Rapport d’enquête sociolinguistique : Première évaluation parmi les Manza

Rapport d’enquête sociolinguistique : Première évaluation parmi les Manza

Ulrich Probst

Rapport d’enquête sociolinguistique : Première évaluation parmi les Manza

Ulrich Probst

SIL International ®

SIL Electronic Survey Report 2018-008, August 2018 © 2018 SIL International ® All rights reserved

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Résumé

Le but de cette enquête était d’avoir un premier aperçu de la situation sociolinguistique du manza [ISO code mzv], à ne pas confondre avec le ngbaka manza [ngg], en tenant compte de la situation dialectale, du bilinguisme en sango ainsi que de la viabilité de la langue, ceci en vue d’une standardisation éventuelle de la langue et de la proposition d’un dialecte comme dialecte de référence standard.

L’enquête a été menée par une équipe de chercheurs de la SIL dont Jutta Blühberger, Ulrich Probst, Jean-Pierre Betinji et Troy Moore du 21.2. au 2.3.94.

Le manza est divisé en deux aires linguistiques, mais tous les Manza se considèrent comme une seule unité, le peuple Manza. L’intercompréhension entre le manza et les autres parlers linguistiquement proches semble être plutôt limitée. En ce qui concerne le bilinguisme en sango, la majorité de la population se trouve à un niveau qui ne leur permet pas de fonctionner d’une manière satisfaisante dans tous les domaines d’usage de la langue. Le manza est une langue viable et mérite qu’on lui accorde l’importance voulue en vue d’un projet de standardisation.

Abstract

The purpose of this investigation was to have a first look at the sociolinguistic situation of Manza [mzv], not to be confused with the related language Ngbaka Manza [ngg]. In particular, we study bilingualism in Sango and the viability of Manza, this in view of the possible standardization of the language. We also propose a dialect for that purpose as the standard reference dialect.

The survey was conducted by a team of SIL researchers, Jutta Blühberger, Ulrich Probst, Jean-Pierre Betinji and Troy Moore, in February and March 1994. There are two major dialects but the people seem to understand each other well and identify themselves as unified ethnically and linguistically. Bilingualism is low both in the national language, Sango, and in neighboring languages. Contact with neighbors is limited. In summary, Manza is a viable language and a strong candidate for a standardization project.

This survey report written some time ago deserves to be made available even at this late date. Conditions were such that it was not published when originally written. The reader is cautioned that more recent research may exist. Historical data is quite valuable as it provides a basis for a longitudinal analysis and helps us understand both the trajectory and pace of change as compared with more recent studies—Editor.

Tableau des matières

1 Introduction

1.1 Arrière-plan et classification de la langue

1.2 But de l’enquête

2 Méthodologie

2.1 Première évaluation

2.2 Tests de bilinguisme

2.3 Exécution de l’enquête

3 Résultats et évaluation

3.1 Situation dialectale et relation avec les parlers proches

3.1.1 Etendue et homogénéité de la région manza

3.1.2 Relation avec les parlers proches : intercompréhension et attitudes

3.2 Bilinguisme en sango

3.3 Viabilité de la langue

3.3.1 Usage de la langue

3.3.2 Attitudes envers la langue locale

3.3.3 Facteurs démographiques et sociaux

4 Conclusions Annexe A : Niveau de bilinguisme d’une communauté en sango et viabilité de la langue locale Annexe B : Résultats détaillés du test SRT Annexe C : Questionnaires Références

iii

1 Introduction 1

1.1 Arrière-plan et classification de la langue

Le manza appartient à la famille des langues gbaya-manza. Dans l’Atlas linguistique de l’Afrique Centrale, il est présenté sous le numéro 512 avec le ngbaka mana, ngbaka minagende, le ali et le bofi. Les langues regroupées sous les codes 511 à 573 sont toutes des langues appartenant au groupe oubanguien, qui regroupe la majorité des langues parlées en République centrafricaine (RCA). Le groupe oubanguien fait partie des langues niger-congo, plus précisément de la branche adamawa-oubanguienne (ou selon Greenberg, 1963, adamawa-eastern, 184). Greenberg avait divisé les langues oubanguiennes en 8 sous groupes, dont le premier est le sous-groupe gbaya-manza-ngbaka. Moñino (1988) et Boyeldieu et Cloarec-Heiss (1987) ont réduit le nombre des sous-groupes à respectivement 5 et 3, mais leurs changements ne concernent pas le groupe gbaya-manza-ngbaka. Nous présentons ci-dessous la classification selon Moñino (1988 :19) :

Groupe : adamawa

oubanguien

Sous-

zande groupe :

Zone : zone est

zone centre

gbaya nord

gbaya sud

Langue : manza ngbaka manza ngbaka minagende ali bofi

L’Ethnologue mentionne le manza comme langue en soi avec les dialectes ali et bofi et indique un nombre d’environ 160.000 locuteurs selon des données du recensement de 1988. Selon le recensement de 1988, qui présente le manza sous le no. 47, la plupart des locuteurs manza se situent dans les sous-préfectures suivantes : Grimari (préfecture de Ouaka), Kaga Bandoro (préfecture

de Grebizi), Sibut et Dékoa (Kemo), Bouca et Kabo (Ouham).

1 This survey report written some time ago deserves to be made available even at this late date. Conditions were such that it was not published when originally written. The reader is cautioned that more recent research may exist.

Historical data such as this is quite valuable since it provides a basis for a longitudinal analysis and helps us understand both the trajectory and pace of change as compared with more recent studies.—Editor

Préfecture

Nombre Ouaka

Nombre

Sous-Préfecture

Kaga Bandoro

Dékoa

1.2 But de l’enquête

En vue de mener à bien son programme de recherche défini par l’accord de coopération avec le gouvernement de la République centrafricaine (RCA), la SIL a entrepris une série d’enquêtes sociolinguistiques qui constituent la phase initiale de son programme de recherche dans les langues nationales. Selon l’article 5 du protocole d’accord, ce programme de recherche couvre une étude approfondie du sango et des autres langues nationales ainsi que la préparation de matériel d’alphabétisation en vue de la promotion du sango d’une part, et du développement des langues nationales d’autre part.

Le but de cette enquête était donc d’avoir un premier aperçu de la situation sociolinguistique du manza en tenant compte de la situation dialectale, du bilinguisme en sango ainsi que de la viabilité de la langue, ceci en vue d’une standardisation éventuelle de la langue et de la proposition d’un dialecte comme dialecte de référence standard.

Ce qui intéresse également la SIL, c’est l’évaluation du besoin de traduction de la Bible dans les langues en question. L’Ethnologue, ouvrage publié par la SIL et répertoriant les langues du monde entier, est complété par un index définissant les besoins de traduction de la Bible dans les différentes langues et les classant soit comme besoin définitif, besoin probable, besoin possible, besoin peu probable ou suffisamment bilingue, donc pas de besoin. Il présente également l’inventaire des travaux effectués ou en cours en matière de traduction de la Bible dans les différents parlers. En ce qui concerne le manza, l’Ethnologue le classifie comme besoin possible. Il mentionne également une traduction du Nouveau Testament datant de 1983 en langue ngbaka minagende, qui est un parler proche du manza et nous savons à travers des contacts personnels qu’entre-temps il y a aussi l’Ancien Testament en ngbaka minagende. Un des buts de l’enquête était donc d’évaluer la situation du manza par rapport à son besoin

de traduction, tout en tenant compte des traductions déjà existantes en sango et en ngbaka minagende.

2 Méthodologie

2.1 Première évaluation

La méthode dite « première évaluation » (en anglais : rapid appraisal), qui a été utilisée lors de cette enquête, a été conçue dans le but de récolter les informations nécessaires permettant d’avoir une vue globale de la situation sociolinguistique, et ceci dans un laps de temps relativement court. Bien que cette méthode ne fasse qu’effleurer la surface d’une situation sociolinguistique complexe, tous les facteurs pertinents sont cependant pris en considération. Les moyens utilisés se limitent à des interviews de groupes (questionnaire numéro 1), complétées parfois par des interviews individuelles (questionnaire numéro 2), des interviews avec des dirigeants d’église (questionnaire numéro 3), les maîtres d’école (questionnaire no. 4), et des observations informelles. Tous les questionnaires figurent en appendice. Selon les résultats, une première évaluation sera suivie de tests ultérieurs plus approfondis.

Lors d’une première évaluation, les recherches portent essentiellement sur les trois domaines sociolinguistiques suivants (voir Stalder, 1993) :

a) La dialectologie, traitant la situation dialectale et les relations linguistiques avec des parlers proches, ainsi que les attitudes envers ces parlers a) La dialectologie, traitant la situation dialectale et les relations linguistiques avec des parlers proches, ainsi que les attitudes envers ces parlers

c) La viabilité de la langue à longue échéance, révélée par l’usage des langues et les attitudes envers la langue maternelle Une enquête de ce genre doit être menée dans au moins deux villages, afin que les informations récoltées dans un premier village puissent être confirmées par celles récoltées dans un second village. A chaque endroit, une interview de groupe sera menée à l’aide du questionnaire de groupe (voir appendice, questionnaire no. 1) en présence du chef du village ou de son représentant et des habitants rassemblés. Il peut y avoir des questions auxquelles nous devons prêter spécialement attention et être sensibles à des différences d’opinion très subtiles ; dans de tels cas, le consensus du groupe n’est pas satisfaisant et l ‘on aura alors recours aux interviews individuelles (voir appendice, questionnaire no. 2), soit pour clarifier certaines réponses, soit pour approfondir des questions très spécifiques. Le but de ces interviews individuelles est avant tout de vérifier les attitudes des gens envers les différents parlers, ceci donnant également une meilleure idée quant à l’acceptation de matériel écrit dans un parler voisin ou la proposition d’un certain dialecte comme dialecte de référence standard, ainsi que l’usage de la langue maternelle en vue de sa viabilité

L’une de nos préoccupations étant de vérifier l’usage des différentes langues dans le cadre des églises, nous avons généralement recours à un troisième questionnaire destiné aux dirigeants d’église. Ceci nous permet non seulement de compléter les informations relatives à l’usage des langues au sein de la communauté, mais également d’avoir une idée des besoins exprimés par les dirigeants d’église eux- mêmes.

Il existe un quatrième questionnaire destiné aux maîtres d’école. Nous y avons généralement recours dans les villages où il y une école.

Lors de cette enquête nous avons utilisé tous les quatre questionnaires (voir section 2.3 Exécution

de l’enquête).

2.2 Tests de bilinguisme

Lors de cette enquête nous avons également utilisé des tests de bilinguisme, afin d’avoir une idée un peu plus précise du niveau de bilinguisme en sango. Ce test de bilinguisme appelé SRT (de l’anglais : Sentence Repetition Test) consiste en une série de 15 phrases à répéter par le sujet testé. Le principe qui est à la base de ce test est qu’il existe une certaine corrélation entre l’aptitude à répéter les phrases entendues et la maîtrise de la langue proprement dite. Plus le sujet maîtrise une langue seconde, plus il sera capable de répéter des phrases longues et complexes. Pour voir une description plus complète de ce teste, voir Radloff (1990).

Pour choisir l’échantillonnage des personnes à tester, nous avons deux principes à notre disposition. La première est ce qu’on appelle le « prélèvement d’échantillons au hasard » (en anglais : random sampling). Cette méthode donne à chaque individu les mêmes chances d’être choisi. Elle peut fournir des résultats représentatifs de l’ensemble de la communauté, pourvu que l’échantillonnage soit assez grand. Pour choisir notre échantillonnage, nous procédons généralement de la manière suivante : à l’aide du chef du village et des anciens, on dresse la liste de tous les chefs de famille du village. Ensuite on numérote la liste et reporte tous les numéros sur des bouts de papier. Le but est de tester tous les membres des familles dont le numéro a été tiré au sort.

Cette méthode a été appliquée dans le village de Kawa avec un échantillon de 25 personnes. Malheureusement nous avons eu des difficultés à motiver tous les membres des familles choisies à se faire tester, surtout les femmes. Nous supposons que la raison qui poussaient les gens à éviter le test, était la peur de mal réussir, car le niveau de sango dans ce village était très bas. Les sujets qui se sont présentés étaient probablement ceux qui se sentaient le plus à l’aise en sango. Les résultats obtenus sont donc plutôt au-dessus du niveau réel.

Le deuxième principe consiste à choisir un certain nombre de personnes. Dans le cas présent nous avons choisis 10 personnes par village, à savoir 2 vieillards, 2 vieilles femmes, 3 jeunes gens et 3 jeunes femmes. Cette méthode ne se base pas purement sur les lois de la probabilité et est appelée « échantillonage par quota » (en anglais : quota sampling). Elle est facile à appliquer et nous permet Le deuxième principe consiste à choisir un certain nombre de personnes. Dans le cas présent nous avons choisis 10 personnes par village, à savoir 2 vieillards, 2 vieilles femmes, 3 jeunes gens et 3 jeunes femmes. Cette méthode ne se base pas purement sur les lois de la probabilité et est appelée « échantillonage par quota » (en anglais : quota sampling). Elle est facile à appliquer et nous permet

2.3 Exécution de l’enquête

L’enquête a été menée par une équipe de chercheurs de la SIL dont Jutta Blühberger, Ulrich Probst, Jean- Pierre Betinji et Troy Moore du 21 février au 2 mars 1994.

Dans le choix des villages il fallait tenir compte de deux facteurs. Le premier était la division de la région manza en deux zones dialectales, à savoir la zone ouest autour de Bouca (le long de la R.N. 4) et la zone est le long de la R.N. 8 entre Sibut, Dékoa et Kaga Bandoro. Le deuxième facteur était l’influence du sango dans les villages situés sur le grand axe ou proches d’un centre urbain, comparé avec les villages loin d’un centre et plus difficiles d’accès. Notre choix s’est porté sur les villages suivants :

Pour la zone ouest : • Bobaka I, situé sur la R.N. 4 à 30 km de Bouca • Kawa, situé sur la petite route de Songbafo-Bongoyo, à 48 km de Bouca

Pour la zone est : • Bomanza, situé sur la R.N. 8 direction Mbrès à 33 km de Kaga Bandoro • Dissikou, situé sur la R.N. 8 à 20 km de Dékoa • Bokengué, situé sur la R.N. 11 à 9 km du chef-lieu de la nouvelle sous-préfecture de Mala et à 67

km de Dékoa (qui est le centre urbain le plus proche) Dans tous les cinq villages nous avons mené des interviews de groupe et des interviews avec les

représentants des églises locales. A Bobaka I, Kawa et Bomanza nous avons également visité les maîtres des écoles les plus proches et à Bobaka I et Bomanza nous avons mené des interviews individuelles. Toutes les interviews se sont déroulées en sango, mais pour les interviews individuelles il a fallu parfois se servir d’un interprète manza. Les tests SRT ont été faits à Bobaka I, Kawa, Bomanza et Dissikou (voir section 2.2. Tests de bilinguisme).

3 Résultats et évaluation

3.1 Situation dialectale et relation avec les parlers proches

3.1.1 Etendue et homogénéité de la région manza

Selon nos recherches préliminaires, les Manza se situent le long de deux axes. Le premier est la R.N. 4 entre Marali et Bolom avec les chemins qui quittent cette route vers l’est (zone ouest). La deuxième est la R.N. 8 entre Sibut et Kaga Bandoro qui inclut également les routes partant de cet axe vers l’est (zone est). La plus forte concentration des Manza se trouve autour de Bouca pour la zone ouest et entre Kaga Bandoro et Dékoa pour la zone est. Toutes ces informations ont été confirmées dans nos interviews et les entretiens avec les autorités locales.

Les deux axes correspondent à peu près à deux zones dialectales. Le dialecte de la zone ouest est parlé entre Marali et Bolom, sur la route de Songbafo-Bongoyo, aussi bien que sur la R.R. 10 entre Ouandago et Kaga Bandoro et le long d’un petit chemin qui part de Kaga Bandoro vers Bouca.

La zone est est divisée en plusieurs sous-groupes, à savoir le dialecte de Grivaï, qui se parle entre Kaga Bandoro et Grivaï, le dialecte de Mala, qui se situe sur les deux routes de Grimari (Dékoa jusqu’à Massen, et Sibut jusqu’à Poungakola), et le dialecte de Kaga Bandoro–Dékoa qui est parlé tout le long du grand axe et sur la route de Mbrès entre Denguéno et Kako.

Il semblerait que les différences dialectales au sein de la zone ne portent que sur les tons et quelques changements phonologiques réguliers. La différence entre les deux axes, par contre, nous paraît plus importante. Des deux côtés, les gens ont exprimé des difficultés de compréhension, à savoir dans les interviews de groupe à Kawa, Dissikou et Bokengué, dans certaines interviews individuelles à Bomanza et des entretiens informels à Dissikou. Plusieurs fois les gens nous ont cité les noms suivants pour désigner les deux parlers : le parler de Bouca est appelé [yakõ] et celui de Kaga Bandoro–Dékoa [ya] selon le mot pour « frère ».

Carte 1. Région où manza est parlé

Basé sur la carte des Nations Unies de la République centrafricaine, n° 4048, Rev. 8, Juin 2016. Domaine public.

Etendue de la région manza

Malgré ces différences linguistiques, tous les Manza se considèrent comme un seul peuple. Dans les réponses à la question 1.1c et à travers certaines réactions nous avons ressenti un fort sentiment d’identité et d’unité, et ceci sur l’axe de Bouca aussi bien que sur l’axe de Kaga Bandoro.

Quant à l’attitude envers les deux parlers manza, les gens de Bobaka nous ont indiqué que le vrai centre des Manza se trouve dans la sous-préfecture de Kaga Bandoro et qu’ils seraient prêts à lire du matériel écrit dans la variété de Kaga Bandoro. A Kawa, les gens étaient plus hésitants. Pour eux la différence entre les deux zones est trop grande pour pouvoir lire et comprendre le dialecte de Kaga Bandoro.

Dans les villages de la zone est, tout le monde était convaincu que le centre des Manza se trouve de leur côté, et que c’est chez eux qu’on parle le vrai manza. A Bomanza on nous a dit que le manza de Bouca ne serait pas pur, à Dissikou les gens ont exprimé qu’ils n’accepteraient pas des livres dans la variété de Bouca, et à Bokengué les gens étaient convaincus qu’ils ne comprendraient pas le manza de Bouca, mais que les gens de Bouca pourraient lire et comprendre leur variété. La réponse la plus fréquente à la question « Où est-ce qu’il faut s’installer pour apprendre le vrai manza ? » était « Entre Kaga Bandoro et Dékoa ». A Bomanza on nous a même cité les noms de deux villages où on pourrait apprendre une bonne variété de manza, à savoir Gou et Dissikou (à 20 km de Dékoa).

3.1.2 Relation avec les parlers proches : intercompréhension et attitudes

Le manza étant un parler classé dans le groupe gbaya-manza-ngbaka (Moñino, 1988), nous avons choisi

de vérifier l’intercompréhension avec les autres parlers gbaya-manza les plus proches linguistiquement et/ou géographiquement. Selon Moñino, le groupe gbaya-manza-ngbaka « a été divisé en quatre zones géolinguistiques empiriques, chacune comprenant des parlers ayant entre eux plus de ressemblances apparentes qu’avec ceux des autres zones. On a ainsi quatre aires de plus grande intercompréhension : gbaya Nord, gbaya Sud, zone Centre et zone Est » (Moñino 1988 : 25–26). Nous avons donc vérifié l’intercompréhension avec les parlers suivants :

a) les dialectes de la zone est, dont le manza fait partie, soit le ngbaka manza, le ngbaka minagende, le ali et le bofi

b) le gbaya de Bossangoa, le gbaya biyanda et le gbaya kara en vue de leur potentiel d’être standardisé

c) le gbanu, étant un parler géographiquement proche de la zone manza

Les informations données ci-dessous proviennent des réponses reçues aux questions 1.4 à 1.10 et

1.22 du questionnaire de groupe. Il convient cependant de dire que ces informations ne sont que d’une fiabilité limitée, parce que les gens ne semblent pas avoir beaucoup de contacts avec d’autres parlers.

Ngbaka Manza Dans tous les villages les gens ont attesté une certaine intercompréhension entre le ngbaka manza et le

manza, mais celle-ci paraît plutôt limitée. En général, on préfère parler le sango avec les locuteurs des autres parlers. Partout, les gens ont exprimé une bonne attitude envers les Ngbaka Manza, les considérant comme appartenant à la même famille, ayant les mêmes origines. À Kawa seulement les gens ont pensé que les Ngbaka Manza sont une race à part. La première évaluation du ngbaka manza [ngg] a été menée par les mêmes chercheurs un an plus tôt (Blühberger 2018).

Ngbaka Minagende Les avis ne concordaient pas pour le ngbaka minagende. A Bobaka I on nous a dit qu’il est possible de

communiquer avec un Ngbaka Minagende en manza, mais non pas sans difficultés. Dans l’interview de groupe à Bomanza, quelqu’un disait même que l’intercompréhension serait très bonne et qu’il serait prêt à lire la Bible en ngbaka minagende. Les interviews individuelles ont montré cependant que le ngbaka minagende n’est pas très connu par les gens. La même information nous a été donnée à Kawa, à Dissikou et à Bokengué, où les gens avaient à peine entendu parler de l’existence « d’un groupe manza au Zaïre » pour ne rien dire de leur connaissance de cette langue.

Pourtant, l’attitude envers ce groupe semble être très bonne, surtout si on la compare avec l’attitude que les Centrafricains ont généralement envers les Zaïrois, et on les considérait comme faisant partie de la même race et de la même famille.

Ali Par rapport au ali, toutes les interviews ont montré une certaine intercompréhension, mais celle-ci est si

limitée que les gens préfèrent en tout cas parler le sango. L’attitude envers les Ali est bonne, mais les gens se sentent moins proche d’eux que des Ngbaka Manza ou des Ngbaka Minagende. À Bomanza seulement on les a considérés encore comme appartenant à la même famille, ailleurs les gens ont dit qu’ils étaient loin d’eux.

Bofi En ce qui concerne le bofi, tous les informateurs, sauf une personne à Bomanza, étaient d’accord qu’il n’y

a pas d’intercompréhension et pas de liens spéciaux avec eux. Gbanu Il semble exister une certaine intercompréhension acquise avec le gbanu dans plusieurs villages manza,

mais pas partout. A Bobaka I, Bomanza et Dissikou les gens ont exprimé qu’il était possible de parler manza avec un Gbanu et de comprendre ses réponses en gbanu, par contre à Kawa et Bokengué on nous

a dit qu’on ne parle que le sango avec un Gbanu. Par rapport à leur attitude, les gens de Bobaka I, Kawa et Bokengué ont dit qu’il n’y avait pas de liens particuliers entre eux et les Gbanu, tandis que les habitants de Bomanza et Dissikou les considéraient comme faisant partie de la même race et de la même famille. Il semble que leur attitude et leur facilité à comprendre le gbanu varie et dépende de la fréquence des contacts avec les Gbanu.

Gbaya de Bossangoa Les avis exprimés par rapport au gbaya de Bossangoa étaient un peu surprenants. Contrairement à nos

attentes, la majorité des gens de l’axe de Bouca ont dit qu’il n’y avait pas d’intercompréhension avec le gbaya de Bossangoa. Seul dans quelques interviews individuelles à Bobaka les gens ont parlé d’une certaine intercompréhension. Ni à Bobaka I, ni à Kawa les gens ne ressentent des liens spéciaux avec les Gbaya de Bossangoa. Par contre sur l’axe de Kaga Bandoro, à savoir à Bomanza et à Bokengué, plusieurs ont exprimé qu’il est possible de communiquer avec un Gbaya de Bossangoa en manza et gbaya respectivement. A Bokengué on considérait les Gbaya des Bossangoa comme un groupe très proche, plus même que les Ngbaka Manza. Seuls les gens de Dissikou ont dit ressentir une plus grande distance et nous ont dit qu’ils ne parlent que le sango avec les Gbaya de Bossangoa.

Gbaya biyanda/Gbaya kara Concernant le gbaya biyanda et le gbaya kara tous ont dit que ces deux parlers étaient trop loin pour les

comprendre, sauf un informateur à Bomanza, selon lequel on pourrait comprendre les grandes lignes d’une conversation.

3.2 Bilinguisme en sango

En ce qui concerne la question du bilinguisme, nous avons considéré surtout le sango, langue officielle parlée sur presque tout le territoire de la RCA et utilisée comme langue de l’église dans beaucoup de dénominations chrétiennes. Les informations que nous donnons ici proviennent des questionnaires 1.11–

12, 1.23, 2.8–14, 2.17–2.23, 2.27–31, des entretiens avec les pasteurs et les maîtres d’école. Sous la section 2.2 Tests de bilinguisme nous avons expliqué de quelle manière nous avons procédé au choix de l’échantillonnage.

Le SRT situe chaque individu testé sur une échelle allant de 0 à 45 points. Sur la base de tous les scores individuels on calcule la moyenne du groupe, car le SRT ne permet pas de faire l’évaluation d’un individu mais montre plutôt le niveau général de tout un groupe. La moyenne est mise en corrélation avec une échelle développée par le Foreign Service Institute (FSI) aux Etats-Unis qui évalue la maîtrise d’une langue selon six niveaux de compétences (0–5). Pour de plus amples informations, le lecteur peut se référer aux articles de Jones (1975) et Wilds (1975) cités dans les références.

Tableau de corrélation entre les niveaux FSI et les scores du test SRT en sango établi par M. Karan : Scores SRT Niveaux FSI

Les avis divergent sur le seuil exigé pour une bonne compréhension de textes complexes tels que la Bible, par exemple, mais la discussion porte sur les niveaux se situant entre 3, 3+ et 4. On peut donc conclure avec certitude qu’une moyenne inférieure au niveau 3 sur l’échelle FSI, soit inférieure à 26 points en ce qui concerne le présent test SRT en sango, est un niveau insuffisant pour une bonne compréhension de textes complexes tels que la Bible.

Voici les moyennes obtenues dans les 4 villages, où nous avons fait les SRT :

Total Moyenne

23,5 Niveau FSI

2 2+ Nbre de sujets

Résultats SRT selon Villages

Niveau FSI 4

Compréhension de textes complexes impossible en des-

sous de niveau 3

SRT 22,4 SRT 20,8

2 Bobaka Bobaka

Kawa Kawa

Bomanza Bomanza

Dissikou Dissikou

Total Total

Nous constatons ici une différence entre Bobaka et tous les autres villages. Bobaka, étant situé sur le grand axe proche de Bouca, est le seul village où la moyenne est au-dessus du seuil FSI de 3, soit 26 points dans le SRT. On nous a dit que tout le monde parlait le sango chaque jour et nos observations lors des interviews et dans les contacts informels ont confirmé que les gens ont généralement une bonne maîtrise du sango.

A Kawa, les gens maîtrisent beaucoup moins le sango qu’à Bobaka I. Pendant l’interview de groupe les discussions se déroulaient toujours en manza, bien que les questions et les réponses aient été données en sango. Les gens ont dit qu’on ne parle pas le sango chaque jour, mais seulement avec des étrangers qui ne comprennent pas le manza. Etant donné que ceux qui se sont présentés pour le test SRT étaient probablement ceux qui se sentaient le plus à l’aise en sango (voir section 2.2 Tests de bilinguisme), nous pouvons supposer que le niveau réel est encore plus bas que les résultats du test ne l’indiquent.

A Bomanza, en partant de nos observations, le niveau de sango nous a paru plus haut qu’à Kawa, ce qui est confirmé par les résultats du SRT. Pourtant, là également, la plupart des gens nous ont dit qu’ils ne parlent pas le sango chaque jour. Une observation intéressante que nous avons faite dans ce village mérite encore d’être mentionnée : le niveau de sango chez les jeunes était très bas, plus bas même que celui des personnes âgées. Un villageois nous a expliqué que les vieux auraient encore subi une formation intensive en sango de la part de la Baptist Mid-Missions. Beaucoup de vieux seraient même capables de lire la Bible en sango. Aujourd’hui, car cette formation n’existe plus, les jeunes n’apprennent pas bien le sango. Le maître de l’école à Kako (village voisin, où une grande partie des enfants vont à l’école) nous a confirmé que les jeunes ne parlent pas le sango lorsqu’ils entrent à l’école, et qu’ils ne le maîtrisent pas bien lorsqu’ils sortent.

A Dissikou, un village sur le grand axe et proche d’un centre urbain, nous nous attendions à un niveau de sango plutôt élevé. Contrairement à nos attentes, les résultats du SRT étaient les plus bas de tous les villages. Nos observations ont confirmé ce résultat. Pendant l’interview de groupe les gens discutaient la plupart du temps en manza pour nous donner leur consensus en sango. Même les explications de la procédure du test SRT, bien que dans un sango simple, nécessitaient le plus souvent des traductions en manza pour être bien comprises.

A Bokengué, finalement, nous n’avons pas fait de tests, mais là également le niveau de sango nous semblait assez bas. On nous a même dit qu’il y avait des jeunes qui ne parlent pas le sango. Ceci s’est reflété dans l’interview de groupe, où souvent les gens avaient de la peine à comprendre et répondre aux questions en sango.

Nous pouvons conclure que le niveau général de bilinguisme en sango parmi les Manza n’est pas suffisant pour que la majorité de la population puisse comprendre des textes complexes en sango tels que la Bible.

Malgré le niveau bas, l’attitude envers le sango en général est bonne. Les gens apprécient la langue comme langue nationale qui permet de communiquer avec n’importe quelle ethnie. A Bobaka I et à Bomanza les gens seraient motivé à suivre un programme d’alphabétisation en sango. A Kawa il y a actuellement un programme dans le cadre du Projet BOUCA (un projet de développement rural), qui selon le moniteur est bien fréquenté, les gens étant très motivés pour apprendre à lire et écrire en sango.

A Bokengué les catholiques ont un programme qui semble également bien marcher. La seule exception était Dissikou, où les gens nous ont dit qu’ils ne veulent pas suivre le cours d’alphabétisation en sango offert actuellement par les catholiques, mais qu’ils préféreraient un programme en français.

3.3 Viabilité de la langue

Bien qu’il soit difficile de cerner la complexité de cette question dans un laps de temps aussi court, certaines questions peuvent cependant nous fournir des indices, soit en révélant des attitudes envers la langue (questions 1.24–1.29 et 2.17–2.25), soit en révélant des schèmes d’usage de la langue (questions 1.13–1.20, 2.15–2.16 et 3.1–3.8). Il est difficile également de prévoir tous les facteurs qui pourraient entrer en ligne de compte et être déterminants pour l’avenir de la langue à long terme, mais néanmoins, les réponses obtenues aux questions relatives à l’usage des langues et aux attitudes (questions 1.13–1.29, 2.16–2.22) nous permettent de présenter un premier aperçu de la situation.

3.3.1 Usage de la langue

Au foyer

A Bobaka I c’est le manza qui est utilisé de préférence dans les foyers, mais on parle aussi le sango. La plupart des enfants semblent encore apprendre le manza comme première langue, mais on nous a dit qu’il y en a quelques-uns qui apprennent le sango en premier lieu. A la question 2.24 « Quelle langue est-

ce que vos enfants devraient apprendre en premier lieu ? », 8 personnes sur 10 ont répondu « le manza », mais 2 ont préféré le sango. Pendant l’interview de groupe nous avons ressenti la même division au sein du groupe. Il nous semblait que la majorité des gens, notamment le chef du village et son entourage, voulaient encore que ça soit le manza qui soit appris comme première langue, mais quelques jeunes ont dit qu’ils préféraient le sango. Il est possible que dans le village un changement vers le sango comme première langue s’annonce mais ceci semble encore loin d’être accompli.

Dans les autres villages c’est le manza qui est appris comme première langue. A Kawa on nous a dit que le sango n’est appris qu’au moment où les enfants vont à l’école, à l’exception de quelques cas rares qui semblent apprendre les deux langues presque en même temps. A Bomanza également les gens ont affirmé que c’est le manza qui est appris en premier lieu par les enfants. Dans les interviews individuelles nous avons trouvé que le manza est la langue de premier choix dans les foyers, le sango n’étant utilisé que rarement. En réponse à la question 2.24, toutes les personnes interviewées voulaient que leurs enfants apprennent le manza comme première langue. A Dissikou et Bokengué les gens ont exprimé que tout le monde apprend le manza comme première langue et que le sango est seulement appris à l’école.

Au village Au village c’est le manza qui domine. Seul à Bobaka I quelques personnes ont dit qu’ils parlaient aussi le

sango au niveau du village, par exemple avec le chef ou avec des camarades, mais c’est toujours le manza qui est la langue de préférence. Dans les autres villages le sango est encore moins parlé. Partout les grandes réunions se déroulent en manza, sauf à Bobaka I, où il y a certaines personnes d’autres ethnies qui ne comprennent pas le manza.

Nos observations ont confirmé les informations données par les gens. A l’exception de quelques dialogues à Bobaka, pratiquement toutes les conversations dont nous ne faisions pas partie se sont passées en manza. Comme les gens de Kawa l’ont exprimé : « C’est parce que vous êtes là, qu’on entend le sango. Après, ça ne sera que le manza. »

A l’église Selon les questionnaires effectués avec les dirigeants d’église, dans la région de Bouca, c.-à-d. à Bobaka I

et Kawa, le culte et toutes les autres activités se passent presque exclusivement en sango, et ceci aussi bien chez les catholiques que chez les protestants (à savoir Eglise Evangélique des Frères et Comité Mission Baptiste). Par contre, sur l’axe de Kaga Bandoro, les pasteurs de toutes les dénominations (Catholiques, Baptist Mid-Missions, U.F.E.B., Coopération Evangélique, Eglise Apostolique) nous ont dit que la plupart des activités du culte sont traduites en manza. Par exemple, le plus souvent après la lecture de la Bible en sango, le pasteur donne des explications en manza. Le sermon est suivi d’un résumé en manza et les prières se font dans les deux langues sango et manza. Dans les églises catholiques à Bomanza et à Bokengué il existe même de petits recueils de chants en manza.

A l’école Comme la plupart des enfants n’apprennent le sango qu’à partir du moment où ils entrent à l’école, leur

langue de communication entre eux est d’abord le manza. Cette information nous a été donnée dans les interviews de groupe aussi bien que dans les entretiens avec les maîtres que nous avons menés à Bobaka

I, à Songbafo (près de Kawa) et à Kako (près de Bomanza). Le maître à Kawa nous a confirmé que les

enfants ne connaissent pas le sango lorsqu’ils entrent à l’école, si bien qu’il est souvent obligé de leur expliquer les choses en manza. Même à Bobaka I le maître, étant Gbaya de Bossangoa, a fait l’effort d’apprendre le manza, afin de pouvoir mieux communiquer avec ses élèves.

3.3.2 Attitudes envers la langue locale

Les attitudes envers le manza sont très bonnes. Tout le monde est fier de la langue, y compris les jeunes. La pensée qu’un jour on puisse cesser de parler le manza en faveur du sango (1.28 et 1.29) est considérée comme une impossibilité. La perspective de pouvoir éventuellement lire et écrire le manza a toujours suscité des réactions enthousiastes. A Dissikou où les gens n’étaient pas du tout motivés pour le programme d’alphabétisation en sango, ils nous ont dit qu’ils seraient très intéressés à un projet en manza, et à Bokengué le chef nous a assuré que pour un programme d’alphabétisation en manza tout le village serait là.

3.3.3 Facteurs démographiques et sociaux

Migration Dans tous les villages on nous a dit que les gens se rendent fréquemment en ville, surtout à Bangui pour

faire des courses ou pour voir des parents. Par contre très peu s’y installent définitivement à cause de la situation économique difficile du pays, qui se fait sentir plus à Bangui que dans le villages, et aussi par peur du SIDA. Parmi ceux qui s’installent à Bangui, une partie rentre au village après avoir terminé le service.

Mariages mixtes En général il y avait très peu de mariages mixtes dans les villages que nous avons visités, sauf à Bobaka,

où les gens nous ont dit que « beaucoup » se marient avec des personnes d’une ethnie différente, par exemple des Gbanu, des Yakoma, des Sara et des Banda. A Bokengué les gens ont insisté qu’en cas d’un mariage mixte les enfants doivent apprendre le manza.

Population mixte au village Les populations des villages que nous avons visités constituent exclusivement ou presque exclusivement

de Manza. A Bobaka I et à Bomanza il y quelques étrangers, à savoir des Sara et des Banda ; dans les autres villages il n’y en a pas du tout.

Facteurs sociaux Les Manza ont un fort sens d’identité et d’unité en tant que peuple. Ils sont fiers d’être Manza et

d’appartenir à un groupe si grand et si important. Plusieurs fois les gens ont exprimé que c’est une honte que les Manza n’ont pas encore des livres dans leur langue, alors que des groupes beaucoup moins importants en ont déjà depuis longtemps. Nous avons trouvés que les Manza sont des gens ouverts et intéresses à apprendre et à améliorer leur situation, une impression qui est confirmée par les différents projets d’alphabétisation dans les villages et le succès du Projet BOUCA à Kawa.

4 Conclusions

Les résultats de cette première évaluation peuvent se résumer dans les conclusions suivantes :

a) Le manza est divisé en deux aires linguistiques, la première se situant le long de la R.N. 4 entre Marali et Bolom, y compris les routes qui quittent cette axe vers l’est, la deuxième le long de la

R.N. 8 entre Sibut et Kaga Bandoro, y inclus également les routes qui partent vers l’est. Bien qu’il y ait des différences, l’intercompréhension entre les deux parlers semble être élevée, mais il faudrait envisager des tests approfondis pour clarifier cette question.

b) Tous les Manza se considèrent comme une seule unité, le peuple Manza. Il est probable que tous les Manza accepteraient un standard commun, à savoir le manza de la zone est (Kaga Bandoro– Dékoa).

c) L’intercompréhension entre le manza et les autres parlers linguistiquement proches semble être plutôt limitée, les parlers les plus proches étant le ngbaka manza, le gbanu et le ngbaka minagende du Zaïre. Il convient cépendant de rappeler que toutes les informations concernant les parlers proches ne sont que d’une fiabilité limitée à cause du manque de contact entre les Manza et les locuteurs de ces parlers.

d) En ce qui concerne le bilinguisme en sango, la majorité de la population se trouve à un niveau qui ne leur permet pas de fonctionner d’une manière satisfaisante dans tous les domaines d’usage

de la langue, ni de comprendre des textes complexes tels que la Bible.

e) Le manza est une langue viable et mérite qu’on lui accorde l’importance voulue en vue d’un projet de standardisation.

Annexe A : Niveau de bilinguisme d’une communauté en sango et viabilité de la langue locale

A.1 Quatre catégories de bilinguisme en sango

1. Elevé : Le niveau de sango de la majorité de la population atteint un niveau FSI de 3 ou plus. Il y

a des gens qui parlent le sango comme première langue.

2. Moyen (majorité) : Le niveau de la plupart de la population atteint un niveau FSI se situant autour de 2+.

3. Moyen (minorité) : Le niveau de certains groupes de la population atteint un niveau FSI se situant autour de 2+, mais le niveau de la majorité est inférieur (entre 1 et 2).

4. Bas : Bien qu’il existe quelques individus qui maîtrisent le sango, la population en général ne le parle pratiquement pas.

A.2 Trois degrés de viabilité d’une langue locale

1. Certaine : Une minorité atteint un niveau de sango moyen où toute la population est sur un niveau bas. La langue locale est très appréciée et bien parlée aussi parmi les jeunes et les enfants. Dans le cadre du culte on traduit la prédication ou on donne un résumé en langue locale.

2. Incertaine : La plus grande partie de la population parle le sango sur un niveau moyen. La langue locale est toujours appréciée et parlée par tout le monde, mais les enfants parlent bien le sango et l’apprennent à l’âge préscolaire. Le sango est parlé parmi les jeunes entre eux. Le culte n’est plus systématiquement traduit, sauf parfois les annonces.

3. Peu probable : La plupart de la population a un niveau de sango élevé. Il y a même des gens qui le parlent comment première langue. Les enfants apprennent très souvent d’abord le sango et la langue locale bien plus tard (6–10 ans). Le sango domine dans les conversations, surtout parmi les jeunes.

N.B. : Nous sommes conscients du fait que le niveau de bilinguisme et la viabilité d’une langue d’une aire linguistique donnée peuvent varier, mais nous pensons que la situation que nous présentons est assez représentative du mileu rural.

Annexe B : Résultats détaillés du test SRT

Remarque : La question ci-dessous « Vécu ailleurs ? » se réfère à la question si la personne a vécu plus d’un an à Bangui ou un autre centre urbain.

Village Sexe

Age

Instruction

Vécu ailleurs ? Score

Bobaka M

17 École primaire

Milieu rural

Bobaka M

20 Non instruit

Milieu rural

Bobaka M

31 École primaire

Milieu rural

Bobaka M

35 École secondaire

Centre urbain

Bobaka M

69 Non instruit

Milieu rural

Bobaka M

70 École primaire

Milieu rural

Bobaka

F 15 Non instruit

Milieu rural

Bobaka

F 25 Non instruit

Milieu rural

Bobaka

F 27 Non instruit

Milieu rural

Bobaka

F 55 Non instruit

Milieu rural

Kawa M

08 École primaire

Milieu rural

Kawa M

16 École primaire

Milieu rural

Kawa M

17 École primaire

Milieu rural

Kawa M

18 École primaire

Milieu rural

Kawa M

18 École primaire

Milieu rural

Kawa M

20 École primaire

Milieu rural

Kawa M

24 École primaire

Milieu rural

Kawa M

25 École primaire

Milieu rural

Kawa M

33 Non instruit

Milieu rural

Kawa M

35 École primaire

Milieu rural

Kawa M

38 Non instruit

Milieu rural

Kawa M

39 Non instruit

Milieu rural

Kawa M

45 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 08 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 09 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 19 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 20 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 21 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 23 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 30 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 32 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 38 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 40 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 50 Non instruit

Milieu rural

Kawa

F 55 Non instruit

Milieu rural

Bomanza M

14 École primaire

Milieu rural

Bomanza M

30 École primaire

Milieu rural

Bomanza M

30 École primaire

Bangui

Bomanza M

50 Non instruit

Milieu rural

Village Sexe

Age

Instruction

Vécu ailleurs ? Score

Bomanza M

59 Non instruit

Milieu rural

Bomanza

F 13 Non instruit

Milieu rural

Bomanza

F 20 Non instruit

Milieu rural

Bomanza

F 22 École primaire

Milieu rural

Bomanza

F 35 Non instruit

Milieu rural

Bomanza

F 39 École primaire

Milieu rural

Dissikou M

15 École primaire

Milieu rural

Dissikou M

26 École primaire

Milieu rural

Dissikou M

44 École primaire

Milieu rural

Dissikou M

45 Non instruit

Milieu rural

Dissikou M

69 Non instruit

Milieu rural

Dissikou

F 15 École primaire

Milieu rural

Dissikou

F 17 Non instruit

Milieu rural

Dissikou

F 18 Non instruit

Milieu rural

Dissikou

F 29 École primaire

Milieu rural

Dissikou

F 40 Non instruit

Milieu rural

Dissikou

F 45 Non instruit

Milieu rural

N° de suj. :

56 Moyenne :

Annexe C : Questionnaires

C.1 Questionnaire de groupe Situation dialectale

1. Quels sont les villages qui parlent (exactement) la même langue que vous ? Est-ce que les gens de

........................................ (nom du village) parlent comme vous ?

Na yâ tî âködörö wa si âzo nî asâra tënë lêgëôko töngana âla ? Âzo tî .......................................... asara tënë lêgëôko töngana âla ?

• Encercler les villages où la grande majorité des gens parlent la langue en question • Mettre entre parenthèses les noms des villages où il n’est pas certain que la langue soit parlée • Encadrer les villages où l’on trouve des locuteurs de plusieurs langues différentes, dont la langue

en question • Souligner les villages où il est certain que l’on parle une langue différente de celle en question et

écrire le nom de celles-ci à côté du nom du village)

1.2 Est-ce qu’il existe d’autres villages ailleurs, très loin d’ici où les gens parlent la même langue que vous ? Âmbênî ködörö ayeke yongôro na ndo sô, sô âzo nî asâra tënë lêgëôko töngana âla ?

1.3a Comment les appelez-vous ? Est-ce qu’il y a des liens entre vous et eux ?

Me âla dï ïrï nî ndê ? ïrï nî nye ? Popo tî âla na âzo nî kâ ayeke töngana nye ?

1.3b Quels sont ces liens ?

Âla yeke sëwä wala âkotarä tî âla ayeke ôko ?

1.4 Etes-vous déjà allés à .................................................. ?

Âla sï na .......................................... awe ?

1.5a Est-ce qu’il y a des liens entre vous et les ................................ ?

Popo tî âla na âzo nî kâ ayeke töngana nye ?

1.5b Quels sont ces liens ?

Âla yeke sëwä wala akotarä tî âla ayeke ôko ?

1.6 Quelle langue parlez-vous lorsque vous êtes là-bas ?

Yângâ tî nye laâ âla tene, töngana âla yeke kâ ?

1.7 Parlez-vous le .............................................. ? (langue maternelle/autre langue). Lorsque vous parlez le ............................ (langue maternelle) le parlez-vous normalement ?

Âla tene yângâ tî .......................................... ? Âla tene nî nzönî ?

1.8 Dans quelle langue les gens vous répondent-ils ?

Âzo akiri tene na âla na yângâ tî nye ?

Pour vérifier si l’intercompréhension est acquise, on peut poser la question suivante :

1.9 Est-ce qu’un enfant d’ici âgé de six ans peut comprendre les gens de ............................................... ? Sinon, à partir de quel âge pourrait-il être en mesure de comprendre ?

Na ndo sô ge, âmôlengê tî ngû omenë alîngbi tî mä tene tî âzo nî ? Töngana ayeke töngasô äpe, na ngû ôke sï lo lîngi tî mä yângâ tî ködörö tî âzo nî ?

Si l’on veut vérifier que tous les gens de l’aire linguistique comprennent le parler voisin et non seulement ceux qui sont proches de la frontière linguistique, on peut poser la question suivante : )

1.10 Est-ce que les gens de ........................................... (village loin de la frontière linguistique) comprennent le ............................................. (parler voisin) ?

Âzo tî .......................................... amä ngâ .......................................... ?

Bilinguisme

1.11 Quelles sont les langues que vous parlez bien ?

Âyângâ tî ködörö wa laâ âla tene nzönî ? Sô wa laâ âla tene nzönî äpe ?

Si l’on veut vérifier que tous les gens de l’aire linguistique comprennent le parler voisin et non seulement ceux qui sont proches de la frontière linguistique, on peut poser la question suivante :

1.12 Est-ce que les gens de ........................................... (village loin de la frontière linguistique) parlent le ............................................. (parler voisin) ?

Âzo tî .......................................... amä ngâ .......................................... ?

Usage des langues

1.13 Y a-t-il des gens dans ce village qui ne parlent pas votre langue ?

Âmbênî zo ayeke na ködörö sô atene yângâ tî ködörö tî âla äpe ?

1.14 Quelle(s) langue(s) parlent-ils ? Apprennent-ils votre langue ? Est-ce que vous apprenez aussi leur langue ?

Yângâ tî ködörö wa laâ âla tene ? Âla manda yângâ tî ködörö tî ï ngâ ? Wala ï manda yângâ tî ködörö tî âla ?

1.15 Y a-t-il des gens au village qui parlent votre langue comme seule langue ? Qui ?

Na ködörö sô, âmbênî zo atene gï yângâ tî ködörö tî ï sô ôko ? Zo wa ?

1.16 Connaissez-vous des ........................................ (locuteurs de la langue maternelle) qui ne parlent plus le .................................... (langue maternelle) ? Y en a-t-il beaucoup ? Où vivent-ils ?

Âla hînga âmbênî zo sô atene yângâ tî .......................................... mbênî äpe ? Âla yeke mîngi ? Âla längö na ndo wa ?

1.17 Quelle est la langue que les enfants de ce village apprennent en premier ?

Yângâ tî ködörö wa laâ âmôlengê tî ködörö sô amanda kôzo ?

1.18 Y a-t-il beaucoup d’enfants qui apprennent le........................................ (autre langue) avant d’aller à l’école ?

Ayeke âmôlengê mîngi laâ amanda yângâ ti .......................................... nzönî kôso sï âla gue na dambëtï ?

1.19 Lorsque les enfants qui ne vont pas encore à l’école jouent ensemble, quelle langue parlent-ils entre eux ?

Töngana âmôlengê sô âde tî gue na dambëtï äpe asâra ngîâ, âla tene yângâ tî nye na pöpö tî âla ?

1.20a Quelle(s) langue(s) utilise-t-on le plus souvent à l’école (les enfants entre eux pendant la récréation, le maître avec les élèves pendant la pause, les parents avec le maître, etc.) ?

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