s ant iconcurrent iels
ét ant le plus souvent allégués sans preuve.
Les part isans du rôle croissant de l'analyse économ ique dans la polit ique de concurrence souhait ent
appliquer la « règle de raison », aut rem ent dit analyser au cas par cas les effet s économ iques des
prat iques incrim inées pour dét erm iner leur licéit é. D'aut res soulignent l'im port ance de règles « per se »,

aut rem ent dit de règles ét ablissant à l'avance une list e de prat iques int erdit es. Ces règles assurent , en
effet , une sécurit é j uridique nécessaire à la sérénit é des act eurs économ iques. Une m êm e prat ique peut
t out efois, dans des cont ext es économ iques différent s, avoir des effet s posit ifs ou négat ifs sur le m arché.
Une prohibit ion « per se » reviendrait donc à int erdire des prat iques parfois bénéfiques à l'économ ie.
Malgré de longs débat s ent re j urist es et économ ist es, non dénués d'arrières- pensées corporat ist es, un
consensus com m ence à ém erger sur la nécessit é d'édict er des règles claires et d'analyser les effet s
économ iques réels des prat iques incrim inées. La nom inat ion en 2003 d'un économ ist e en chef à la
Direct ion Générale de la Concurrence, rat t aché direct em ent au Com m issaire européen, t ém oigne de cet t e
volont é nouvelle de prendre en com pt e la double nat ure – j uridique et économ ique – de la polit ique de la
concurrence.
La polit ique de concur r ence a u ser vice du libé r a lism e économ ique e n Eur ope ?
La polit ique européenne de concurrence a ét é m ise en cause à plusieurs t it res ces dernières années : ses
responsables ont ainsi ét é accusés de nier la possibilit é de m et t re en place des polit iques indust rielles
nat ionales am bit ieuses, de dét ruire les grands services publics nat ionaux ou, encore, de se considérer
com m e l'alpha et l'om éga de la polit ique économ ique en Europe.
Le point d'achoppem ent le plus fréquent et le plus m édiat isé ent re aut orit és polit iques nat ionales et
responsables de la polit ique européenne de concurrence réside dans la polit ique indust rielle et ses
m anifest at ions récent es en t erm e de défense des « cham pions nat ionaux » et d'aide aux ent reprises en
difficult é. La presse a ainsi largem ent couvert la défense d'Alst om en 2003 par le m inist re français de
l'économ ie et des finances devant des aut orit és de concurrence soucieuses que l'Et at français n'apport e

pas de ressources financières dém esurées ( aide d'Et at ) à cet t e ent reprise française, au risque de nuire à
ses concurrent s en France et en Europe. Doit - on s'ém ouvoir d'un encadrem ent t rop st rict des aides d'Et at
dans ces affaires ? Probablem ent pas. Les polit iques indust rielles nat ionales sont , cert es, st ruct urant es

pour l'économ ie, m ais les aides ne sont pas int erdit es en t ant que t elles, et peu nom breux ont ét é, en
fait , les vet os de la Com m ission sur les aides aux ent reprises en difficult é ou le sout ien à l'em ploi et à
l'innovat ion [ 11] . La législat ion com m unaut aire const it ue, surt out , un garde- fou salut aire en obligeant à
form aliser une polit ique indust rielle cohérent e à part ir d'élém ent s t angibles et rat ionnels, en lieu et place
de considérat ions nat ionalist es et / ou élect oralist es.
La polit ique de concurrence se voit égalem ent accusée d'em pêcher de vérit ables polit iques indust rielles
et de libéraliser les services publics par souci idéologique. Or, les polit iques indust rielles ne relèvent pas
des com pét ences de l'Union. Les Et at s n'ont j am ais réussi à donner à ses inst it ut ions des com pét ences
dans ce dom aine, c'est - à- dire à se m et t re d'accord pour conduire des act ions de polit ique indust rielle au
niveau européen. Ainsi, ni la DG Concurrence, ni un aut re service de la Com m ission européenne n'est en
charge d'une polit ique indust rielle européenne. La libéralisat ion des services publics européens a ét é
décidée par le Conseil des m inist res et par le Parlem ent européen, soit par les représent ant s élus des
cit oyens européens, et non par la Com m ission [ 12] .
Le référendum du 29 m ai 2005 sur la Const it ut ion européenne a révélé en France une crit ique nouvelle
du libéralism e économ ique, dont cert ains art icles du t rait é const it ut ionnel venaient rappeler les principes.
Ces art icles, repris des art icles 81 à 89 du Trait é de Rom e relat ifs à la polit ique de concurrence, fondent

le pouvoir de la Com m ission européenne pour prot éger les int érêt s des consom m at eurs cont re les
ent reprises abusant de leur pouvoir de m arché ou cont re les Et at s sout enant des ent reprises non viables
avec l'argent des cont ribuables.

[ 1] M. Glais, Économ ie indust rielle: les st rat égies concurrent ielles des firm es, Paris, Édit ions Lit ec, 1992,
p. 292.
[ 2] L'art icle 65 du Trait é prohibait les accords ent re ent reprises suscept ibles de rest reindre ou fausser le
j eu de la concurrence t andis que l'art icle 66( 7) t rait ait de l'abus de posit ion dom inant e. I ls correspondent
respect ivem ent aux art icles 81 et 82 du Trait é de Rom e, dont les disposit ions sont quasi sem blables.
[ 3] Le bien- êt re du consom m at eur se définit com m e ses gains à l'échange. Le gain à l'échange d'un
consom m at eur est par exem ple supérieur lorsqu'il achèt e un bien d'une m eilleure qualit é au m êm e prix
ou
lorsqu'il
achèt e
à
un
prix
inférieur
un
bien
d'une
qualit é
équivalent e.
[ 4] OCDE, Rapport de 2002, « Lut t e cont re les ent ent es inj ust ifiables : effet s dom m ageables, sanct ions
efficaces et program m e de clém ence ».
[ 5] Les Aut orit és nat ionales de concurrence sont com pét ent es, depuis le 1er m ai 2004 et l'ent rée en
vigueur du règlem ent n° 1/ 2003, pour appliquer l'art icle 81 du t rait é dès lors que la prat ique en cause est
suscept ible de d'affect er le com m erce ent re Et at s m em bres.
[ 6] Conseil de la concurrence, décision n° 05- D- 65 du 30 novem bre 2005 relat ive à des prat iques
const at ées dans le sect eur de la t éléphonie m obile.
[ 7] Un m arché pert inent est défini com m e le lieu de confront at ion ent re l'offre et la dem ande de produit s
subst it uables ent re eux m ais non subst it uables à d'aut res biens. I l com prend, sur une zone géographique
définie, t ous les produit s ou services dont on peut raisonnablem ent penser que les dem andeurs les
considèrent com m e int erchangeables et subst it uables en raison de leurs caract érist iques, de leurs prix et
de l'usage auquel ils sont dest inés. Ce m arché sert de cadre à l'analyse des Aut orit és de concurrence.
[ 8] En part iculier, l'art icle 87 énonce que « [ ...] sont incom pat ibles avec le m arché com m un, dans la
m esure où elles affect ent les échanges ent re Et at s m em bres, les aides accordées par les Et at s ou au
m oyen de ressources d'Et at , sous quelque form e que ce soit qui faussent ou m enacent de fausser la
concurrence en favorisant cert aines ent reprises ou cert aines product ions »
[ 9] Aux Et at s- Unis, la lut t e cont re les aides d'Et at inj ust ifiées ne fait pas part ie de l'arsenal réglem ent aire
fédéral, pourt ant en point e sur les quest ions de droit de la concurrence depuis l'adopt ion du Sherm an Act
( 1890) .

[ 10] En 2002, le TPI a annulé t rois décisions de la Com m ission européenne refusant des concent rat ions :
AirTour c/ Com m ission européenne, le 6 j uin, Schneider Elect rics c/ Com m ission le 22 oct obre et Tet ra
Laval c/ Com m ission le 25 oct obre.
[ 11] Le nom bre de refus m oyen en ce qui concerne les aides d'Et at not ifiées à la Com m ission
européenne sur les dernières années est de l'ordre de 7% .
[ 12] Art icle 94 du Trait é de Rom e.

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