Abrégé de l'Enquête Sociolinguistique sur le Tchumbuli du Benin | SIL International
DigitalResources
Electronic Survey Report 2017-011
Abrégé de l'Enquête
Sociolinguistique sur le
Tchumbuli du Benin
Gabriele Faton et Katharina Tupper
Abrégé de l'Enquête Sociolinguistique sur le
Tchumbuli du Benin
Gabriele Faton et Katharina Tupper
SIL International®
2017
SIL Electronic Survey Report 2017-011, July 2017
© 2017 SIL International®
All rights reserved
Avant-propos
Les études linguistiques, sociolinguistiques, historiques et autres qui ont été menées sur la langue
tchumbuli et ses locuteurs sont nombreuses. La plupart de ces travaux utilisent le nom « tchumbuli » ou
« tchombolo » pour désigner la langue des localités d’Okounfo (dans la sous-préfecture de Savè),
d’Edaningbe (sous-quartier de Lakoko, commune urbaine de Ouèssè) et de Gbédé (dans la souspréfecture de Ouèssè). Or, les habitants d’Okounfo, ainsi que ceux d’Edaningbe, appellent leur propre
langue « cobecha », et ceux de Gbédé « tchumbulin » ou « tchombolun. » Le nom de l’ethnie est le même
à l’exception de celui des habitants d’Edaningbe qui s’appellent également « Obechapu » en tant
qu’ethnie. Historiquement, les Cobecha sont les descendants du peuple Edo du Nigéria alors que les
Tchumbuli sont les descendants du peuple Tchombolo du Ghana. Or, dans la région, les locuteurs
tchumbuli sont connus sous le nom « Gbassin » ou « Gbassan » (Iroko 1995), d'où sans doute le nom
« Basa » (Carte linguistique, CENALA, 1990).
La langue tchumbuli a été classée par Snider dans le groupement « North-Guang » avec le yeji, le
prang, le nchimburu (chumburung) et le nchumunu du Ghana (Stewart 1989:228). Nous avons donc
choisi le nom « tchumbuli » pour nous référer à la langue qui est parlée par les habitants des trois dites
localités.
ii
Table de Matières
1
Introduction
2
Objectifs de l'enquête
3
Methodologie
4
Evaluation et description de la situation linguistique et sociolinguistique dans la region
4.1 L'Historique du peuple et le nom de la langue
4.2 L'intercompréhension
4.2.1 Les variantes tchumbuli
4.2.2 La compréhension du chumburung et la relation entre le chumburung et le tchumbuli
4.2.3 La compréhension du Bazantche (Foodo)
4.3 Le bilinguisme en cabe et en maxi
4.4 La vitalité du tchumbuli
5
La situation d'alphabétisation dans les communautés tchumbuli
6
Résumé
Références
iii
1
Introduction
Le présent document décrit une enquête sociolinguistique menée dans les localités d’Okounfo,
d'Edaningbe et de Gbédé par Mme FATON Gabriele (née Schoch) et Mme TUPPER Katharina (née WOLF)
de SIL avec l'aide de M. KOUAMINA Daniel, administrateur au Centre de Tri Postal de Cotonou.
L'enquête a été réalisée au mois d'août 2000 et a principalement couvert les trois villages mentionnés.
Sa réalisation a été rendue possible grâce à la collaboration et au soutien de plusieurs personnes à
qui nous aimerions adresser nos remerciements.
Il s’agit en tout premier lieu de remercier Monsieur le Sous-Préfet de Savè ainsi que Monsieur le
Sous-Préfet de Ouèssè pour leur assistance et leur soutien dès le début de notre travail.
2
Objectifs de l'enquête
Les objectifs étaient les suivants:
•
Examiner les parlers d’Okounfo, de Gbédé et d’Edaningbe, et vérifier les informations déjà
recueillies sur le tchumbuli du Bénin
•
Evaluer l'intercompréhension existant entre les parlers des trois dites localités
•
Etudier le rapport entre le tchumbuli du Bénin et le chumburung du Ghana et les relations entre les
locuteurs tchumbuli et chumburung
•
Examiner les langues qui sont parlées dans divers domaines sociaux (par exemple : en famille, au
village, etc.)
•
Examiner le degré de compréhension et l’utilisation du cabe et du maxi par les locuteurs du
tchumbuli
•
Estimer la vitalité du tchumbuli dans les trois localités et voir s'il y a un glissement de langue vers le
cabe ou le maxi
•
Voir les efforts d’alphabétisation dans les communautés tchumbuli
3
Methodologie
La méthode utilisée lors de cette enquête est celle dite de « première évaluation ». Cette méthode permet
de rassembler des informations donnant, dans un temps relativement court, une vue d’ensemble de la
situation sociolinguistique du milieu choisi. Les questionnaires sont le moyen principal utilisé pour
recueillir de telles informations. En outre, des listes de mots qui ont été recueillies pour des recherches
linguistiques servent à faire une comparaison entre le tchumbuli du Bénin et le chumburung du Ghana.
Nous présentons ici les types de questionnaires que nous avons utilisés pour mener à bien notre
recherche :
•
Un questionnaire communautaire soumis lors d’un entretien avec le chef (ou roi ou délégué), les
notables, et une représentation des communautés à Okounfo, à Gbédé et à Edaningbe
•
Un questionnaire pour les dirigeants des églises présentes dans les trois localités
•
Un questionnaire pour les coordinateurs d'alphabétisation
En plus des entretiens utilisant des questionnaires, des interviews avec les directeurs d'écoles
primaires d’Okounfo et de Gbédé ont été menées. Certains entretiens informels avec des locuteurs
tchumbuli nous ont davantage éclairés en ce qui concerne la situation sociolinguistique de ces trois
localités.
1
2
4
Evaluation et description de la situation linguistique et sociolinguistique
dans la region
Nous voulons présenter ici un résumé des résultats obtenus lors de notre enquête. Pour le rapport
complet en anglais, voir SIL Electronic Survey Report 2017-010.
4.1 L'Historique du peuple et le nom de la langue
Les informations recueillies avant l'enquête nous ont déjà donné une impression de la complexité
historique du peuple Cobecha et Tchumbuli qui se trouve aujourd’hui au Bénin. Immigrés du Ghana il y
a environ cent cinquante ans, une partie de ce peuple (les Cobecha) était lui-même originaire du Nigéria,
alors qu’une autre partie (les « Tchumbulin » ou « Tchombolo ») venait directement du Ghana, plus
précisément de la région de Kété-Kratchi. 1 Les Cobecha 2 quittèrent le Ghana accompagnés d’un groupe
Tchumbuli qui, d’après nos informateurs, était apparentés à eux. Il y avait encore une autre ethnie qui
les accompagnait, les Awloukpoukpou (Moulero 1964). Il n’est pas clair comment les Awloukpoukpou se
sont joints aux autres, mais, d’après nos informateurs, ils étaient d’origine ghanéenne, plus précisement
de Nkougnan, près de Kété-Kratchi. Les trois ethnies s’établirent dans la région de Savè, invitées par le
roi de Kaboua qui voulait qu’ils l’aident dans les guerres contre les Yoruba et autres. A Okounfo, il y a
aujourd’hui des représentants des trois ethnies alors qu’à Gbédé, il n’y a pas de Cobecha et qu’à
Edaningbe, il n’y a pas d’Awloukpoukpou. Pendant les entretiens, nos informateurs se référaient soit au
peuple Tchumbuli (à Gbédé) soit au peuple Cobecha (à Okounfo et à Edaningbe) et ne distinguaient pas
les Awloukpoukpou à l’exception des récits historiques. Nous allons donc nous référer aux habitants
d’Okounfo et Edaningbe sous le nom de « Cobecha » et à ceux de Gbédé sous le nom de « Tchumbuli. »
D'après nos informateurs, il y a environ 3000 Tchumbuli et Cobecha dont la plupart parlent ou
comprennent le tchumbuli jusqu’à aujourd’hui.
4.2 L'intercompréhension
4.2.1
Les variantes tchumbuli
Les personnes interrogées nous ont dit de manière concordante qu'il n'y a pas de variantes tchumbuli.
Tous les locuteurs tchumbuli parlent la même langue et ils arrivent facilement à comprendre tout ce que
les autres disent. Il n'y a que de très petites nuances entre les parlers à Okounfo, à Gbédé et à Edaningbe.
Il semble que le tchumbuli est le mieux parlé à Gbédé puisqu’on nous a dit que c’est là qu’il faut
s’installer pour apprendre la langue.
Les listes de mots que nous avons recueillies à Okounfo et à Gbédé contiennent 18 pairs de mots
identiques et 112 pairs de mots identiques dans un total de 143 pairs de mots. Ainsi, 91 pourcent des
pairs de mots recueillies sont soit identiques soit similaires dans les deux localités.
4.2.2
La compréhension du chumburung et la relation entre le chumburung et le tchumbuli
D'après nos informateurs dans les trois localités, le tchumbuli du Bénin et le chumburung du Ghana sont
la même langue. Quand quelqu'un parle en chumburung, un locuteur tchumbuli peut tout comprendre.
Ceux qui ont fait des visites chez leurs parents au Ghana (plus précisément dans la région de KétéKrachi), confirment qu'il leur est très facile de comprendre leurs parents. Tout récemment, on a pour la
première fois introduit dans le village de Gbédé des chants traditionnels en tchumbuli qui viennent de
leurs parents au Ghana. Depuis, les enfants chantent ces chants. La variante du Ghana est apparemment
plus pure que celle du Bénin. « C’est le seul endroit où l’on parle la langue correctement, » nous disent
1
2
Iroko a utilisé le nom « Kratye. »
D’après les informateurs à Gbédé, « Viens me joindre » en tchumbuli ressemble le mot « cobecha. »
3
les informateurs à Edaningbe. Il y a aussi les « va-et-vient » : les Tchumbuli au Bénin et les Chumburung
au Ghana se rendent visite réciproquement.
4.2.3
La compréhension du Bazantche (Foodo)
Les gens de Séméré sont, d'après nos informateurs, apparentés aux Tchumbuli et aux Cobecha « puisqu'ils
sont aussi originaires du Ghana. » Pourtant, comme il n'y a guère de contact avec les locuteurs
bazantché, il est difficile pour les Tchumbuli et Cobecha de les comprendre. Certains de nos informateurs
nous ont dit que des mots et des phrases simples étaient faciles à saisir mais que de parler avec eux leur
serait difficile.
4.3 Le bilinguisme en cabe et en maxi
Les informations recueillies ont révélé que les locuteurs tchumbuli sont en majorité bilingues. En
addition à leur propre langue ils parlent, en général, le cabe 3 (à Okounfo et à Gbédé) ou le maxi 4 (à
Edaningbe). A Okounfo et à Gbédé, nous avons trouvé des indices d'une bonne connaissance du cabe.
Pendant les entretiens, le cabe a souvent été employé. Les habitants de ces deux villages disent que leurs
petits enfants peuvent déjà comprendre et parler le cabe, même plus que le tchumbuli. A Edaningbe, qui
se trouve dans une région maxi, tous les Cobecha parlent le maxi, même les enfants à partir de deux ou
trois ans.
4.4 La vitalité du tchumbuli
Pour examiner à quel point le tchumbuli est encore utilisé par les Tchumbuli et Cobecha, nous avons
enquêté sur la langue utilisée dans divers domaines sociaux. Voici un tableau qui contient les résultats
pour les trois villages.
Domaines
Okounfo
Gbédé
Edaningbe
Annonces au village
Rites de coutûmes
Jugements de famille
Jugements au village
Cb (Tch rarement)
Tch
Tch, Cb
Tch chez le roi, Cb
Cb, Tch
Tch
Tch
Tch, Cb
Conseils des anciens
Tch
Tch
Conseils régionaux
Tch avec les Tch, Cb au
niveau de la S/P
Tch, Cb
Mx
Mx, Tch rarement
Tch 5
Mx (après
consultations en Tch)
Tch (Mx pour la
prononciation)
?
Tch = tchumbuli, Cb = cabe, Mx = maxi
Le tableau montre que le cabe et le maxi ont pénétré plusieurs domaines sociaux. Dans les trois
localités interviewées, les informateurs nous ont dit que le cabe ou le maxi sont parlés au détriment du
tchumbuli. Ces langues régionales ont déjà dominé ou même remplacé le tchumbuli dans plusieurs
domaines de la communication tels que les annonces et les jugements au niveau du village. A Gbédé et à
3
En général, les termes « cabe » et « nago » sont utilisés pour désigner le parler de la région de Savè
(Kluge 2011:2–3). Nous utilisons pour la présente étude le terme « cabe » pour désigner ce parler.
4
Nos informateurs parlaient du « fon-maxi, » du « fon » ou du « maxi » pour indiquer la variante qui est parlée par la
majorité de la population dans la région de Ouèssè. Nous utilisons ici le terme « maxi » pour cette variante.
5
Dans la famille de l’interrogé, le tchumbuli est utilisé dans tous les domaines. Ce n’est toutefois pas le cas pour
toutes les familles tchumbuli à Edaningbe, nous disent nos informateurs.
4
Okounfo, la langue tchumbuli est encore utilisée dans tous les domaines, même si le cabe a de plus en
plus d’importance dans la vie communautaire. La situation linguistique d’Edaningbe diffère de celle de
Gbédé et d’Okounfo. Le maxi a remplacé le tchumbuli dans presque tous les domaines sociaux.
A Edaningbe, ce ne sont que des Cobecha de l’âge de plus de vingt ans qui parlent encore le
tchumbuli. Les raisons de ce remplacement sont entre autres les mariages mixtes et l’influence des
langues voisines, e.g. le maxi.
Néanmoins, il y a des Tchumbuli de tous les âges qui parlent encore le tchumbuli et qui ont exprimé
leur intérêt à maintenir leur langue et à être alphabétisés. Les personnes interviewées nous ont dit que si
des efforts n’étaient pas faits pour alphabétiser les locuteurs tchumbuli, la langue disparaîtrait un jour.
C’est entre autres à cause de l'influence des étrangers (mariages mixtes) que le tchumbuli devient de
moins en moins important.
5
La situation d'alphabétisation dans les communautés tchumbuli
A Okounfo et à Gbédé, il y avait des classes d'alphabétisation en cabe, mais à cause du manque de locaux
(Okounfo) et d'intérêt (Gbédé), on a été obligé de les abandonner. Il y a des classes d'alphabétisation en
cabe et en maxi à Ouèssè, mais il n'y a aucun locuteur tchumbuli qui y participe. D'après le coordinateur
d'alphabétisation à Ouèssè, la meilleure manière d'alphabétiser les Tchumbuli et Cobecha serait en cabe.
Pendant les entretiens avec divers locuteurs tchumbuli, nous leur avons montré des matériaux en
chumburung du Ghana : des syllabaires et un Nouveau Testament. Nous avons constaté un intérêt très vif
de pouvoir lire cette littérature. Certaines des personnes interrogées ont commencé à lire les syllabaires
avec certaines difficultés. Il reste donc la question de l’utilisation par les locuteurs tchumbuli des
matériaux déjà développés au Ghana pour l’alphabétisation.
Les Tchumbuli et Cobecha nous ont dit à l'unanimité qu'ils étaient très intéressés à être alphabétisés
en tchumbuli. D'après eux, c'est la seule solution pour qu'ils gardent leur langue. Nous avons constaté
qu'ils sont prêts à tout faire pour commencer un programme d'alphabétisation en tchumbuli.
6
Résumé
D'après les résultats de notre enquête, il y a environ trois mille (3000) Tchumbuli et Cobecha dans les
villages d'Okounfo, de Gbédé et d'Edaningbe. En ce qui concerne les variantes de la langue en question, il
n’y a qu’une seule variante dans les trois villages. Il y a de bons rapports entre les locuteurs chumburung
au Ghana et les Tchumbuli et Cobecha au Bénin.
En ce qui concerne le multilinguisme dans les trois villages, il y a un fort bilinguisme en cabe
(Okounfo et Gbédé) et en maxi (Edaningbe). Pourtant, à Gbédé le tchumbuli reste la langue la plus
importante pour la communication. A Okounfo le cabe a remplacé le tchumbuli dans plusieurs domaines
même si tous les enfants comprennent encore le tchumbuli. A Edaningbe, parmi les Cobecha, ceux qui
ont moins de vingt ans ne parlent plus le tchumbuli.
Nous avons vu quelques efforts faits afin d’alphabétiser les habitants des trois localités en question,
même en langue tchumbuli. Pourtant, il n’y a pas de classes d’alphabétisation actuellement, ni en
tchumbuli, ni en cabe ou en maxi.
Références
Centre National de Linguistique Appliquée (CENALA). 1990. Carte linquistique: République du Bénin.
Cotonou, Bénin: CENALA.
Kluge, Angela. 2011. A sociolinguistic survey of the Ede language communities of Benin and Togo: Volume
2. Cabe language area. Dallas (SIL Electronic Survey Report). Available online at :
https://www.sil.org/resources/archives/41546.
Moulero, T. 1964. Histoire et légende de Chabè (Savè). Etudes Dahoméennes, new series, June, No.
2:1–92.
Stewart, J. 1989. Kwa. Dans John Bendor-Samuel and Rhonda Hartell (eds.), The Niger-Congo languages:
A classification and description of Africa’s largest language family, 217–245. Lanham, Md.: University
Press of America.
5
Electronic Survey Report 2017-011
Abrégé de l'Enquête
Sociolinguistique sur le
Tchumbuli du Benin
Gabriele Faton et Katharina Tupper
Abrégé de l'Enquête Sociolinguistique sur le
Tchumbuli du Benin
Gabriele Faton et Katharina Tupper
SIL International®
2017
SIL Electronic Survey Report 2017-011, July 2017
© 2017 SIL International®
All rights reserved
Avant-propos
Les études linguistiques, sociolinguistiques, historiques et autres qui ont été menées sur la langue
tchumbuli et ses locuteurs sont nombreuses. La plupart de ces travaux utilisent le nom « tchumbuli » ou
« tchombolo » pour désigner la langue des localités d’Okounfo (dans la sous-préfecture de Savè),
d’Edaningbe (sous-quartier de Lakoko, commune urbaine de Ouèssè) et de Gbédé (dans la souspréfecture de Ouèssè). Or, les habitants d’Okounfo, ainsi que ceux d’Edaningbe, appellent leur propre
langue « cobecha », et ceux de Gbédé « tchumbulin » ou « tchombolun. » Le nom de l’ethnie est le même
à l’exception de celui des habitants d’Edaningbe qui s’appellent également « Obechapu » en tant
qu’ethnie. Historiquement, les Cobecha sont les descendants du peuple Edo du Nigéria alors que les
Tchumbuli sont les descendants du peuple Tchombolo du Ghana. Or, dans la région, les locuteurs
tchumbuli sont connus sous le nom « Gbassin » ou « Gbassan » (Iroko 1995), d'où sans doute le nom
« Basa » (Carte linguistique, CENALA, 1990).
La langue tchumbuli a été classée par Snider dans le groupement « North-Guang » avec le yeji, le
prang, le nchimburu (chumburung) et le nchumunu du Ghana (Stewart 1989:228). Nous avons donc
choisi le nom « tchumbuli » pour nous référer à la langue qui est parlée par les habitants des trois dites
localités.
ii
Table de Matières
1
Introduction
2
Objectifs de l'enquête
3
Methodologie
4
Evaluation et description de la situation linguistique et sociolinguistique dans la region
4.1 L'Historique du peuple et le nom de la langue
4.2 L'intercompréhension
4.2.1 Les variantes tchumbuli
4.2.2 La compréhension du chumburung et la relation entre le chumburung et le tchumbuli
4.2.3 La compréhension du Bazantche (Foodo)
4.3 Le bilinguisme en cabe et en maxi
4.4 La vitalité du tchumbuli
5
La situation d'alphabétisation dans les communautés tchumbuli
6
Résumé
Références
iii
1
Introduction
Le présent document décrit une enquête sociolinguistique menée dans les localités d’Okounfo,
d'Edaningbe et de Gbédé par Mme FATON Gabriele (née Schoch) et Mme TUPPER Katharina (née WOLF)
de SIL avec l'aide de M. KOUAMINA Daniel, administrateur au Centre de Tri Postal de Cotonou.
L'enquête a été réalisée au mois d'août 2000 et a principalement couvert les trois villages mentionnés.
Sa réalisation a été rendue possible grâce à la collaboration et au soutien de plusieurs personnes à
qui nous aimerions adresser nos remerciements.
Il s’agit en tout premier lieu de remercier Monsieur le Sous-Préfet de Savè ainsi que Monsieur le
Sous-Préfet de Ouèssè pour leur assistance et leur soutien dès le début de notre travail.
2
Objectifs de l'enquête
Les objectifs étaient les suivants:
•
Examiner les parlers d’Okounfo, de Gbédé et d’Edaningbe, et vérifier les informations déjà
recueillies sur le tchumbuli du Bénin
•
Evaluer l'intercompréhension existant entre les parlers des trois dites localités
•
Etudier le rapport entre le tchumbuli du Bénin et le chumburung du Ghana et les relations entre les
locuteurs tchumbuli et chumburung
•
Examiner les langues qui sont parlées dans divers domaines sociaux (par exemple : en famille, au
village, etc.)
•
Examiner le degré de compréhension et l’utilisation du cabe et du maxi par les locuteurs du
tchumbuli
•
Estimer la vitalité du tchumbuli dans les trois localités et voir s'il y a un glissement de langue vers le
cabe ou le maxi
•
Voir les efforts d’alphabétisation dans les communautés tchumbuli
3
Methodologie
La méthode utilisée lors de cette enquête est celle dite de « première évaluation ». Cette méthode permet
de rassembler des informations donnant, dans un temps relativement court, une vue d’ensemble de la
situation sociolinguistique du milieu choisi. Les questionnaires sont le moyen principal utilisé pour
recueillir de telles informations. En outre, des listes de mots qui ont été recueillies pour des recherches
linguistiques servent à faire une comparaison entre le tchumbuli du Bénin et le chumburung du Ghana.
Nous présentons ici les types de questionnaires que nous avons utilisés pour mener à bien notre
recherche :
•
Un questionnaire communautaire soumis lors d’un entretien avec le chef (ou roi ou délégué), les
notables, et une représentation des communautés à Okounfo, à Gbédé et à Edaningbe
•
Un questionnaire pour les dirigeants des églises présentes dans les trois localités
•
Un questionnaire pour les coordinateurs d'alphabétisation
En plus des entretiens utilisant des questionnaires, des interviews avec les directeurs d'écoles
primaires d’Okounfo et de Gbédé ont été menées. Certains entretiens informels avec des locuteurs
tchumbuli nous ont davantage éclairés en ce qui concerne la situation sociolinguistique de ces trois
localités.
1
2
4
Evaluation et description de la situation linguistique et sociolinguistique
dans la region
Nous voulons présenter ici un résumé des résultats obtenus lors de notre enquête. Pour le rapport
complet en anglais, voir SIL Electronic Survey Report 2017-010.
4.1 L'Historique du peuple et le nom de la langue
Les informations recueillies avant l'enquête nous ont déjà donné une impression de la complexité
historique du peuple Cobecha et Tchumbuli qui se trouve aujourd’hui au Bénin. Immigrés du Ghana il y
a environ cent cinquante ans, une partie de ce peuple (les Cobecha) était lui-même originaire du Nigéria,
alors qu’une autre partie (les « Tchumbulin » ou « Tchombolo ») venait directement du Ghana, plus
précisément de la région de Kété-Kratchi. 1 Les Cobecha 2 quittèrent le Ghana accompagnés d’un groupe
Tchumbuli qui, d’après nos informateurs, était apparentés à eux. Il y avait encore une autre ethnie qui
les accompagnait, les Awloukpoukpou (Moulero 1964). Il n’est pas clair comment les Awloukpoukpou se
sont joints aux autres, mais, d’après nos informateurs, ils étaient d’origine ghanéenne, plus précisement
de Nkougnan, près de Kété-Kratchi. Les trois ethnies s’établirent dans la région de Savè, invitées par le
roi de Kaboua qui voulait qu’ils l’aident dans les guerres contre les Yoruba et autres. A Okounfo, il y a
aujourd’hui des représentants des trois ethnies alors qu’à Gbédé, il n’y a pas de Cobecha et qu’à
Edaningbe, il n’y a pas d’Awloukpoukpou. Pendant les entretiens, nos informateurs se référaient soit au
peuple Tchumbuli (à Gbédé) soit au peuple Cobecha (à Okounfo et à Edaningbe) et ne distinguaient pas
les Awloukpoukpou à l’exception des récits historiques. Nous allons donc nous référer aux habitants
d’Okounfo et Edaningbe sous le nom de « Cobecha » et à ceux de Gbédé sous le nom de « Tchumbuli. »
D'après nos informateurs, il y a environ 3000 Tchumbuli et Cobecha dont la plupart parlent ou
comprennent le tchumbuli jusqu’à aujourd’hui.
4.2 L'intercompréhension
4.2.1
Les variantes tchumbuli
Les personnes interrogées nous ont dit de manière concordante qu'il n'y a pas de variantes tchumbuli.
Tous les locuteurs tchumbuli parlent la même langue et ils arrivent facilement à comprendre tout ce que
les autres disent. Il n'y a que de très petites nuances entre les parlers à Okounfo, à Gbédé et à Edaningbe.
Il semble que le tchumbuli est le mieux parlé à Gbédé puisqu’on nous a dit que c’est là qu’il faut
s’installer pour apprendre la langue.
Les listes de mots que nous avons recueillies à Okounfo et à Gbédé contiennent 18 pairs de mots
identiques et 112 pairs de mots identiques dans un total de 143 pairs de mots. Ainsi, 91 pourcent des
pairs de mots recueillies sont soit identiques soit similaires dans les deux localités.
4.2.2
La compréhension du chumburung et la relation entre le chumburung et le tchumbuli
D'après nos informateurs dans les trois localités, le tchumbuli du Bénin et le chumburung du Ghana sont
la même langue. Quand quelqu'un parle en chumburung, un locuteur tchumbuli peut tout comprendre.
Ceux qui ont fait des visites chez leurs parents au Ghana (plus précisément dans la région de KétéKrachi), confirment qu'il leur est très facile de comprendre leurs parents. Tout récemment, on a pour la
première fois introduit dans le village de Gbédé des chants traditionnels en tchumbuli qui viennent de
leurs parents au Ghana. Depuis, les enfants chantent ces chants. La variante du Ghana est apparemment
plus pure que celle du Bénin. « C’est le seul endroit où l’on parle la langue correctement, » nous disent
1
2
Iroko a utilisé le nom « Kratye. »
D’après les informateurs à Gbédé, « Viens me joindre » en tchumbuli ressemble le mot « cobecha. »
3
les informateurs à Edaningbe. Il y a aussi les « va-et-vient » : les Tchumbuli au Bénin et les Chumburung
au Ghana se rendent visite réciproquement.
4.2.3
La compréhension du Bazantche (Foodo)
Les gens de Séméré sont, d'après nos informateurs, apparentés aux Tchumbuli et aux Cobecha « puisqu'ils
sont aussi originaires du Ghana. » Pourtant, comme il n'y a guère de contact avec les locuteurs
bazantché, il est difficile pour les Tchumbuli et Cobecha de les comprendre. Certains de nos informateurs
nous ont dit que des mots et des phrases simples étaient faciles à saisir mais que de parler avec eux leur
serait difficile.
4.3 Le bilinguisme en cabe et en maxi
Les informations recueillies ont révélé que les locuteurs tchumbuli sont en majorité bilingues. En
addition à leur propre langue ils parlent, en général, le cabe 3 (à Okounfo et à Gbédé) ou le maxi 4 (à
Edaningbe). A Okounfo et à Gbédé, nous avons trouvé des indices d'une bonne connaissance du cabe.
Pendant les entretiens, le cabe a souvent été employé. Les habitants de ces deux villages disent que leurs
petits enfants peuvent déjà comprendre et parler le cabe, même plus que le tchumbuli. A Edaningbe, qui
se trouve dans une région maxi, tous les Cobecha parlent le maxi, même les enfants à partir de deux ou
trois ans.
4.4 La vitalité du tchumbuli
Pour examiner à quel point le tchumbuli est encore utilisé par les Tchumbuli et Cobecha, nous avons
enquêté sur la langue utilisée dans divers domaines sociaux. Voici un tableau qui contient les résultats
pour les trois villages.
Domaines
Okounfo
Gbédé
Edaningbe
Annonces au village
Rites de coutûmes
Jugements de famille
Jugements au village
Cb (Tch rarement)
Tch
Tch, Cb
Tch chez le roi, Cb
Cb, Tch
Tch
Tch
Tch, Cb
Conseils des anciens
Tch
Tch
Conseils régionaux
Tch avec les Tch, Cb au
niveau de la S/P
Tch, Cb
Mx
Mx, Tch rarement
Tch 5
Mx (après
consultations en Tch)
Tch (Mx pour la
prononciation)
?
Tch = tchumbuli, Cb = cabe, Mx = maxi
Le tableau montre que le cabe et le maxi ont pénétré plusieurs domaines sociaux. Dans les trois
localités interviewées, les informateurs nous ont dit que le cabe ou le maxi sont parlés au détriment du
tchumbuli. Ces langues régionales ont déjà dominé ou même remplacé le tchumbuli dans plusieurs
domaines de la communication tels que les annonces et les jugements au niveau du village. A Gbédé et à
3
En général, les termes « cabe » et « nago » sont utilisés pour désigner le parler de la région de Savè
(Kluge 2011:2–3). Nous utilisons pour la présente étude le terme « cabe » pour désigner ce parler.
4
Nos informateurs parlaient du « fon-maxi, » du « fon » ou du « maxi » pour indiquer la variante qui est parlée par la
majorité de la population dans la région de Ouèssè. Nous utilisons ici le terme « maxi » pour cette variante.
5
Dans la famille de l’interrogé, le tchumbuli est utilisé dans tous les domaines. Ce n’est toutefois pas le cas pour
toutes les familles tchumbuli à Edaningbe, nous disent nos informateurs.
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Okounfo, la langue tchumbuli est encore utilisée dans tous les domaines, même si le cabe a de plus en
plus d’importance dans la vie communautaire. La situation linguistique d’Edaningbe diffère de celle de
Gbédé et d’Okounfo. Le maxi a remplacé le tchumbuli dans presque tous les domaines sociaux.
A Edaningbe, ce ne sont que des Cobecha de l’âge de plus de vingt ans qui parlent encore le
tchumbuli. Les raisons de ce remplacement sont entre autres les mariages mixtes et l’influence des
langues voisines, e.g. le maxi.
Néanmoins, il y a des Tchumbuli de tous les âges qui parlent encore le tchumbuli et qui ont exprimé
leur intérêt à maintenir leur langue et à être alphabétisés. Les personnes interviewées nous ont dit que si
des efforts n’étaient pas faits pour alphabétiser les locuteurs tchumbuli, la langue disparaîtrait un jour.
C’est entre autres à cause de l'influence des étrangers (mariages mixtes) que le tchumbuli devient de
moins en moins important.
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La situation d'alphabétisation dans les communautés tchumbuli
A Okounfo et à Gbédé, il y avait des classes d'alphabétisation en cabe, mais à cause du manque de locaux
(Okounfo) et d'intérêt (Gbédé), on a été obligé de les abandonner. Il y a des classes d'alphabétisation en
cabe et en maxi à Ouèssè, mais il n'y a aucun locuteur tchumbuli qui y participe. D'après le coordinateur
d'alphabétisation à Ouèssè, la meilleure manière d'alphabétiser les Tchumbuli et Cobecha serait en cabe.
Pendant les entretiens avec divers locuteurs tchumbuli, nous leur avons montré des matériaux en
chumburung du Ghana : des syllabaires et un Nouveau Testament. Nous avons constaté un intérêt très vif
de pouvoir lire cette littérature. Certaines des personnes interrogées ont commencé à lire les syllabaires
avec certaines difficultés. Il reste donc la question de l’utilisation par les locuteurs tchumbuli des
matériaux déjà développés au Ghana pour l’alphabétisation.
Les Tchumbuli et Cobecha nous ont dit à l'unanimité qu'ils étaient très intéressés à être alphabétisés
en tchumbuli. D'après eux, c'est la seule solution pour qu'ils gardent leur langue. Nous avons constaté
qu'ils sont prêts à tout faire pour commencer un programme d'alphabétisation en tchumbuli.
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Résumé
D'après les résultats de notre enquête, il y a environ trois mille (3000) Tchumbuli et Cobecha dans les
villages d'Okounfo, de Gbédé et d'Edaningbe. En ce qui concerne les variantes de la langue en question, il
n’y a qu’une seule variante dans les trois villages. Il y a de bons rapports entre les locuteurs chumburung
au Ghana et les Tchumbuli et Cobecha au Bénin.
En ce qui concerne le multilinguisme dans les trois villages, il y a un fort bilinguisme en cabe
(Okounfo et Gbédé) et en maxi (Edaningbe). Pourtant, à Gbédé le tchumbuli reste la langue la plus
importante pour la communication. A Okounfo le cabe a remplacé le tchumbuli dans plusieurs domaines
même si tous les enfants comprennent encore le tchumbuli. A Edaningbe, parmi les Cobecha, ceux qui
ont moins de vingt ans ne parlent plus le tchumbuli.
Nous avons vu quelques efforts faits afin d’alphabétiser les habitants des trois localités en question,
même en langue tchumbuli. Pourtant, il n’y a pas de classes d’alphabétisation actuellement, ni en
tchumbuli, ni en cabe ou en maxi.
Références
Centre National de Linguistique Appliquée (CENALA). 1990. Carte linquistique: République du Bénin.
Cotonou, Bénin: CENALA.
Kluge, Angela. 2011. A sociolinguistic survey of the Ede language communities of Benin and Togo: Volume
2. Cabe language area. Dallas (SIL Electronic Survey Report). Available online at :
https://www.sil.org/resources/archives/41546.
Moulero, T. 1964. Histoire et légende de Chabè (Savè). Etudes Dahoméennes, new series, June, No.
2:1–92.
Stewart, J. 1989. Kwa. Dans John Bendor-Samuel and Rhonda Hartell (eds.), The Niger-Congo languages:
A classification and description of Africa’s largest language family, 217–245. Lanham, Md.: University
Press of America.
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