Bataille between Don Juan and the Comman

Date: Thu, 10 Aug 1995 01:00:30 -0400 (EDT) From: DRAGON JEAN Subject: Bataille, between DJ and the C.: part 2

Part 2: Entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir. ****

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... Telle la depense du sentiment de notre propre connaissance qui nous enferme dans une suffisance mortelle, la conscience de soi chez Bataille ouvre sur une conscience de rien:

Il s'agit pour moi d'en arriver au point ou la conscience cessera d'etre conscience de quelque chose. En d'autres termes, prendre conscience du sens definitif d'un instant ou la croissance (l'acquisition de quelque chose) se resoudra en depense, est exactement la conscience de soi c'est-a-dire une conscience qui n'a plus rien pour objet(50).

1.3 La pratique d'un desir de subversion.

Mimer le savoir absolu pour en jouer les limites(51). Du rapport de Bataille a .i.Hegel; relativement a la dialectique,

deux points sont a examiner. Le premier concerne la situation du desir et le deuxieme, la conception de la pratique. Le premier nous renseigne sur la divergence de vue de ces auteurs au sujet de la dialectique; le deuxieme eclaire, ceci s'avere fondamental pour le sujet qui nous occupe, le role de la fiction dans l'experience philosophique de Georges Bataille.

Le desir, comme nous l'avons dit precedemment, joue un role important dans la comprehension kojevienne de la dialectique hegelienne et plus encore, parce qu'il apparait notamment comme une condition necessaire a l'experience de reflexion du sujet (conscience de soi). Mais, avant tout, illustrons ce que nous avancons ici.

D'abord, le sujet desire l'objet ou encore le desir de l'autre, D'abord, le sujet desire l'objet ou encore le desir de l'autre,

a la constitution du troisieme et ultime moment, soit le retour sur soi, ou encore la reflexivite. A la limite, le processus de la constitution de la conscience de soi apparait comme mediatise par un reflexe de protection qui culmine dans la negation de l'autre. Est-ce a dire que le but d'une telle experience n'a pas tant pour objet la reconnaissance des differences que la confirmation de l'unite ideelle d'un sujet qui se "fictionne"(52)? Et plus grave encore, le sujet se coupe-t-il ainsi de sa propre conscience?

Le desir chez .i.Hegel; constitue l'agent de la negativisation de l'objet et de l'autre. C'est aussi pourquoi le desir de l'autre represente un facteur cle dans la comprehension de .i.Hegel;. De plus, le processus menant a la conscience de soi reposerait, selon nous, sur la paranoa, une "paranoa constitutive" qui s'articule sur la negation du sujet, telle une scission qui se poursuit ad infinitum parce que fondee sur et fondant le rejet de sa propre conscience. C'est une pulsion de mort(53) qui assure ultimement l'unite du sujet chez .i.Hegel;, la menace

de son unite brisee. Contrairement a Bataille, cette unite semble etrangere a l'experience immediate du sujet. Julia .i.Kristeva; nous dit

a cet effet qu'il s'agit d'un "telescopage" par le desir de la negativite dans l'unite(54).

Prise metaphoriquement chez Bataille, la dialectique hegelienne a neanmoins un merite. Elle constitue un risque et aussi une chance; le sujet vise l'autre, et pour cela, il doit prendre un risque, celui de la dissolution, bien que momentanee, de son identite...

Jusque-la, il y a une parente entre les deux auteurs, mais les divergences apparaissent dans le second terme, c'est-a-dire dans la mediation. Chez .i.Hegel;, le moi semble d'abord divise et ensuite redouble afin de se reunifier dans l'unite de la conscience de soi. Bataille reprend au contraire le sujet unifie selon une ligne regressive en sacrifiant le moyen terme a l'experience immediate et en y placant l'essentiel de sa propre experience; ce renversement d'Erfahrung (experience) ne pouvant etre realise dans la pratique sans la reconnaissance prealable du leurre de l'unite du sujet (d'un sujet unaire), Bataille demontre ainsi l'impossibilite de ce qu'.i.Hegel; recherchait a travers le Savoir Absolu: l'identite entre la theorie et la pratique.

Alors s'il y a un Savoir Absolu ici, il ne possede pas une forme achevee; bien au contraire, il reintroduit un sujet acheve dans la totalite chaotique d'une experience pleniere qui appelle au fractionnement dans la relance ludique, infinie de son experience. La mediation par laquelle l'objet et l'autre sont nies n'existe simplement pas. Cette ontologie du glissement permet a l'etre d'avoir l'intuition de sa chance. Il tente sa chance parce qu'il sait que son unite est la pire mystification du Savoir Absolu. Bataille n'y echappe pas, a defaut de pouvoir caracteriser plus specifiquement la continuite a l'interieur de la souverainete, il doit recourir, bien qu'indirectement, a l'"unite"(55). Difference notable cependant d'avec Hegel puisqu'une telle unite, chez Bataille, s'avere spontanee, immediate et se passe de toute mediation. "Operation comique" alors, car l'auteur sait pertinemment que seul le ridicule subsiste la ou l'illusion d'un sens permet au non-sens d'apparaitre. Il n'y a ici de verite que dans la fiction. La theatralite s'avere d'ailleurs probablement une occasion de jouissance plus complete Alors s'il y a un Savoir Absolu ici, il ne possede pas une forme achevee; bien au contraire, il reintroduit un sujet acheve dans la totalite chaotique d'une experience pleniere qui appelle au fractionnement dans la relance ludique, infinie de son experience. La mediation par laquelle l'objet et l'autre sont nies n'existe simplement pas. Cette ontologie du glissement permet a l'etre d'avoir l'intuition de sa chance. Il tente sa chance parce qu'il sait que son unite est la pire mystification du Savoir Absolu. Bataille n'y echappe pas, a defaut de pouvoir caracteriser plus specifiquement la continuite a l'interieur de la souverainete, il doit recourir, bien qu'indirectement, a l'"unite"(55). Difference notable cependant d'avec Hegel puisqu'une telle unite, chez Bataille, s'avere spontanee, immediate et se passe de toute mediation. "Operation comique" alors, car l'auteur sait pertinemment que seul le ridicule subsiste la ou l'illusion d'un sens permet au non-sens d'apparaitre. Il n'y a ici de verite que dans la fiction. La theatralite s'avere d'ailleurs probablement une occasion de jouissance plus complete

Sur le plan theorique, le sujet souverain de l'experience interieure fonde la possibilite d'un sujet nouveau qui, sans renoncer au sujet du savoir dont .i.Hegel; et .i.Marx; ont marque l'accomplissement en achevant sa negativite dans le concept ou dans la revolution, lui rend sa negativite heterogene, et du meme coup, lui rend sa jouissance(56).

Bataille tente de montrer l'impossibilite d'une identite entre l'existence et le savoir. Son hypothetique traversee du savoir hegelien ne le mene a aucun savoir constitue ou constituable: surtout lorsqu'on substitue la catastrophe a la place de l'objet.

La conception dialectique de la pratique chez .i.Hegel; se distingue donc de celle de Bataille en ce que chez le premier, l'idee theorique recoit son individualite, sa forme et son contenu d'une intention. Il y a aussi une intention chez Bataille, mais comme elle en appelle a la catastrophe, elle ne se connait elle-meme pas plus qu'elle n'obeit a une fin etrangere a l'immediatete, car pour Bataille:

(...) il faut retourner en deca de la specularisation et la reprendre dans un "voir immediat", catastrophique. Ne pas releguer l'immediat dans le clos du spectacle mais le traverser en une representation maintenue comme eclatement de toute identification, de toute identite, de toute specularisation, donc comme une ruine de la representation elle-meme (57).

Jeu de demasquement et exposition du moment fort comme aspects problematiques d'une pratique, la fiction dans le renversement de l'experience, revele aussi la condition de renouvellement de la pratique. Bataille denonce l'adequation entre l'objet et le concept dans l'experience et la pratique. Ainsi, l'Experience Interieure vise a casser la finalite d'un tel mecanisme mais non a le faire cesser. Du reste, il n'a jamais existe. Cette pantomime ironique nous renseigne sur le fonctionnement d'une pratique en lui permettant de se renouveler et y precise le role crucial que joue l'immediatete de l'experience. Celle-ci leve le refoulement qui emerge du decalage existant entre le proces et la these.

La fiction chez Bataille, mecanisme de levee theorique et ideologique, (son Aufhebung) fait apparaitre non seulement l'impossibilite du projet mais permet egalement une ouverture vers l'inconnu, mieux encore, vers l'inconnaissable. Il ne faut pas oublier que le rire semble maitre de jeu ici, en permettant a Bataille une retraite efficace et meme la transmutation des larmes en perles d'"ek-stase".

.i.Hegel; a cru pouvoir resorber l'angoisse dans l'edification de son systeme. Ce faisant il se retrouva confronte a une "inquietude" qui mettait en cause l'achevement de son entreprise. Hegel devint lui-meme angoisse par une reussite insensee... Le refus de l'angoisse dans l'impermeabilite du systeme faisant retour, le mauvais oeil de Bataille agit comme un coup bas hors des regles qu'Hegel nous avait imposees.

Hegel; a elabore son systeme pour echapper a l'angoisse; sa philosophie ne s'edifie que sur l'oubli de l'impossible revele dans l'angoisse et elle s'expose a la faillite precisement en ne supprimant pas la possibilite ultime de cette angoisse(58).

Si ce n'est au Savoir Absolu, a quoi .i.Hegel; est-il parvenu? Peut-on seulement dissocier l'auteur de la Phenomenologie de l'esprit du lieu de son articulation? Avant tout, comment ce Savoir se presente-t-il?

Le savoir absolu se donne en effet, comme le projet humain fondamental, total et universel(59).

La comprehension se confond au "lieu" (Savoir Absolu)(60) qui le permet: topos d'une conscience maitresse d'elle-meme, capacite de savoir que l'on possede toutes les qualites de se reconnaitre comme le lieu de la rencontre avec l'Absolu (lieu d'ou l'oeuvre peut etre comprise dans sa totalite). Mais tout ceci demeure en dehors de l'entendement (au sens cartesien). En effet, si le Savoir Absolu s'avere la connaissance qu'il a

de lui-meme, comment la pensee pourrait-elle esperer rendre compte de ce

a quoi elle n'a pas acces? Le discours acheve et total constitue un savoir identique a l'etre absolu, non-accessible ultimement a l'entendement humain puisqu'il transcende son experience... Connaissance hyper-humaine ou trop humaine alors?

Il n'y a pas d'aboutissement, de repos chez Bataille. Le sujet se suspend au cauchemar d'une nuit perpetuelle. Au Savoir Absolu de .i.Hegel;, Bataille oppose la nuit perpetuelle du non-savoir. L'oeil ferme voit son obscurite, mieux, il la desire. Depuis l'abandon total au mouvement de la consumation et de la perte, ce mouvement n'a ni origine, ni fin. Tout comme la renonciation et la danse nietzscheenne, l'impossible parle par-dessus les ruines du cadavre...

En somme, Bataille montre comment le projet de .i.Hegel; echoue. L'experience s'avere irreductible au concept et l'humain ne peut se reduire a un projet d'ailleurs impuissant a vraiment englober synthetiquement l'existence humaine. La philosophie hegelienne demeure impuissante a temoigner de ce qui est. Qu'est-ce qui fait que je sais ce que je sais? Comment ce que je sais peut-il encore poser probleme si la Philosophie ainsi que l'Histoire se trouvent achevees? Cette reponse ne peut etre prevue par le mouvement de totalisation sans le mettre lui-meme en cause: en effet, pourquoi un tel savoir permettrait-il d'entretenir chez moi les limites de ma propre condition?

Ceci nous amene a questionner le Savoir Absolu. Peut-on croire qu'il consisterait uniquement en une abstraction sur l'essentiel, c'est-a-dire en un prelevement du contenu de l'experience dans le but de fonder une "connaissance synthetique" qui refuse la subjectivite et l'experience(61)? Ce n'est sans doute pas sans raison que la lecture biographique du concept de .i.Hegel; par Bataille (en cela il reprend .i.Queneau;) portera ses fruits. N'est-ce pas intolerable, en effet, que

de devoir s'astreindre a une negativite qui ne montre pas ses fruits. Bataille joue son existence contre la theorie, l'eleve turbulent du conferencier de l'E.P.H.E. a reussi a faire amender, a nouveau, la reflexion de .i.Kojeve; sur la negativite en periode de fin de l'Histoire.

La philosophie bataillienne se situe sur une ligne de faille, telle le rire du funambule(62). Elle cherche a reconduire la limite. Elle vise a renoncer a etre tout, pas meme abdiquer au systeme mais a sa circularite et a ses lignes de partage, a ses disjonctions et a ses La philosophie bataillienne se situe sur une ligne de faille, telle le rire du funambule(62). Elle cherche a reconduire la limite. Elle vise a renoncer a etre tout, pas meme abdiquer au systeme mais a sa circularite et a ses lignes de partage, a ses disjonctions et a ses

2-Symphonie en rire majeur

L'impossible n'est pas une verite de Silene (Silene condamne a un impossible non; Bataille a un impossible oui); c'est une verite dionysiaque, "une verite de bacchante": une verite de yeux brles(63).

.i.Nietzsche; restera probablement le seul penseur qui accompagnera Bataille toute sa vie. Bataille le defendra et contribuera grandement a demystifier .i.Nietzsche;. Cette influence revendiquee par Bataille trouve son paroxysme dans un esprit de communaute qu'il tente de partager avec le philosophe allemand. Cette communaute de pensee devoile cependant des differences importantes qui supposent chez Bataille une comprehension particuliere de .i.Nietzsche;. La question qui se pose a nous n'est pas tant de presenter le rapport qui existe entre les deux auteurs(64), mais bien plutot d'essayer d'illustrer les distorsions dans la comprehension qu'a Bataille du texte nietzscheen ainsi que les critiques qu'il formule a son endroit. Il sera alors interessant de voir si Bataille poursuit Nietzsche sans le deformer et, donc dans une communaute reelle, si ses efforts enrichissent la lecture que nous pourrions maintenant faire de l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra(65).

2.1 A la decouverte du rire Point de glissement vertigineux a l'interieur duquel il semble

impossible de se maintenir sans prendre le risque de basculer soi-meme, le rire est insaisissable. Mais que fait-il et quel est son but? Le rire allie la finesse de la pensee a la volupte de l'emotion. Et parce qu'il propulse l'etre dans la communication, il dissout les disparites qui s'opposent a sa realisation. De plus, le rire supprime l'angoisse mais pourtant, nous dit Bataille, il n'en a pas d'autre source.

La decouverte du rire amorce une conversion que confirmera la rencontre avec .i.Nietzsche;. C'est d'abord probablement a travers .i.Bergson; que Bataille decouvre le rire, a savoir non pas comme l'appreciation d'un monde, mais plutot comme une incontenance, un exces et une ouverture aux possibles dans une approche critique de l'experience. Ce rire emane d'un malaise, il n'est pas le rire ironique

de la reflexion: (...) mais il est certain qu'a partir du moment ou je me suis pose la

possibilite de descendre aussi loin que possible dans le domaine du rire, j'ai ressenti comme un premier effet tout ce que le dogme m'apportait comme emporte par une espece de maree diluviale qui le decomposait(66).

Ainsi decrit, ce rire ne produit pas une parfaite alchimie avec Ainsi decrit, ce rire ne produit pas une parfaite alchimie avec

2.2 La Revendication d'une communaute de pensee

Il me semble aujourd'hui devoir dire: ceux qui le lisent ou l'admirent le bafouent (il le sut, il le dit). Sauf moi? Mais tenter, comme il demandait, de le suivre est s'abandonner a la meme epreuve, au meme egarement que lui(67).

L'ecriture sur .i.Nietzsche; ou plutot avec Nietzsche chez Bataille, repond a un souci de presenter son oeuvre et la defendre, du moins la soustraire a des vues etrangeres a son propos, et surtout de vivre avec Nietzsche une communaute de pensee que le Sur Nietzsche represente bien: "Ma vie, en compagnie de .i.Nietzsche;, est une communaute, mon livre est cette communaute"(68).

Cette strategie qui entremele les discours philosophiques et biographiques(69), a pour nous le merite d'etre authentique. "Seule la chance peut me guider"(70), nous dit Bataille. Cette chance n'est-elle pas liee egalement a une affirmation absolue tant chez .i.Nietzsche; que chez Bataille? Bataille semble partir a la recherche de "son Nietzsche":

Peut-etre y a-t-il un exces d'orgueil a le dire, mais je continue a penser que l'on n'atteint pas plus le sens de la pensee et l'experience

de Nietzsche que, si l'on veut, celui de la pensee et de l'experience chretienne: dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'un tout ou rien(71).

Aussi s'avere-t-il interessant d'essayer de prendre au mot Bataille et de le lire comme il le desire implicitement, c'est-a-dire comme s'il etait .i.Nietzsche;(72). A quelques nuances pres, nous assistons a la meme horreur et au meme sentiment d'aneantissement, car Bataille porte egalement la fievre d'une inconditionnelle aspiration sans objet: "J'ai tente de tirer de moi les consequences d'une doctrine lucide qui m'attirait comme la lumiere: j'ai recolte l'angoisse et l'impression le plus souvent de succomber"(73).

L'aspiration semble donc nietzscheenne, du moins, reconduit-elle Bataille a lui-meme, mais le langage de l'experience bataillienne est icarien, voire sacrificiel(74). S'il ajoute quelque chose a .i.Nietzsche, c'est dans une tentative d'incarner ce que .i.Nietzsche; annoncait par-dela le mal. Bataille sait aussi que le destin n'a pas d'ailes et qu'il devra vendre son compagnon et tenter sa chance pour retrouver la noirceur d'une nuit pascalienne...(75)

En effet, Bataille ne semble pas anime par l'apostasie d'un Zarathoustra mais bien plutot par celle d'un .i.Pascal; qui se demande pourquoi l'etre supreme nous aurait abandonne. L'atheisme de Bataille se rapproche beaucoup moins de .i.Nietzsche; que de .i.Pascal;, a la En effet, Bataille ne semble pas anime par l'apostasie d'un Zarathoustra mais bien plutot par celle d'un .i.Pascal; qui se demande pourquoi l'etre supreme nous aurait abandonne. L'atheisme de Bataille se rapproche beaucoup moins de .i.Nietzsche; que de .i.Pascal;, a la

de sa presence, tandis que Bataille ne veut rien y voir du tout. Neanmoins Bataille se rapproche plus de Pascal sur ce point que de Nietzsche (a moins que son .i.Nietzsche; ne soit pascalien?). En effet, la nuit interesse autant Bataille que le midi interesse Nietzsche, nuit

de .i.Saint-Jean de la Croix;, mais surtout d'.i.Angele de Foligno;, si proche de celle d'Edwarda.

Bataille integre .i.Nietzsche; a son anthropologie de la communication. La communication se realise au sommet dans un mal qui rassemble les hommes. Chez Bataille, seul l'etre de la blessure est apte

a la communication, ce qui constitue le tragique d'Eros, c'est-a-dire les conditions egalement d'une mise en jeu au sommet qui le suspend au-dessus du neant, dans la communication.

Bataille souhaitait pouvoir resoudre le "probleme intime" de la morale(76); il n'est pas etonnant alors que .i.Nietzsche; soit identifie

a ce qui assure l'emergence de la communication, au mal et surtout a la valeur operative du mal(77) qui est l'expression concrete de la liberte. Il faut cependant aller plus loin et considerer que les conditions objectives designent uniquement la possibilite d'une communication. Il faut assurer cette communication, et pour cela, il faut desirer le mal: "C'est en ruinant en moi-meme, en autrui, l'integrite de l'etre, que je m'ouvre a la communication, que j'accede au sommet moral"(78).

Cette communaute d'esprit avec .i.Nietzsche; fournira a Bataille l'occasion de resoudre ce qu'il appelle le probleme intime de la morale. En ajoutant le sacrifice de l'homme entier au sujet de l'Experience Interieure, comme nous le verrons plus loin, Bataille avance une formidable intuition qui le fait passer au rire majeur. Il sacrifie la suffisance de l'homme entier, renverse et puis radicalise l'idee de l'eternel retour en lui substituant la valeur du moment, la fulgurance de l'instant.

Tout ceci suppose egalement que cette communaute ouvre sur des divergences entre les deux auteurs, ou du moins une comprehension particuliere de Nietzsche chez Bataille. Ces differences, qui procedent souvent d'une interpretation particuliere de .i.Nietzsche,; ne manqueront pas de fournir a Bataille les motifs d'une critique de la pensee nietzscheenne.

2.3 L'homme souverain n'est pas l'homme entier... Bataille n'a pas que protege .i.Nietzsche; des detournements que

l'on fit prendre a son oeuvre et s'il l'a fait, ce n'etait pas uniquement

de facon desinteressee, bien au contraire. La pensee bataillienne, que l'on confond souvent a tort avec celle de .i.Nietzsche;, s'avere pourtant redevable au philosophe allemand.

D'abord, la comprehension qu'a Bataille de la Volonte de puissance semble relative car elle ne semble pas denoter sa double polarite(79), quoique Bataille ne se trompe pas en y voyant egalement un moteur de dilution, utile a son anthropologie de la communication. De plus, Bataille voit dans la Volonte de puissance une expression de l'attrait de .i.Nietzsche; pour le mal. Bataille semble oublier ainsi que la Volonte de puissance est monde. Sa double polarite et la conception du D'abord, la comprehension qu'a Bataille de la Volonte de puissance semble relative car elle ne semble pas denoter sa double polarite(79), quoique Bataille ne se trompe pas en y voyant egalement un moteur de dilution, utile a son anthropologie de la communication. De plus, Bataille voit dans la Volonte de puissance une expression de l'attrait de .i.Nietzsche; pour le mal. Bataille semble oublier ainsi que la Volonte de puissance est monde. Sa double polarite et la conception du

Qu'avance Bataille ici? Ajoute-t-il quelque chose de substantiel

a la pensee de .i.Nietzsche;? Si oui, la pensee de Nietzsche en sort-elle intacte? Pour Bataille, l'idee de l'homme entier, parce qu'elle implique celle du sur-homme, connote une sur-determination etrangere a l'experience qu'il se propose de sacrifier en remplacant l'homme entier par l'homme souverain, c'est-a-dire l'homme de l'Experience Interieure.

Il faut comprendre que Bataille croit que l'echec de .i.Nietzsche; procede en partie de la fermeture a la fin du sur-homme sur son rire, alors que c'est de celui-ci, pour Bataille, que devrait naitre l'ouverture. En jouant l'homme souverain contre l'homme entier, Bataille exprime peut-etre enfin son desir: reussir la ou Nietzsche lui semble avoir echoue... Bataille se proposerait ainsi non seulement de proteger .i.Nietzsche; du fascisme et au besoin lui faire reparation, mais surtout

de ne pas faire les memes erreurs que lui. L'homme de la fin de l'Histoire sera l'homme souverain. Pelerinage etrange qui consistera a radicaliser l'idee d'eternel retour afin d'y evacuer a la fois la dimension tragique pour la remplacer par le lyrisme, mais aussi y adjoindre l'idee du sacrifice. L'homme n'a plus a reconquerir une sorte d'innocence dans le devenir car l'homme souverain s'immole dans un present riche de sa dilapidation...(81)

Aussi l'idee de destin n'a-t-elle aucun sens, si ce n'est comme desir de mort. De plus, le caractere electif de l'homme souverain peut-il s'apparenter a l'aristocratie naturelle de l'homme entier? Certes pas, puisque l'homme souverain, contrairement a l'homme entier, depend d'autant plus des autres que son rire ne traduit pas chez lui sa superiorite mais le confine plutot au lyrisme. Il lui est alors impossible de realiser son caractere electif. Bataille se trouve a etre au service du bourreau, s'il en est la victime... En definitive, du long cortege du dieu antique, Bataille n'a aime que la passion, le demembrement de Dionysos.

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Date: Thu, 10 Aug 1995 01:09:04 -0400 (EDT) From: DRAGON JEAN Subject: Bataille, between DJ and the C.: Part 3

Part 3: Entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir. ****

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L'extreme du tragique s'abime sur les dents du rire. Curieux tout

de meme que le suicide des concepts et la mort de la pensee se font chez chacun a l'image des conditions de leur mort, sur la place publique avec .i.Nietzsche; et dans la plus stricte intimite chez Bataille. Ceci tranche avec leur caractere respectif quand on sait que l'isolement s'exprime chez Nietzsche alors que la communaute se traduit chez Bataille. La mort se fait publique chez le guerrier, mais ou se trouve le corps de l'apprenti-sorcier...(82)? En fait, ce propos autour de la place publique et de l'intimite marque une difference supplementaire entre Bataille et .i.Nietzsche; que Maurice .i.Blanchot; exprime comme suit:

(...) mais il y eut une grande difference entre Bataille et .i.Nietzsche;. Nietzsche eut un desir ardent d'etre entendu, mais aussi la certitude parfois orgueilleuse de porter en lui une verite trop dangereuse et superieure pour pouvoir etre accueillie. Pour Bataille, l'amitie fait partie de l'"operation souveraine"; ce n'est pas par legerete que Le coupable porte en premier lieu ce sous-titre, L'amitie ; l'amitie, il est vrai, se definit mal: amitie pour soi-meme jusque dans la dissolution; amitie de l'un a l'autre, comme passage et comme affirmation d'une continuite a partir de la necessaire discontinuite(83).

Pour Bataille, la faiblesse chez .i.Nietzsche; se trouve dans le maintien du mouvement qui ne sacrifie pas le caractere tragique et la suffisance du devenir. Cette faiblesse apparait dans l'absence de jeu, car la danse n'est pas un jeu chez .i.Nietzsche; mais la celebration d'un aneantissement des formes. Le jeu constitue une fin sans but veritable et sans fin, une eternite presente, et non un retour du meme. Le sommet se trouve egalement dans le jeu chez Bataille(84): "La faiblesse de .i.Nietzsche;: il critique au nom d'une valeur mouvante, dont il n'a pu saisir l'origine ni la fin ..."(85).

Bataille considere que .i.Nietzsche; n'a pas renonce assez radicalement aux formes vulgaires de la transcendance. Le rire de l'homme entier attachait .i.Nietzsche; a l'autre, au service de la destinee(86). Nietzsche eut-il encore trop de compassion pour les humains? Pour Bataille, Nietzsche n'a pas tendu assez aux exigences d'un mal irreductible. L'acces au sommet ne peut se faire uniquement dans l'innocence(87), mais bien dans l'integrite du mal, ce sacre de la transgression qui nous amene a realiser le gain d'une perte fulgurante en une sorte de plus-value improductive. Bataille ne dit-il pas d'ailleurs que "le sommet est le lieu ou la vie est impossible"(88)?

Ici plusieurs questions subsistent, dont une plus particulierement: Bataille a-t-il vraiment prolonge .i.Nietzsche;? Sa comprehension chretienne de .i.Nietzsche;, selon nous, ne le laisse pas supposer. .i.Nietzsche; supprime toute idee d'un dualisme. Ce que Bataille reintroduit sous la forme de la morale chretienne, bien qu'entendue ici comme exercice preliminaire a la disparition de la pensee elle-meme, consiste en une pensee de l'absence qui est ontologie du jeu et du rire tels le non-savoir et l'atheologie. Si Bataille prolonge .i.Nietzsche; ce sera dans le sacrifice de toute sur-determination du mythe et dans le sacrifice de la suffisance de l'homme entier. Mais Bataille pouvait-il depasser .i.Nietzsche; sans echapper a sa condition

de commentateur? En agissant en communaute fictive de pensee, car impossible, Bataille; ne repond qu'a lui-meme et aux preoccupations de son epoque. Meme s'il essaie d'emprunter son destin a .i.Nietzsche;, il ne peut que lui sur-ajouter le sien. Ce faisant, Bataille lui substitue du meme coup une interrogation qui ne s'avere plus forcement celle de Nietzsche. De plus, entrevoir en .i.Nietzsche; le philosophe du mal ne semble representer qu'une piece de plus a la pensee bataillienne plutot que la reelle traduction de Nietzsche. Cette facon d'utiliser les propos

de Nietzsche ne manque pas de marquer le deplacement des enjeux de la problematique nietzscheenne vers ceux dirions-nous d'une morale encore plus idiosyncrasique... .i.Nietzsche; savait que sa philosophie etait une critique cinglante d'un processus beaucoup plus vaste que le simple christianisme.

3- Entre le commandeur et Don Juan(89)

Il y avait une certaine incompatibilite entre son hegelianisme et ce qu'il appelait la chance. La reside cette ambigute du langage de Bataille(90).

Nous l'avons vu precedemment, la pensee de Bataille se trouve marquee par deux figures majeures, celle de .i.Hegel; et celle de .i.Nietzsche;. Deux figures constitutives d'une philosophie dont le paradoxe, l'impossible pour certains, se comprend mieux dans le mouvement

de va-et-vient entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche;, ou entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir. Bataille ne dira-t-il pas d'ailleurs: "Il m'est impossible aujourd'hui de n'etre, entre deux points, qu'un trait d'union, qu'un saut, qui lui-meme, un instant ne repose sur rien..."(91).

Tel un dispositif d'ouverture et de fermeture present dans ses textes philosophiques, Bataille joue a la fois de .i.Hegel; et de Nietzsche. Hegel, dans l'identite du sujet et de l'objet, opere la Tel un dispositif d'ouverture et de fermeture present dans ses textes philosophiques, Bataille joue a la fois de .i.Hegel; et de Nietzsche. Hegel, dans l'identite du sujet et de l'objet, opere la

transgression sur le couple .i.Hegel;/.i.Nietzsche; se revele etre une fiction, mais cette fiction implicite a l'oeuvre philosophique s'avere constitutive d'une position philosophique precise qui alterne entre ces deux auteurs. Fiction aussi parce que le rapport a chacun des auteurs obeit chez Bataille a deux discours differents qui repondent, nous le verrons, au jeu d'une attitude qu'il retiendra derriere la theorie, participant en quelque sorte des motivations intrinseques a sa pratique

de la philosophie. De fait, Bataille n'a jamais articule explicitement ces discours, si ce n'est d'infirmer qu'il rit du serieux de l'auteur de la Phenomenologie avec les yeux enuclees de l'auteur d'Ainsi parlait Zarathoustra. Cependant, la reflexion bataillienne autour de ces auteurs repond a des exigences particulieres qui revelent une ambition chez Bataille, du moins, des presupposes a la fois philosophiques et idiosyncrasiques. Autrement dit, Bataille n'est ni l'un (.i.Hegel;), ni l'autre (.i.Nietzsche;) mais represente le mouvement d'une oscillation ludique entre le dispositif qui nous preoccupe et l'espace particulier que tout auteur trace entre le discours et les motivations personnelles qui le rendent possible, voire impossible dans le cas de Bataille.

Hegel; crut devenir fou, .i.Nietzsche; le devint reellement... Quelle portee cette folie peut-elle avoir dans le travail de Bataille sur Hegel a lumiere de la comprehension prealable de Nietzsche? Bataille nous dit qu'il s'agissait pour lui d'ajouter une sorte d'"equivalence de la folie" dans le systeme hegelien: "Il s'agit de placer a la base meme (ou

a la fin) de la reflexion hegelienne une equivalence de la folie"(92). Du meme coup, quelle signification recele cette affirmation si ce

n'est que cette equivalence de la folie, que Bataille tente de placer dans le systeme hegelien, se revele etre celle qu'il retrouve chez .i.Nietzsche;, d'autant plus et mieux que celui-ci semble deja inscrit dans l'alea d'.i.Hegel; sous la forme de son refoule, ou plutot de sa tache aveugle(93)? Ici, nous l'avons vu, le Savoir Absolu se condense dans son point ultime pour verser dans le rien (silence ou non-savoir) sous l'action d'une discursivite qui ne veut pas le reprendre mais l'aneantir. L'edifice semble s'ecrouler puisque nous n'assistons plus a une meconnaissance du connu mais a une reconnaissance de l'inconnu. Sous l'effet d'une pensee evanescente et gaie, la discursivite se maintient devant l'inconnaissable en endiguant la possibilite d'une reconstitution du savoir avec ses ruines.

Le lien entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche; se situe dans le jeu, du moins la mise en jeu du Savoir Absolu par le Gai Savoir, le fait verser dans le non-savoir: "De Hegel a Nietzsche, le relais consiste donc dans le jeu, ou bien, ce qui revient au meme pour Bataille, dans la chance"(94).

Cette mise en question du systeme hegelien s'effectue dans une mise hors jeu du projet qui caracterise le proces de la connaissance synthetique. D'une certaine maniere, parler de jeu pour caracteriser le rapport entre .i.Hegel; et .i.Nietzsche;, rapport constitutif d'une pratique de la philosophie nous amene a le considerer non seulement comme une critique de Hegel, mais aussi comme une facon de le depasser sans jamais l'aneantir. N'est-ce pas ce que fait aussi la transgression lorsque Bataille affirme qu'elle maintient l'interdit pour mieux en jouir?

Cette maniere d'articuler .i.Hegel; a l'interdit et .i.Nietzsche;

a la transgression s'eclaire mieux encore si on considere qu'.i.Hegel; est un penseur de la mesure et que la philosophie de .i.Nietzsche; fait le sacrifice des notions hegeliennes en rendant possible une experience ouverte, comme chez Bataille ou l'identite entre le sujet et l'objet s'efface pour laisser place a une absence d'objet entierement tournee vers un impossible avenir. Revenons toutefois a chaque auteur afin de montrer en quoi ceux-ci se distinguent dans les ecrits de Bataille. Ceci nous permettra de jeter un nouvel eclairage sur la pensee de Bataille, et plus particulierement sur ses rapports a la philosophie.

Les ecrits batailliens sur Hegel, contrairement aux textes "avec" Nietzsche, semblent surtout marques sur le plan du signifie. En effet, ils appellent la presence de Hegel, car Bataille en parle, a la suite de .i.Kojeve;, pour le faire connaitre(95). La connaissance des ecrits de .i.Nietzsche; parait, au contraire, faire souffrir Bataille(96) et, s'il en parle, ce sera dans le but de rectifier certains malentendus dont .i.Nietzsche; aurait souvent fait l'objet. Bataille sait combien l'oeuvre

de .i.Nietzsche; apres sa mort fut trafiquee: La trahison des proches de Nietzsche n'a pas la consequence brutale de

celle de Judas mais elle resume et acheve de rendre intolerable l'ensemble des trahisons qui deforment l'enseignement de Nietzsche (qui le mettent a la mesure des visees plus courtes de la fievre actuelle)(97).

Denis .i.Hollier; va plus loin en affirmant que Bataille veut faire connaitre .i.Hegel; dans la foulee de .i.Kojeve; mais que sa connaissance et son envie de Nietzsche "occultent"(98) la pensee de Nietzsche. Si Bataille ecrit sur Hegel d'un point de vue exterieur, il parle de .i.Nietzsche;, au contraire, d'un point de vue immanent et de maniere, ultimement, a exprimer sa propre parole: "Parler avec dans Nietzsche, faire parler Nietzsche dans son propre discours dont l'enjeu est alors de devenir celui de Nietzsche"(99).

Parler de .i.Hegel;, parler avec Nietzsche, parler de Hegel avec Nietzsche, autorise une certaine critique sur Hegel et exige une adhesion evidente a Nietzsche. N'est-ce pas la seule facon authentique de rendre compte de .i.Nietzsche;? Ce n'est pas sans raison alors que Sur .i.Nietzsche; constitue le pendant absent de L'Experience Interieure. Beaucoup de phrases de .i.Nietzsche; presentes dans le texte bataillien ne sont pas commentees mais plutot integrees; ce qui nous porte d'autant plus a croire que L'Experience Interieure s'avererait en quelque sorte l'experience de Nietzsche pour Bataille. Que dire egalement enfin du Memorandum(100) ou cette communaute d'identification porte a son comble la reflexion de .i.Nietzsche,; a un point tel que Baaille s'efface completement pour laisser la parole a Nietzsche(101)?

Cette communaute implicite s'etablit a l'interieur du texte bataillien comme une absence alternative. Plus Bataille y est, moins Nietzsche semble present; plus Nietzsche semble present, moins Bataille y est. Bataille ne pense-t-il plus alors par lui-meme, sa fascination pour Nietzsche l'empeche-t-elle de penser? Au contraire, parce qu'.i.Hegel; demeurera incontournable, il lui donnera par la meme occasion la possibilite de developper sa propre pensee.

En affirmant plus haut que Bataille rit de Hegel avec les yeux En affirmant plus haut que Bataille rit de Hegel avec les yeux

Deux discours mais une attitude aussi dont Bataille ne parle jamais (il n'est pas tenu de le faire) et qui participe, en quelque sorte, aux motivations intrinseques derriere la pratique bataillienne de la philosophie. C'est un regard indiscret qu'il nous faut poser ici. En effet, la lecture symptomatique que nous avons effectuee de .i.Hegel; et

de .i.Nietzsche; nous apprend que Bataille s'efface devant Nietzsche mais que Hegel lui permet d'exprimer une pensee, de s'"afficher". N'est-ce pas une facon detournee d'affirmer qu'il se produit, dans l'unite subjective

de sa pratique, une inversion du sens que Bataille donne a ses allegeances philosophiques? Une sorte de retour du refoule ou Hegel ne fait non plus figure d'interdit mais de transgression, dans la mesure ou il permet a Bataille d'avancer une pensee originale, et ou Nietzsche devient l'interdit parce qu'il en obscurcit l'espoir? Aussi, parce que ce dispositif ne touche plus a la connaissance synthetique mais nous renseigne plutot sur les motivations d'une pratique, nous ne devrions plus en designer les termes par l'interdit et la transgression, mais bien plutot par des adjuvants non-synthetiques tels que le commandeur et Don Juan par exemple.

Nous assisterions ainsi a un double mouvement qui aurait son origine dans une connaissance non-synthetique assignant respectivement a Nietzsche une figure d'interdit et a .i.Hegel; une figure transgressive, et qui se terminerait au niveau discursif dans une inversion de termes ou .i.Hegel; ferait maintenant figure d'interdit et .i.Nietzsche; de transgression. N'est-ce pas ce que fait Bataille lorsqu'il parle de se tenir en un point impossible ou il tente de faire cohabiter deux poles qui ne peuvent s'articuler logiquement si ce n'est en se jouant de la discursivite et, ultimement, de lui-meme, de telle sorte que cette mise en jeu se trouve etre a la source meme du mouvement de balancier de ces poles opposes d'ou emerge une connaissance impossible, le non-savoir?

Jean Dragon, aout 1993 UQAM

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File spoon-archives/bataille.archive/bataille_1996/96-03-31.220, message 140

Date: Thu, 10 Aug 1995 01:24:21 -0400 (EDT) From: DRAGON JEAN Subject: Bataille, between DJ and the C: Part 4

Part 4: Entre le Savoir Absolu et le Gai Savoir. ****

Copyright (c) 1995 by Jean Dragon, all rights reserved. This text maybe used and shared in accordance with the fair-use provisions of U.S.copyright law, and it may be archived and redistributed in electronic form,provided that the editors are notified and no fee is charged for access. Archiving, redistribution, or republication of this text on other terms, inany medium, requires the consent of the author and the notification of the publisher: Universite du Quebec a Montreal. ****

NOTES: **It is possible that the notes on main text don't exactly correspond the

notation of the notes... Be careful to link them correctly.** J.D. 10-8-95 1-Sasso,Le Systeme du non-savoir, Paris, Minuit, 1978, p. 20.

2-Parce qu'il nous apparaissait plus important ici de privilegier les liens conceptuels que d'exposer ce qui s'avere d'ordre biographique, le titre de ce texte symbolise theoriquement le lien de l'interdit a la transgression, mais inverse cependant l'ordre chronologique de la rencontre par Bataille de chacun des deux auteurs. 3-Hegel, conclusion de la Phenomenologie de l'esprit (trad. par Jean Hyppolite), Paris, Aubier-Montaigne, 1939-41, 2 vol. 4-Bataille, L'Experience interieure , Paris, Gallimard, 1954, p. 169. 5-Bataille, O.C. 10, p. 659. 6-"(... ) eprouvant progressivement le paradoxe d'etre plus proche de l'ennemi a mesure que le combat devenait plus apre" (Bruno Karsenti, "Bataille anti-hegelien?",Le Magazine Litteraire, #293, nov. 91, p. 54). 7-Surya, La Mort a l'oeuvre, Paris, Gallimard, 1992, p. 198. A cette citation, on ajoutera la suivante, tiree de la biographie de Dominique Auffret sur Alexandre Kojeve: "En saluant Hegel, Bataille salue en meme temps Kojeve; desormais, la presentation du sage hegelien sera une figure obligee de l'oeuvre de Bataille, au meme titre que la pensee retrouvee de Hegel" (Dominique Auffret, Alexandre Kojeve, La philosophie, l'etat, la fin de l'histoire, Paris, Grasset, 1990, p.360). 8-"Ce sont la contingence du depart de Koyre pour l'Universite du Caire et sa proposition faite a Kojeve d'assurer, en son absence, sa suppleance, qui l'invitent a reprendre, jusqu'a l'illumination, sa lecture de Hegel pendant la breve periode de l'ete 1933": ibid., p. 234. Ce remplacement allait durer jusqu'a ce que la Deuxieme Guerre l'interrompe et reunir des personnalites aussi diversifiees que 2-Parce qu'il nous apparaissait plus important ici de privilegier les liens conceptuels que d'exposer ce qui s'avere d'ordre biographique, le titre de ce texte symbolise theoriquement le lien de l'interdit a la transgression, mais inverse cependant l'ordre chronologique de la rencontre par Bataille de chacun des deux auteurs. 3-Hegel, conclusion de la Phenomenologie de l'esprit (trad. par Jean Hyppolite), Paris, Aubier-Montaigne, 1939-41, 2 vol. 4-Bataille, L'Experience interieure , Paris, Gallimard, 1954, p. 169. 5-Bataille, O.C. 10, p. 659. 6-"(... ) eprouvant progressivement le paradoxe d'etre plus proche de l'ennemi a mesure que le combat devenait plus apre" (Bruno Karsenti, "Bataille anti-hegelien?",Le Magazine Litteraire, #293, nov. 91, p. 54). 7-Surya, La Mort a l'oeuvre, Paris, Gallimard, 1992, p. 198. A cette citation, on ajoutera la suivante, tiree de la biographie de Dominique Auffret sur Alexandre Kojeve: "En saluant Hegel, Bataille salue en meme temps Kojeve; desormais, la presentation du sage hegelien sera une figure obligee de l'oeuvre de Bataille, au meme titre que la pensee retrouvee de Hegel" (Dominique Auffret, Alexandre Kojeve, La philosophie, l'etat, la fin de l'histoire, Paris, Grasset, 1990, p.360). 8-"Ce sont la contingence du depart de Koyre pour l'Universite du Caire et sa proposition faite a Kojeve d'assurer, en son absence, sa suppleance, qui l'invitent a reprendre, jusqu'a l'illumination, sa lecture de Hegel pendant la breve periode de l'ete 1933": ibid., p. 234. Ce remplacement allait durer jusqu'a ce que la Deuxieme Guerre l'interrompe et reunir des personnalites aussi diversifiees que

de Nietzsche. Nous y reviendrons. 12-"Si l'action, le faire, est la negativite, alors la negativite qui n'a plus rien a faire se trouve sans emploi et que de ce seul fait constitue une refutation du systeme ferme de Hegel, si Hegel ne l'a pas situe aux termes du processus historique qu'il decrit: ma vie a elle seule, devient une refutation de Hegel": note extraite d'une lettre envoyee par Bataille

a Kojeve le 2 juin 1961 (Surya, op. cit., p. 199). Cette reflexion etait deja amorcee 24 ans plus tot dans une lettre que Bataille fit parvenir a Kojeve, lettre datee du 6 decembre 1937 citee dans les O.C. 5, pp. 369-371 et dont le brouillon figure dans le meme livre aux pages 562-63. Besnier parle de cette lettre a la page 75 de son livre, La Politique de l'impossible, l'intellectuel entre revolte et engagement, op. cit., Hollier en parle aussi aux pages 170 a 177 de La Prise de la concorde, (Paris, Gallimard). Enfin, Surya en parle egalement aux pages 522-523 de l'edition Seguier (1987) dans sa biographie sur Bataille, Georges Bataille, la mort a l'oeuvre, op. cit.. 13-"Compare a l'attitude de Kojeve en 1919 face a la Revolution russe, le texte du commentaire de Hegel de 1936 montre une problematique qui lui est propre en ce qu'elle se rattache a son histoire vecue. Mais si la pensee de 1936 eclaire retrospectivement, il ne faudra pas oublier, lorsque nous aborderons la periode ou il commente Hegel, que l'attitude

de 1919-1920 est un element essentiel pour mieux comprendre le rapport de Kojeve a Hegel entre 1933 et 1939" (Auffret, Alexandre Kojeve, Paris, Grasset, 1990, p. 76). 14-Surya, op. cit., p. 231, extrait tire d'un entretien avec G. Lapouge, 1968, La Quinzaine litteraire. Nous nous devons egalement de preciser que la conception tragique de l'histoire chez Kojeve se revele bien anterieure a sa rencontre avec Koyre, comme le souligne la citation suivante: "Avant 1917, a 14 ans, Kojeve commence son journal philosophique, sorte de chronique de ses reflexions intimes. S'y revele d'abord une conception qui nous a semble tragique de l'histoire" (Auffret, op cit., p. 18). Le theme de la fin de l'histoire, lieu commun

de la theologie russe, est a la croisee chez Kojeve des differentes etapes de sa vie melees a ses recherches philosophiques: "Le discours de la fin de l'histoire fut le resultat fulgurant d'une dialectique permanente entre les moments de la vie de Kojeve, chargee de densite de l'histoire, et les differentes phases d'une recherche entreprise des l'age de 14 ou 15 ans" (ibid., p. 18). 15-"Bataille ne pouvait accueillir avec serenite l'evidence de la fin de l'histoire ni la sagesse qu'elle etait censee offrir": Jean-Michel Besnier, "Un Disciple de Kojeve tres turbulent", Magazine litteraire, #243, juin 87, p.43.

16-"Quant a Hegel, Bataille n'en a connu que les textes commentes par Kojeve, essentiellement deux ou trois passages de la Phenomenologie": Hollier, La Prise de la Concorde, op. cit., p. 31. 17-"Qu'en va-t-il de l'etre post-historique qu'il est devenu a la fin de l'histoire? Kojeve a bien vu le probleme puisque c'est sur ce point que porte l'unique modification qu'il apporte a la deuxieme edition de L'Introduction a la lecture de Hegel": Auffret, op. cit., p. 404. Voir egalement le livre d'Alexandre Kojeve, Introduction a la lecture de Hegel, op. cit., "La Dialectique du reel et la methode phenomenologique chez Hegel", appendice, pp. 447-528. 18-Chez Kojeve, cette negativite "non resolue" ne s'adresse pas tant a la reflexion qu'a la sphere politique. On sait par ailleurs que Kojeve se consacrera des 1948 a l'action en se revelant de plus un habile stratege des relations internationales, d'abord a l'O.E.C.E. (Organisation europeenne de cooperation economique) et puis ensuite a la D.R.E.E. (Direction des relations economiques exterieures): "Et quand on voyait arriver Kojeve dans la delegation francaise, c'etait la panique dans les autres delegations, surtout quand personne n'etait avec lui" (Auffret, op cit., p. 22). Cette idee de l'action chez Kojeve se revele tres importante car pour lui la sagesse consistait en le pouvoir d'agir et non seulement de penser, reservant la philosophie a partir de 1945 pour les dimanches d'une histoire achevee: "A la fin de l'histoire, le sage peut reussir dans l'action, le sage ne peut pas rester Philosophe: il a mieux

a faire qu'a enseigner la philosophie toute sa vie car c'est ce qu'il fera seulement lorsque l'etat universel et homogene sera definitivement construit": (ibid., p. 20). 19-Auffret, op. cit., p. 14. Jean-Michel Besnier nous dit: "On aurait cru Kojeve inaccessible aux objections emises a partir de l'existence insatisfaite. Force est pourtant d'observer que sa conception de la post-histoire evolue en donnant des points a Bataille: ainsi le citoyen abstrait n'exprime-t-il bientot plus sa realite dans la seule jouissance

de ses droits et le respect des obligations mais dans des activites mettant en question son existence sans lendemain: dans l'art, l'amour, le jeu". Jean-Michel Besnier, "Un disciple de Kojeve tres turbulent", loc. cit., p. 43. 20-Besnier, "Un disciple (...)", loc. cit., p. 43. 21-Bataille, O.C. 10, p. 684. 22-Sasso, op. cit., p. 27. 23-Il faut faire attention ici, car la negation n'est pas a confondre avec la negativite dont elle participe. En effet la premiere participe du mouvement de la deuxieme,sinon comment expliquer, chez Hegel du moins, le determinisme et la resorption de l'opposition statique dans l'unite de la conscience de soi et dynamique, dans la fermeture de l'Histoire? De plus, Kristeva nous dit: "Il faut insister sur le fait que la negativite dont il s'agit n'est pas a confondre avec la negation interieure au jugement, avec les "grandeurs negatives" que Kant introduit en philosophie sous la forme de "polarite" et d'"opposition", et que la philosophie moderne s'emploie a decaler en lui substituant les notions de difference et de repetition" (Kristeva, "Le Sujet en proces", Tel Quel # 52, 1973, p. 18). 24-Julia Kristeva, "Bataille, l'experience et la pratique", Bataille, Paris, U.G.E., 1973, p. 269. 25-Derrida dit ceci: "Puisqu'aucune logique desormais ne commande le sens