Le stade préopératoire 2 à 7 ans où l’apprentissage est censé se faire par Le stade des opérations concrètes 7 à 11 ans où la compréhension est liée à Le stade des opérations formelles à partir de 12 ans où l’apprentissage est

3ème stade 4 à 8 mois : coordination et ouverture vers l’extérieur ; 4ème stade 8 à 12 mois : comportement intentionnel ; 5ème stade 12 à 18 mois : expérimentation ; 6ème stade 18 à 24 mois : combinaisons mentales et résolution de problèmes.

2. Le stade préopératoire 2 à 7 ans où l’apprentissage est censé se faire par

l’expérimentation, principalement avec des objets. Cette période comporte deux parties : Le stade pré-conceptuel 2 à 4 ans : émergence d’idées, encore générales et mal formées ; développement des fonctions symboliques comme l’acquisition du langage ; raisonnement transductif et syncrétique, animisme considérer les choses et les phénomènes comme étant vivants ; Le stade intuitif 4 à 7 ans : l’enfant tend à se concentrer sur un aspect à la fois ; il aboutit à des conclusions intuitives ; l’égocentrisme l’enfant voit tout à partir de lui-même et croit que les autres voient la situation de son point de vue à lui ; l’animisme continue.

3. Le stade des opérations concrètes 7 à 11 ans où la compréhension est liée à

l’expérience, mais où un certain symbolisme interne commence à être utilisé. L’enfant applique des opérations logiques à des problèmes concrets et comprend les nombres. Il a acquis la conservation du nombre, de la longueur, de la masse, de la surface ou du volume ex. même si la forme d’une boule de pâte change, il sait que la quantité ou le poids sont invariables. Il construit également progressivement les concepts de réversibilité, de sériation et de classification.

4. Le stade des opérations formelles à partir de 12 ans où l’apprentissage est

fortement internalisé, symbolique et relativement détaché de l’expérience directe, de sorte que le raisonnement hypothétique devient possible et avec lui la généralisation, l’idéalisme et le raisonnement moral. À ce stade, les sujets peuvent résoudre des problèmes hypothétiques, faire des déductions complexes, tester des hypothèses qu’ils ont avancées. Ils peuvent aussi analyser la validité de différents modes de raisonnement, ce qui est alors le fondement de la recherche scientifique 3 . Les pédagogues tenant de l’école piagétienne pensent que l’enseignement doit être adapté à l’âge et à la capacité mentale de l’enfant. Il ne faudrait donc pas, selon eux, présenter d’informations abstraites à des enfants tant qu’ils n’ont pas atteint le stade 11–15 ans, leur cerveau n’étant pas suffisamment développé pour les traiter. De nos jours, les pédagogues ne sont pas complètement d’accord avec cette idée. Les théoriciens développementalistes ont néanmoins sensibilisé les enseignants à la nécessité de prendre en compte l’âge des élèves lors de la préparation des leçons. 3 Piaget, 1972b, 1932 ; Dworetzky, 1987, p. 228 ; Lefrancois, 1988, p. 184–195 http:www.britannica.comEBcheckedtopic459096Jean-Piaget Accédé October 23, 2013. Les descriptions que Piaget fait des processus de maturation intellectuelle de l’enfant sont importantes pour les parents et pour les pédagogues. Nous nous concentrons ici sur le 3ème et le 4ème stade, car ils concernent les enfants d’âge scolaire et parce que, dans les systèmes scolaires de type occidental, la maîtrise des opérations formelles joue un rôle très important dans l’apprentissage. La théorie piagétienne est différente de la programmation génétique de Hall. Pour Piaget, les enfants intègrent les informations à une structure cognitive existante, jusqu’à ce que le concept soit si bien établi qu’il permet de nouvelles formes de raisonnement. Piaget attribue donc la pensée à la connaissance, non à la génétique, et considère l’intelligence comme un processus en constante évolution fait d’interactions et d’adaptations à l’environnement. Le développement intellectuel aboutit à des changements de comportement Lefrancois 1988, p. 182. Pour désigner les qualités intellectuelles qui gouvernent le comportement, il utilise la métaphore de « structure cognitive » Lefrancois 1988, p. 183. Dès 1966, Piaget 1974 a traité de la nécessité de faire des recherches interculturelles en psychologie génétique et certains chercheurs ont jugé important de se demander si les mêmes stades de développement observés dans les sociétés occidentales se retrouvent parmi les minorités ethnolinguistiques. Voici quelques exemples d’études menées pour tester les stades des opérations concrètes et des opérations formelles, qui sont les deux stades les plus pertinents pour l’enseignement. Le stade des opérations concrètes Entre 1959 et 1969, un certain nombre d’études se sont intéressées aux compétences entrant en jeu dans la capacité d’un sujet à considérer que le poids et la quantité se conservent, c’est à dire à reconnaître qu’une masse reste toujours la même en dépit de la variation de sa forme et de sa taille. Heron et Simonsson 1974, p. 335 donnent la liste des sept études les plus connues sur la conservation de la masse : à Aden : Hyde, 1959 ; au Nigeria : Price-Williams, 1961 ; à Hong Kong : Goodnow, 1962 ; au Sénégal : Greenfield, 1966 ; chez les Aborigènes d’Australie : de Lemos, 1969 ; en Papouasie Nouvelle Guinée : Prince, 1968 ; en Jamaïque et chez les Esquimaux canadiens et indiens : Vernon, 1969. Le concept de conservation a suscité l’intérêt parce qu’il est proche des opérations formelles, le plus haut niveau de développement cognitif dans le schéma piagétien. On l’évalue en versant de l’eau dans des récipients de formes différentes ou en modifiant la forme d’une même boule d’argile. Les résultats des études menées durant cette période ont été très variés et certains des chercheurs, conscients que les variables culturelles non identifiées pouvaient influencer leurs constatations, ont exprimé des réserves sur la validité des résultats. Greenfield et Burner 1966, p. 94, par exemple, ont signalé que les enfants wolof du Sénégal devaient verser l’eau eux-mêmes pour éliminer la suspicion de « pratiques magiques » qui expliqueraient l’apparente inégalité des quantités d’eau dans leurs gobelets. Dans une recherche de nature différente, de Lacey, faisant le compte-rendu d’une étude publiée pour la première fois en 1970, cherche à établir si l’aptitude classificatoire est liée à l’environnement. Il compare des enfants aborigènes d’Australie avec des enfants australiens d’origine européenne. Chez les Aborigènes, il remarque que « l’aptitude classificatoire est toujours directement et proportionnellement liée au contact avec les Européens et leur technologie » 1974, p. 363. Bovet 1974, p. 313–334 signale des sujets faisant preuve de compétences cognitives intermédiaires. Elle émet l’hypothèse que le raisonnement serait meilleur pour des concepts associés à des activités fréquentes et pourrait même, contrairement à ce que certains croient, atteindre le niveau des opérations formelles. Ses tests, faits en arabe auprès d’enfants algériens non scolarisés et âgés de six à treize ans ainsi qu’auprès d’adultes analphabètes âgés de trente-cinq à cinquante ans, mesurent la conservation de la quantité avec des liquides et de la pâte à modeler, la conservation du poids avec des pains d’argile et la conservation des relations spatiales longueur avec des baguettes. Lorsque le groupe algérien fut comparé à un groupe de contrôle formé d’enfants genevois, il est apparu une différence dans l’ordre d’acquisition des concepts de conservation. Genve Algérie Conservation de la quantité Conservation du poids et de la longueur Conservation de la quantité et de la longueur Conservation du poids 7–8 ans 9 ans 9 ans 12–13 ans Face aux mêmes activités que les enfants, les adultes algériens analphabètes n’ont eu aucune difficulté avec les concepts de conservation des quantités de liquides, mais les femmes, habituées à estimer le poids de la pâte à pain en la soupesant, ont eu du mal à évaluer le poids des objets en les regardant. Dans ses commentaires sur les résultats, Bovet note l’influence du conditionnement dû à l’environnement il n’y avait pas, dans cette culture, de récipients de taille standardisée comme des bouteilles de soda d’un litre et demi, par exemple. En réponse à sa question initiale, elle a conclu qu’on trouve en effet des niveaux supérieurs de cognition pour des activités pratiquées fréquemment. Le stade des opérations formelles En dépit de ces observations, la possibilité que des peuples ne disposant que d’une technologie rudimentaire puissent atteindre le stade du raisonnement abstrait a continué à faire l’objet de vives discussions. En Nouvelle Guinée, avec des tests logiques oraux et des tests formels empiriques, Were 1968, cité dans Dasen 1974, p. 412 n’a pas trouvé de trace de pensée formelle chez les sujets âgés de quatorze à seize ans. Lancy 1983, p. 119, citant Townshend, 1979 affirme qu’en Nouvelle-Guinée « aucune société n’a de jeux comportant des éléments qui sollicitent des habiletés de haut niveau pour la résolution de problème ou la mémorisation ». En ce qui concerne le système de classification en Nouvelle-Guinée, Lancy conclut que « les catégories existent bien, mais elles ne sont pas mutuellement exclusives : elles ne sont pas organisées en une hiérarchie et la mention du nom d’une catégorie n’incite pas à en donner des exemples » 1983, p. 116. Wilson et Wilson, après avoir évalué plus de cinq cents lycéens 4 en Papouasie Nouvelle-Guinée, concluent qu’« au début de la classe de première, 5 très peu d’élèves en sont au stade des premières opérations formelles, encore moins au stade des opérations formelles avancées » 1983, p. 8. Un quart environ des membres de chaque groupe évalué était, par contre, à un « niveau de transition » et arrivait ainsi à effectuer des opérations formelles dans certaines situations. Ce résultat est faible, si on le compare aux trente pour cent des élèves américains de seize ans qui atteignent le stade des opérations formelles en fin de scolarité obligatoire Shayer, Adey et Wylam, 1981. La cognition des jeunes Papous étudiés a néanmoins considérablement progressé au cours des un ou deux ans où ils suivaient des cours préparatoires à l’université Wilson et Wilson, 1983, p. 9. Wilson et Wilson concluent que, bien que « l’environnement traditionnel des élèves de Papouasie- Nouvelle-Guinée ne favorise pas un développement cognitif optimal en termes piagétiens, il y a une preuve certaine de développement significatif [...] ce qui indique la possibilité de surmonter les handicaps initiaux ». C’est ce que confirment Seagrim et Lendon 1980, p. 181 qui, après une vaste étude, concluent que, au terme d’une période d’immersion totale dans la culture blanche, les enfants aborigènes d’Australie sont capables d’égaler les enfants blancs dans toutes les épreuves piagétiennes alors que ceux qui ne connaissent que la culture aborigène en sont bien moins capables. Pour résumer, les études, qui comparent des sujets qui ont été enseignés et des sujets dont ce n’est pas le cas, révèlent systématiquement un développement plus précoce ou plus rapide des capacités cognitives chez le groupe qui a fait le plus d’études. Applications dans les sociétés occidentales Le concept piagétien de développement cognitif sous forme de stades successifs a été très utile aux psychologues, aux pédagogues et aux parents. Sa théorie est présente dans les manuels de formation des enseignants ex., Reilly et Lewis, 1983 ; Gallahue, Werner et Luedke, 1975 ; Dworetzky, 1987 ; Ginsburg et Opper, 1979 ; Lefrancois, 1988. Elle est un critère majeur pour évaluer l’adéquation du contenu pédagogique à chaque niveau scolaire. Comme de nombreuses études s’inspirent des écrits de Piaget et que certaines n’ont pas confirmé les découvertes de ce dernier, la littérature scientifique sur le sujet ressemble fort à un dialogue entre Piaget et ses confrères. Piaget révisait constamment sa théorie et l’étendait à mesure que de nouvelles informations apparaissaient. Par exemple, après 1932, il admet la nécessité « de comparer le comportement d’enfants venant de milieux sociaux différents pour faire la part de ce qui relève du social et de ce qui relève de l’individuel dans la construction de la pensée » Vygotsky, 1962, p. 9. 4 Dans certains pays francophone, l’établissement qui accueille les trois dernières années d’école avant l’entrée à l’université s’appelle le lycée. 5 Dans les systèmes scolaires belge, congolais ou québécois, il s’agit de la 5 ème secondaire. Quelques années plus tard, suite à des échanges avec le grand psychologue russe L. S. Vygotsky, Piaget reformule ses thèses pour faire du développement du langage une étape essentielle pour se représenter abstraitement des actions concrètes Vygotsky, 1962, t 7, p. 9–24 ; Piaget, 1962. Il reconnaît aussi qu’un environnement stimulant tend à hâter l’âge auquel un enfant devient capable de penser en se servant d’opérations formelles Piaget, 1972a, p. 6–8 ; Hunt, 1961, p. 346–347, 362–63. Dans ses écrits de 1972, Piaget tient compte des différents rythmes de progression au cours des stades de développement, en particulier d’une culture à l’autre, reconnaissant que « selon leurs aptitudes et leurs spécialisations professionnelles, les enfants 6 présentent souvent des différences concernant les domaines de fonctionnement auquel ils appliquent les opérations formelles » 1972a, p.1 ; voir aussi Inhelder, Sinclair et Bovet, 1974, p. 128. À cet égard, Piaget se distingue des premiers développementalistes qui attribuaient moins d’importance à la socialisation et à la transmission par l’éducation. Voici quelques exemples parmi les études qui prolongent ou remettent en questions les conclusions de Piaget : Hatch observe que de jeunes enfants manifestent souvent une conscience métalinguistique et qu’à cinq ou six ans ils savent déduire les règles d’une autre langue 1978, p. 14–15. Donaldson constate que même de jeunes enfants peuvent avoir recours à la pensée abstraite, mais pas sous la forme exacte recommandée par Piaget 1978, p. 56–59. Desforges et Brown citent des études dans lesquelles même des étudiants de troisième cycle universitaire échouent à certains tests de conservation. Ils en concluent que les stades piagétiens sont « seulement secondaires pour répondre à la principale question pédagogique, à savoir : pourquoi les enfants échouent-ils avec certains matériaux et réussissent-ils avec d’autres ? » 1979, p. 279. Entwistle se réfère aux études ci-dessus et ajoute que les épreuves piagétiennes favorisent les personnes qui ont une pensée scientifique, mais ne prennent pas en compte la démarche intuitive. À son avis, même si l’absence de mise en œuvre des opérations formelles chez certains élèves peut s’expliquer par leurs compétences cognitives préalables, il ne s’agit pas d’une déficience, mais d’« un manque de connaissances ou d’expérience, ou [...] un faible intérêt pour la tâche proposée ou pour la matière étudiée » 1981, p. 173. Christie 1982 et Graham 1986 ajoutent à cela une ignorance des finalités de l’école et des processus scolaires, ainsi qu’un manque de maîtrise du vocabulaire et de la façon de s’exprimer par rapport à ce qui est exigé en classe. On doit aussi se demander si les notions comme la conservation, qui se développent normalement avec une expérience croissante, doivent être assimilées ou servir d’indicateurs à l’aptitude au raisonnement intellectuel qui, elle, doit être enseignée et normalement ne s’apprend pas par l’expérience. 6 Par « enfant », Piaget désigne ici des jeunes de 11 à 15 ans et de 15 à 20 ans, en apprentissage voir une référence au texte original dans http:www.erudit.orgrevuerse1975v1n2-3900014ar.pdf , page 1. Applications aux minorités ethnolinguistiques Les études qui ont tenté d’appliquer la théorie piagétienne à d’autres cultures ont rencontré de multiples problèmes, en grande partie dûs à des biais non conscients et à une méconnaissance de la culture locale de la part des chercheurs, ce qui s’est traduit par des instruments d’évaluation inadéquats. McLaughlin 1976, p. 87–90 énumère les problèmes qui ont caractérisé les études interculturelles en Afrique. Il cite les variables imprécises, les facteurs culturels requérant des compétences particulières pour être interprétés ainsi que les difficultés à établir une comparaison juste et équitable entre cultures. Pour McLaughlin, tous les sujets mettent en œuvre des processus cognitifs de niveau supérieur, mais ne les appliquent pas aux mêmes situations. Klich et Davidson 1984, p. 169–171 font la liste des points problématiques dans les nombreuses études menées en Australie. Cette liste vaut pour toute évaluation interculturelle : • La barrière de la langue ; La plupart des tests ont été administrés en anglais à des sujets qui le maîtrisait mal et dont la langue n’offrait pas de correspondance pour certains termes du test. • Les tests consistant à exécuter une tâche au lieu d’entretiens comme le faisait Piaget ; • Les risques implicites lorsque des sujets d’une culture doivent répondre à des stimuli et à des procédures établies par des chercheurs d’une autre culture. Ceci englobe les situations de test inconnues des sujets ; • L’incertitude quant à l’universalité du modèle piagétien ; • Le présupposé que la compétence cognitive dans la culture blanche et la compétence cognitive dans la culture aborigène s’excluent mutuellement. Cherchant à identifier les fonctions abstraites derrière les modes d’organisation d’informations culturellement différents, Klich et Davidson 1984, p. 182 se sont servis des travaux de Luria 1966a en neuropsychologie. Luria considère les fonctions mentales supérieures comme des « systèmes fonctionnels organisés et complexes qui opèrent suite à des interactions entre des structures cérébrales différenciées ». Klich et Davidson ont mis au point une étude dont les résultats montrent que sur les onze tests administrés « aucune différence apparente dans la structure sous-jacente des fonctions cognitives de traitement des informations n’a pu être établie entre les enfants aborigènes ou non aborigènes qui ont participé à la recherche » Klich et Davidson 1984, p. 164. Les procédures de test rigoureuses et culturellement adaptées de Klich et Davidson comportent : • des consignes dans la langue vernaculaire ; • l’administration du test par l’enseignant aborigène habituel soit à des groupes, soit en présence et à portée de voix d’autres aborigènes ; • des items d’entraînement pour s’assurer que l’enfant comprend chaque façon de procéder ; • la possibilité pour l’enfant de choisir la personne suivante qui passera le test. Ces adaptations à la culture aborigène, combinées avec un affinement des tests suite aux études précédentes, laissent présager que les résultats de Klich et Davidson sont fiables et ces tests servent de modèle pour les chercheurs à venir. Plus récemment, la recherche a porté sur la mémorisation, la mémoire visuelle, l’orientation, les jeux de cartes et l’agencement spatial et temporel. Ces études montrent que les Aborigènes d’Australie ont dans ces domaines des compétences clairement supérieures aux Européens Klich et Davidson 1984, p. 172–76, mais sans mettre en œuvre les processus mentaux habituels auxquels un Occidental s’attendrait. Les équilibrations successives En 1974, Piaget développe sa théorie, affirmant que quatre facteurs principaux entrent en œuvre pour rendre l’enfant apte à avoir une pensée de plus en plus complexe : 1 la maturation ; 2 la capacité à organiser les informations par équilibration successive c’est-à-dire, assimiler l’information et la ranger séquentiellement dans des structures mentales existantes ; 3 la socialisation ; 4 la transmission par l’éducation et la culture 1974, p. 300–303. Voyat 1983, p. 131, qui a mené des études approfondies sur soixante-et-onze enfants sioux âgés de quatre à dix ans, met en évidence l’apparition, dans l’ordre annoncé, des quatre stades de développement décrits par Piaget. Il montre aussi que la maturation exerce moins d’influence sur le développement cognitif que l’expérience concrète associée à un raisonnement déductif en cours de construction : « Ni les enfants oglala, ni les enfants genevois n’ont l’intuition de la conservation ou de l’espace ; ils les construisent » 1983, p. 134. Il fait la distinction entre les expériences physiques qui mènent à une abstraction directe découlant de l’objet comme lorsqu’un enfant associe le concept de chaleur avec celui de feu et les expériences logico-mathématiques qui désignent le résultat d’actions. La connaissance logico-mathématique est acquise par équilibration successive plutôt que par connaissance additive comme lorsqu’un enfant parvient à comprendre le concept de fraction en regardant découper une pomme en plusieurs morceaux. Étant donné que « bien des découvertes faites au cours de la vie d’un enfant ne lui sont pas transmises par l’éducation ou les relations sociales », Voyat 1983, p. 134–35 pense que l’équilibration assimilation des informations et accommodation au sein des structures mentales déjà existantes est le mécanisme clé du développement cognitif et de l’apprentissage organisationnel. La théorie de l’équilibration peut aider à expliquer pourquoi des adultes faisant partie de sociétés minoritaires peuvent ne pas arriver à mettre en œuvre des notions de conservation de type occidental alors qu’ils font preuve d’autres types de raisonnement abstrait, tels que, par exemple, les calculs compliqués utilisés dans des jeux mathématiques comme le mankala, qu’on trouve dans de nombreuses cultures non occidentales et qui existaient bien avant l’arrivée des Blancs Townshend, 1979, p. 794. Les conséquences pédagogiques En raison de tout ce qui précède, une question a continué à préoccuper les pédagogues. Puisque les membres de sociétés non technologiques sont capables d’abstraction et de raisonnement hypothético-déductifs, pourquoi nombre d’entre eux rencontrent-ils de grosses difficultés dans le cadre scolaire occidental ? Les aborigènes d’Australie ne sont qu’un exemple. Malone pense que la plupart des minorités ethniques analphabètes le sont parce que, pour elles, l’alphabétisation n’est pas nécessaire. Tester le développement cognitif « peut être pertinent pour évaluer l’acculturation scientifique occidentale, non les processus psychologiques de base » 1985, p. 38. Malone cite des études qui ont montré que les élèves africains réussissaient mieux lorsque les tests étaient adaptés à des habitudes de déduction culturellement et écologiquement pertinentes : Cole et al., 1971 ; Ross et Millsom, 1970 ; Segall et al., 1966 ; Pollack, 1963 ; Berry, 1971 ; Jahoda, 1971. Geoffrey Hunt 1989, p. 4–25 part du postulat que les cultures de chasseurs- cueilleurs, avec des systèmes de numération qui font seulement la distinction entre un et beaucoup, ainsi que les langues qui ont peu ou pas de connecteurs logiques, et peut- être peu d’expressions abstraites quiconque, quelqu’un…, n’ont pratiquement pas besoin d’abstraction. Par contre, les concepts et la langue se développent dans d’autres domaines tels que les relations spatiales, domaines dans lesquels les Aborigènes surpassent largement les Européens. Cependant, tant que leurs capacités d’abstraction ne sont pas développées, les Aborigènes éprouveront de grandes difficultés à apprendre de nombreux concepts enseignés dans les écoles occidentales, surtout si les élèves restent dans un environnement où il n’y a pas besoin d’abstraction. Tout le monde admet désormais que les facteurs environnementaux, familiaux et sociétaux jouent un rôle primordial dans le développement cognitif, en parallèle avec les processus de maturation normale, le développement du langage et les possibilités d’aller à l’école. Piaget est respecté à juste titre pour ses contributions à la psychologie du développement. Bien qu’il soit mort avant d’avoir pu se pencher sur les processus en jeu dans l’apprentissage scolaire, il a ouvert la voie à l’idée actuelle que les connaissances acquises permettent le développement de l’intelligence et de la pensée abstraite. Application Les théoriciens développementalistes nous apprennent : • à comprendre que tout humain passe par des stades de développement ; • à respecter les différences individuelles basées sur les stades de développement ; • à être conscient des points forts et des limites des apprenants selon leur stade de développement ; • à évaluer si l’élève est prêt ; • à donner une consigne adaptée au niveau de développement de l’apprenant ; • à être attentif au rôle de la culture dans les processus d’apprentissage ; Un exemple de l’application des théories de Piaget La psychologue argentine Emilia Ferreiro décrit, dans l’étude suivante, les réflexions de jeunes élèves qui s’efforcent d’acquérir la lecture. Observez comment leurs hypothèses s’approchent de plus en plus de la réalité. Extrait résumé de Ferreiro E., « Literacy Development: Psycho-genesis », dans Y. M. Goodman éd., How children construct literacy: Piagetian perspectives, Newark, DE, International Reading Association, 1990, p. 12–25. Comment les enfants construisent leur aptitude à la lecture et à l’écriture : perspectives piagétiennes Niveaux de compétence en lecture et en écriture classés par ordre d’apparition Premier niveau 1. Recherche de critères pour faire la distinction entre le dessin et l’écriture. Ils diffèrent par l’organisation des traits 2. Découverte que : a. les signes écrits sont arbitraires les lettres ne reproduisant pas la forme des objets ; b. les signes écrits obéissent à un ordre linéaire. 3. Identification des signes écrits comme étant des substituts. Les enfants qui grandissent dans un environnement où on lit beaucoup font en général cela durant leur troisième année. 4. Compréhension de la relation entre le dessin et l’écriture. Principe organisateur : les lettres sont utilisées pour représenter des propriétés que le dessin ne peut pas représenter. 5. Recherche des conditions nécessaires à l’écrit : combien de lettres faut-il pour faire un mot ? Principes internes atteints : a. Principe de quantité minimale : s’il y a moins de trois lettres ce n’est peut-être pas un mot ; b. Principe de variation qualitative interne : les lettres doivent être différentes. À ce stade, les enfants n’arrivent pas encore à faire les différences de sens. Deuxième niveau 1. Recherche de différences permettant d’expliquer les différentes interprétations. Hypothèses : Y a-t-il plus de lettres si l’objet est gros ? Y a-t-il plus de lettres pour un groupe d’objets ? Y a-t-il plus de lettres pour une personne plus âgée ? 2. Détermination d’un nombre minimal et maximal de lettres pour les noms entre trois et sept ?. 3. Davantage d’hypothèses sur ce qui fait la différence entre les mots. Des lettres différentes pour des mots différents mais le nombre de lettres par mot peut rester constant ? Changer une ou deux lettres pour écrire un mot différent ? Changer la position des lettres dans le mot ? Troisième niveau 1. L’hypothèse syllabique : recherche de lettres identiques pour écrire des « séries de sons » similaires. 2. L’hypothèse alphabético-syllabique : certaines lettres peuvent remplacer des syllabes tandis que d’autres représentent des unités plus petites phonèmes. 3. L’hypothèse alphabétique. La similarité des sons implique la similarité des lettres. Des sons différents impliquent des lettres différentes. Là les enfants essaient d’éliminer les irrégularités de l’écriture. 19 Chapitre 2 Le behaviorisme Les approches behavioristes de l’apprentissage cherchent des moyens scientifiques et démontrables pour contrôler les comportements et les expliquer. Les chercheurs abordent la tâche du point de vue des sciences naturelles et de la manipulation du comportement externe observable. L’être humain étant considéré comme une mécanique, une machine, les explications behavioristes tendent à ne pas prendre en compte les activités mentales. « L’apprentissage est expliqué par deux mécanismes : la contiguïté simultanéité des stimulus et de leur réponse et les effets sur le comportement renforcement et punition. » Lefrancois, 1988, p. 29. Les principaux thèmes behavioristes Des chercheurs comme E. L. Thorndike 1905, 1931, 1949 en viennent à voir l’apprentissage comme la formation de connexions ou de « liens » entre stimuli et réponses 1905, p. 202. Ivan Pavlov 1927 découvre que les animaux apprennent grâce aux répétitions et aux récompenses. Après avoir reçu à de nombreuses reprises de la nourriture juste après un son de cloche, le chien de Pavlov salivait chaque fois qu’il entendait une cloche, anticipant la nourriture, même si elle n’était pas encore là. Cette forme simple de réflexes conditionnés s’appelle le conditionnement classique. Pavlov et les chercheurs à sa suite sont devenus des spécialistes pour concevoir une méthode d’apprentissage constituée de petites étapes concrètes se succédant dans une difficulté croissante. J. B. Watson 1913, 1930 étend ce concept et développe la théorie du behaviorisme. Pour lui, si, à force de répétitions systématiques et identiques, on établit de fortes connexions chez l’apprenant, ce dernier devrait produire automatiquement la réponse désirée chaque fois qu’il rencontrera le stimulus approprié par exemple, une question ou un problème. Watson garantissait même que si on lui confiait douze très jeunes enfants dans un cadre adéquat, il pouvait former n’importe lequel au métier qu’il voudrait : médecin, avocat, artiste... mendiant ou voleur 1930, p. 82. E. R. Guthrie 1935 a également réduit l’apprentissage à des descriptions de séquences stimulus-réponse. B. F. Skinner 1953, 1968, 1969, 1971, dans sa théorie du conditionnement opérant, appelle renforçateurs positifs des expériences agréables, récompenses ou félicitations qui aident à former les connexions désirées, tandis que les expériences déplaisantes punition amènent les sujets à éviter les actions qui provoquent des conséquences indésirables. Skinner a également découvert qu’un programme continu de renforcement améliore le taux d’apprentissage mais qu’un programme de renforcement intermittent permet aux sujets de retenir plus longtemps ce qu’ils apprennent. Le comportement peut être aussi façonné par du renforcement négatif, c’est- à-dire en ignorant complètement une action. Ainsi le comportement, bon ou mauvais, disparaîtra vraisemblablement si, pendant un certain temps, la personne ne reçoit pas de récompense suite à son action. On peut éliminer ou éradiquer une réaction indésirable en enlevant tous les renforcements positifs qui lui sont liés. L’utilité de cette théorie pour l’enseignement Pendant de nombreuses années, la plupart des théories de l’apprentissage appliquées à l’éducation des enfants et à l’enseignement scolaire se sont appuyées sur ces concepts. Encore de nos jours, même si les parents et les enseignants peuvent ne pas être d’accord avec le système mécaniste de Skinner, ils trouvent néanmoins que, bien souvent, les individus manifestent un apprentissage quand on leur donne, de façon cohérente, le bon cocktail de pratiques répétées, de stimuli, de récompenses, de renforcements négatifs et de punitions. Souvent, les principes behavioristes donnent de bons résultats, notamment auprès de jeunes enfants et pour des tâches simples. Par exemple, nous utilisons le stimulus-réponse pour enseigner à de très jeunes enfants à venir quand nous disons « viens » et à ne pas toucher quelque chose quand nous disons « non. » À l’école, on emploie les techniques de stimulus-réponse pour enseigner à lire : les débutants apprennent à dire « a » par exemple en voyant la lettre a. En mathématiques, on se sert de cartes éclairs le stimulus pour obtenir des réponses automatiques à des questions d’addition, de soustraction, de multiplication ou de division. Dans les révisions d’histoire, les enseignants donnent une date et les élèves citent l’événement correspondant. Dans les ateliers d’orthographe, l’enseignant donne un mot et les élèves l’épellent. Les réactions Cependant, les pédagogues ont commencé à s’apercevoir que bien que le stimulus- réponse explique nombre de comportements humains et qu’il ait légitimement sa place dans l’éducation, le behaviorisme n’explique pas tous les phénomènes observés dans les situations d’apprentissage. On a commencé à s’intéresser à l’approche cognitive tandis que les théoriciens behavioristes continuaient d’étudier les possibilités d’apprentissage programmé à l’ère de l’informatique. De nos jours, tout l’enseignement assisté par ordinateur repose solidement sur les fondements que les chercheurs behavioristes ont posés. À l’occasion, observez comment des cours par ordinateur stimulent l’apprentissage au moyen de la répétition et des renforcements. Application L’approche behavioriste nous apprend : • L’intérêt de la répétition; • L’intérêt d’avoir de petites étapes, concrètes, dans un ordre progressif ; • L’intérêt des renforcements positifs et négatifs ; • L’intérêt d’un usage cohérent des renforçateurs durant le processus d’apprentissage ; • La possibilité de corriger des habitudes et autres réactions indésirables, en ôtant les renforçateurs positifs qui leur sont liés ; • Que des renforcements positifs immédiats et cohérents accélèrent l’apprentissage ; • Qu’une fois qu’un élément est appris, le renforcement intermittent en favorise la rétention ; • À nous attendre à trouver des techniques utilisant la séquence stimulus-réponses dans les cours par ordinateur. 22 Chapitre 3 Les théories du traitement de l’information Introduction Vers 1960, parallèlement aux études menées par les chercheurs de l’école piagétienne, d’autres chercheurs ont commencé à s’intéresser aux processus mentaux à l’œuvre dans l’apprentissage scolaire, notamment à la façon dont l’éducation formelle peut faciliter un apprentissage similaire à l’apprentissage naturel que Piaget a observé. Cela a donné des théories qui, à ma connaissance, n’ont pas été testées dans des situations interculturelles. Toutefois, la nature de ces observations laisse à penser qu’elles sont universelles. C’est pourquoi, et vu qu’elles contiennent des notions utiles à ceux qui enseignent dans des minorités ethniques, nous les présentons dans ce chapitre. Les théories du traitement de l’information s’occupent de questions relatives à la cognition, cest-à-dire à l’action de connaître Le François 1988, p. 21. Elles cherchent à expliquer comment le cerveau traite de nouvelles informations et les stocke. Nous allons recenser ici la terminologie commune à toutes les théories du traitement de l’information, avant de voir les principaux théoriciens et leurs découvertes majeures. Les idées fondamentales Les idées suivantes, ainsi que les termes utilisés, sont à la base des théories du traitement de l’information. Concept : le concept, ou idée, est l’élément de base de l’apprentissage. Un concept est quelque chose qui est conçu par l’intelligence : une pensée, un condensé ou une idée générique issue de la généralisation de cas particuliers. Toutes les théories de l’apprentissage partent du principe qu’une personne apprend quelque chose lorsqu’elle accumule des informations et les organise en un ensemble signifiant, c.-à-d. un concept. Cela peut concerner un seul élément, mais souvent il s’agit de plusieurs éléments entre lesquels on finit par voir un lien. On appelle élaboration d’un concept le processus par lequel on définit des éléments, on les comprend et on établit des relations entre eux. L’élaboration des concepts : les concepts s’élaborent au fil de l’expérience. Pendant que nous avançons dans la vie, et particulièrement durant notre jeunesse, nous construisons, dans notre cerveau, des concepts relatifs au monde qui nous entoure, ce que sont les choses et ce qu’elles ne sont pas. Les sens le toucher, l’ouïe, la vue, l’odorat et le goût envoient des messages au cerveau et ce dernier les organise selon de nombreuses manières logiques. Les modèles mentaux : les concepts prennent souvent la forme de modèles mentaux. Un modèle mental consiste en symboles mentaux organisés en une structure qui décrit l’élément ou les éléments représentés. Ces représentations mentales peuvent être visuelles ou verbales McNamara, Miller, et Bransford, 1991, p. 490. L’étude, citée par ces auteurs 1991, p. 493–509 et par d’autres, indique qu’en général l’apprentissage et le rappel sont améliorés lorsque la personne a construit une représentation mentale claire. Un exemple : l’élaboration de concepts commence dès notre plus jeune âge. Nous sommes souvent allés en voiture. Nous avons appris à imiter son bruit et un jour on nous a dit « C’est une VOITURE. » Progressivement, nous avons construit ce concept dans notre cerveau : ce véhicule à quatre roues, c’est une VOITURE. En grandissant, ce concept VOITURE va se développer pour inclure différents modèles et nous en déduirons d’autres concepts. Angelika Marsch, communication personnelle Selon cette théorie, une image correspondant à l’objet VOITURE s’est formée dans l’esprit de la personne et lui reviendra en mémoire chaque fois qu’elle entendra ce mot. Cependant, il se peut que, suite au contact avec de nombreux autres modèles de voitures, l’image associée à la première voiture évolue vers une image plus générique. Les concepts organisateurs : l’esprit humain organise ses connaissances et utilise cette connaissance organisée pour intégrer de nouvelles informations. Ainsi, quand un nouvel élément attire notre attention, l’organisation existante offre une structure et la nouvelle donnée est réunie à d’autres éléments ayant des qualités similaires. Glenys Waters donne deux exemples : 1. Mon neveu a récemment acheté un « whippet. » 1 Je n’avais aucune idée de ce qu’était un « whippet. » En parlant avec mon neveu et en voyant le chien, j’ai compris que c’était comme un lévrier, mais plus petit. J’ai également appris qu’il y a des courses de « whippets. » Ceci m’a permis d’ajouter « whippet » à la catégorie « chiens utilisés pour le sport et la course » dans ma connaissance organisée Waters 1998, p. 3. 2. Quand j’étais jeune, les chiens d’aveugle étaient souvent des labradors. Mais plus tard, j’ai vu plusieurs bergers allemands guidant des aveugles ; j’ai ainsi adapté mes connaissances et ai ajouté la nouvelle information : « berger allemand » à ma structure de connaissances : « chien d’aveugle. » Glenys Waters, 1998, p. 4. Voyons maintenant comment, d’après les recherches de quatre des théoriciens les plus célèbres dans ce domaine, les concepts s’élaborent et s’organisent dans la structure mentale. L’apprentissage passif – David P. Ausubel David P. Ausubel, psychiatre et professeur de médecine bien connu, a mis toutes ses immenses compétences au service de l’étude des processus cognitifs impliqués chez les adultes dans l’apprentissage, de contenus verbaux significatifs, notamment en situation de classe. Il adopte le cours magistral, qu’il appelle apprentissage passif, car il considère que pour communiquer un grand nombre d’informations 2 1963, p. 19, c’est une méthode plus rapide et plus efficace que l’apprentissage par la découverte. 1 En français, il s’agit d’un « lévrier nain ». Contrairement à l’anglais, ce nom indique clairement de quoi il s’agit et le processus mental qu’a dû faire Glenys Waters n’aurait pas eu lieu chez un francophone. Comme, dans ce passage, limportant est le processus mental, nous avons gardé le mot anglais. 2 Ausubel ne traite que des cas où l’enseignement se fait dans la langue maternelle de l’élève. La terminologie d’Ausubel est assez complexe, mais les éléments principaux de sa théorie se trouvent dans de nombreux livres et articles par exemple, Ausubel, 1963 et 1967 ; Ausubel, Novak, et Hanesian, 1978. En voici un bref résumé. Tout le monde aime apprendre. Cette motivation intrinsèque nous pousse à explorer notre environnement et, en cas de succès, nous sommes récompensés par une satisfaction interne. Ce pilotage cognitif, comme le nomme Ausubel, est adapté à l’esprit humain qui a une extraordinaire capacité d’organisation et de catégorisation. Quand l’information lui parvient, le cerveau crée des catégories et organise l’information selon une hiérarchie, du plus général au plus spécifique. On appelle structures cognitives les ensembles de concepts ayant un lien. L’importance d’un apprentissage qui a du sens Selon la théorie d’Ausubel, l’apprentissage consiste à assigner une place à un concept dans la structure cognitive, puis à y associer plus d’informations. Cependant, il ne peut pas y avoir d’apprentissage sans signification. L’apprentissage signifiant se produit quand un individu relie un nouveau concept à un réseau de concepts apparentés, déjà emmagasinés dans l’esprit. Les ensembles de concepts associés s’appellent des structures cognitives. L’intelligence se mesure par le nombre de concepts maîtrisés et l’efficacité avec laquelle les relations cognitives sont organisées. Plus une personne emmagasine de concepts dans sa tête, plus elle est capable d’apprendre parce qu’elle dispose de davantage de catégories auxquelles ancrer ou accrocher les informations nouvelles. Les concepts intégrateurs Pour faciliter l’acquisition de nouvelles informations, Ausubel 1960 introduit la notion de concept intégrateur, cest-à-dire des explications qui aident à organiser les informations déjà connues et stockées dans la mémoire de l’apprenant et le préparent à recevoir des données nouvelles. Voici le processus : L’enseignant est un expert de la matière qu’il enseigne. Il évalue tout d’abord le domaine et en choisit une partie pour la leçon. Deuxièmement, il identifie les concepts implicites dans le contenu choisi. Troisièmement, il évalue l’élève idéalement, individuellement pour déterminer ses connaissances sur le sujet. Si l’élève connaît déjà les concepts de la leçon, l’enseignant le sensibilise simplement aux concepts dont il a besoin pour tirer profit du cours. Si l’élève ne connaît pas encore les concepts, l’enseignant a le choix entre : • créer un concept intégrateur comparatif, permettant de comparer le nouveau concept à quelque chose déjà connu ; • créer un concept intégrateur explicatif : une explication orale des traits principaux du concept. L’objectif est d’établir le nouveau concept en tant que catégorie dans la structure cognitive de l’élève. Un concept dont l’élève ne connaît rien deviendra une nouvelle catégorie. S’il n’existe aucun autre concept auquel il peut le relier, l’élève devra lui assigner une place arbitraire dans sa structure cognitive et l’apprendre par cœur. Quand l’apprenant n’a rien à quoi raccrocher l’information, il faudra plus d’effort et de temps pour l’apprendre par cœur, jusqu’à ce qu’un réseau soit établi. Ausubel a toujours cherché à éviter l’apprentissage par cœur en préparant les élèves à l’aide de concepts intégrateurs. Dès que l’enseignant est certain que l’élève comprend le concept de la même manière que son professeur et qu’ils ont tous les deux le même concept en tête, la leçon peut commencer. La leçon : le stockage des informations et leur rappel Au cours de la leçon, le stockage des nouvelles connaissances dans la structure cognitive s’appelle l’assimilation. Les éléments nouveaux sont rattachés à une catégorie déjà existante, le concept assimilateur. Si l’élément s’intègre parfaitement au groupe assimilateur, le processus d’accommodation s’appelle l’assimilation dérivative. S’il faut élargir quelque peu la catégorie pour l’adapter à de nouvelles connaissances, le processus s’appelle alors l’assimilation corrélative. Une connaissance incluse dans une catégorie peut, à son tour, contenir d’autres éléments, tout comme le classeur d’un bureau comporte des sections principales et des sous-sections, chacune avec ses dossiers propres. L’organisation des informations en catégories s’appelle la réconciliation intégrative. Ausubel, 1963, p. 53, 77–78. Pour expliquer comment s’effectue le rappel des informations, Ausubel postule que, lorsqu’on a besoin d’une donnée par exemple, lors d’un examen, le cerveau va faire une recherche. L’élément recherché est localisé, dissocié de la structure cognitive qui l’environne, amené au seuil d’accessibilité et mis dans la mémoire de travail. Cependant, il arrive que les données soient si étroitement imbriquées dans un réseau, qu’on ne peut pas les en séparer pour en faire des éléments indépendants ou les amener au seuil d’accessibilité. Dans ce cas, on dit que l’élément a été oublié. Ausubel appelle cela l’assimilation bloquante 1963, p. 25–26. Une aide pour les pédagogues La théorie d’Ausubel contient un certain nombre d’éléments utiles aux pédagogues. S’appuyant sur la théorie piagétienne, Ausubel reconnaît que « les apprenants dont le développement cognitif n’a pas encore dépassé le stade concret sont significativement incapables d’intégrer dans leurs structures cognitives des relations entre deux ou plusieurs abstractions, sauf s’ils bénéficient peu avant, ou sur le moment, d’une expérience empirico-concrète 1967, p. 19. » Cependant, Ausubel a le sentiment qu’à partir des classes du second degré, les élèves peuvent saisir des relations de niveau supérieur entre des abstractions, surtout si on les aide par un « bon » cours magistral 1967, p. 19. Comme Ausubel se préoccupait des étudiants en médecine, tout à fait capables d’un raisonnement abstrait, il n’est pas allé plus loin. Quand les enseignants comprennent l’importance des connaissances préalables dans le processus de compréhension et reconnaissent la nécessité, même pour les adultes, de disposer des savoirs de base utiles à la leçon, ils peuvent aider leurs élèves à apprendre. C’est dans ce but qu’Ausubel insiste sur la nécessité d’utiliser des concepts intégrateurs pour que les élèves localisent et emmagasinent plus facilement les nouvelles idées dans leur structure cognitive. Il fait plusieurs recommandations concernant la présentation des concepts intégrateurs 1967, p. 81–83 : • Présenter le concept intégrateur à un niveau d’abstraction supérieur à celui du nouveau contenu à apprendre de manière à inclure tous les aspects de la nouvelle leçon ; • Développer le concept intégrateur de manière à présenter d’abord les notions les plus générales, avant d’opérer peu à peu des distinctions ; • Déterminer clairement les similitudes et les différences entre le nouveau contenu et ce qui est déjà connu ; • Relier le nouveau contenu aux idées établies. Les deux types de concept intégrateur d’Ausubel 1967, p. 83 peuvent être à la fois simples et complexes. Les concepts intégrateurs comparatifs utilisent un exemple pour expliquer le nouveau concept au moyen d’un élément déjà compris. Cela est surtout utile dans les cas où les élèves ne réaliseraient pas qu’ils connaissent déjà quelque chose sur le sujet. Exemple simple : un émeu est un grand oiseau qui ressemble à une autruche. Les concepts intégrateurs explicatifs, eux, identifient les éléments essentiels du nouveau concept au moyen d’une explication. Le concept va alors servir de groupe assimilateur pour les éléments présentés ensuite dans la leçon. Exemple simple : Une catleya est une sorte d’orchidée. Exemple complexe : Le concept d’époque voir appendice A L’idéal, pour Ausubel, serait que l’enseignant élabore des concepts intégrateurs correspondant exactement aux connaissances et aux lacunes de chaque élève. Cependant, dans les classes ayant beaucoup d’élèves, comme il n’est pas possible de tester et de faire un enseignement préparatoire pour chacun d’eux avant le cours, les enseignants devront faire des suppositions d’après leur expérience et leurs connaissances ou trouver des moyens de déterminer rapidement ce que la majorité de leurs élèves connaît sur un thème. En cours particulier, ou en cours de soutien, l’enseignant peut s’aider d’un test préalable et se servir de concepts intégrateurs pour corriger les idées fausses qui n’auraient pas été identifiées. Les concepts intégrateurs sont particulièrement importants dans l’enseignement interculturel car les élèves peuvent ne pas disposer de catégories dans lesquelles placer ce qu’ils doivent apprendre. Ausubel procure à l’enseignant une méthode pour faire porter son cours sur le nouveau concept et donner aux élèves les informations dont ils ont besoin pour créer une catégorie pour ce concept. Application Ausubel nous apprend que : • les êtres humains aiment apprendre ; • l’information est emmagasinée dans une structure cognitive ; • le sens est fondamental pour l’apprentissage et la rétention ; • si un contenu doit être présenté rapidement, le cours magistral est plus efficace que la méthode où l’élève découvre lui-même le concept ; • si on organise ce que sait déjà l’élève en vue de la nouvelle leçon, ce qui est enseigné aura du sens ; • les structurants antérieurs sont particulièrement utiles aux élèves qui ne disposent d’aucune catégorie où placer les informations qu’ils doivent apprendre ; • les structurants antérieurs peuvent être : o des comparaisons, o des explications ; • on mémorise mieux un contenu lorsqu’il est ancré dans une structure cognitive comprenant de nombreux liens associations. La théorie des schémas – Richard C. Anderson La théorie des schémas, développée par Richard C. Anderson, un psychologue de l’éducation réputé Anderson, 1977 et 1978 ; Schallert, 1982, considère que les connaissances organisées forment un réseau complexe de schémas, cest-à-dire de structures mentales abstraites idées qui représentent la compréhension que quelqu’un se fait du monde. Exemple : Un réseau de schéma Le terme schéma a été introduit dans la psychologie de l’éducation moderne par Piaget en 1926 et se trouve aussi dans les écrits de Wertheimer, Bartlett, et Bruner Anderson, 1978, p. 67 ; 1977, p. 417. Anderson a trouvé ce concept de processus mental particulièrement judicieux. Il a adopté le terme assimilation de Piaget pour l’utilisation du schéma et le terme d’accommodation pour les modifications du schéma, mais il a élargi dans sa théorie le sens originel de schéma. Le concept de schéma Un schéma, au sens donné dans la théorie des schémas, représente un ensemble de connaissances génériques. Une catégorie générale schéma comprend des emplacements pour tous ses éléments constitutifs, ses caractéristiques. Les schémas sont imbriqués les uns dans les autres, à différents niveaux d’abstraction. Leurs relations sont représentées sous forme de réseaux plutôt que de hiérarchies ; ainsi, chaque schéma est relié à de nombreux autres. Par exemple, le schéma de quelqu’un pour « œuf » pourrait comprendre les composantes illustrées dans le diagramme ci- dessous. Exemple : Schéma du concept « Œuf » Les schémas sont toujours organisés de façon pertinente. Ils sont extensibles et peuvent évoluer pour inclure d’autres variables et d’autres particularités, au fil des expériences de la personne. Certaines variables sont obligatoires ; d’autres non. Chaque schéma est imbriqué dans d’autres schémas et contient lui-même des sous schémas. Les schémas changent constamment en fonction des informations reçues. Ils peuvent être réorganisés lorsque des données entrantes demandent une restructuration. Les représentations mentales utilisées lors de la perception et de la compréhension évoluent suite à ces processus et se combinent pour former un ensemble plus vaste que la somme de ses parties Anderson, 1977, p. 418–419. Schallert, un disciple d’Anderson 1982, p. 24–25, considère que les enfants : 1. progressent clairement dans leur acquisition de métaconnaissances conscience de ce qu’ils savent personnellement, connaissances concernant les stratégies d’apprentissage, etc. ; 2. font la preuve, entre cinq et sept ans, d’une compréhension de la structure des histoires ; la capacité de construire des histoires de plus en plus complexes augmente par la suite. 3. font évoluer les concepts vers une plus grande spécificité en réduisant les concepts compris au départ de manière trop large et une plus grande extension en élargissant les concepts compris au départ de manière trop restrictive. Les études portant sur des adultes ont principalement comporté des tests où les sujets devaient assimiler de nouvelles informations au moyen de schémas déjà établis. Schallert 1982, p. 26 se réfère à des études montrant que les gens comprennent mieux des concepts abstraits après avoir assimilé des informations concrètes et utiles à leur compréhension. Ces connaissances générales, également appelées connaissances préalables, constituent un cadre dans lequel la structure nouvellement créée peut s’insérer. L’exemple suivant souligne l’importance des connaissances préalables : un jour, dans une salle informatique, j’ai entendu par hasard une conversation en anglais. L’anglais étant ma langue maternelle, j’ai été stupéfaite de constater que je ne comprenais absolument rien à cette discussion de 15 minutes, mis à part qu’il était question d’ordinateurs. Mes connaissances préalables n’englobaient ni les termes techniques, ni les concepts dont parlaient ces programmeurs en informatique. Ceci dit, je suis tout à fait capable d’employer dans une discussion les termes techniques des théories de l’apprentissage, car c’est un domaine pour lequel j’ai construit des schémas. Ceux qui connaissent moins ce domaine ne comprendront rien à cette discussion tant qu’ils n’auront pas développé leurs schémas, grâce aux explications et aux définitions du vocabulaire employé. Ainsi, concernant l’interprétation des messages, la compréhension augmente à mesure que la pensée interagit avec le message et se sert des indices qu’il contient pour insérer les nouvelles données dans la structure existante des connaissances. Les connaissances que la personne possède déjà et son analyse du contexte influencent fortement ce processus Anderson, 1978, p. 72. Cette interaction entre les connaissances nouvelles et anciennes, Anderson l’appelle l’instanciation Anderson, Pitchert, Goetz, Schallert, Stevens et Trollip, 1976. Dans ce processus, deux méthodes, l’une « généralisante » et l’autre « particularisante, » servent à opérer une sélection parmi les variables possibles. Tout comme les expériences antérieures du sujet et la nouveauté du contenu, l’approche adoptée par le sujet influence à la fois l’encodage et le rappel. Cependant, toutes les inférences possibles ne font pas l’objet d’une instanciation. Le fait qu’un sujet établisse ou non une connexion dépend de l’importance du contenu pour l’interprétation qu’il est en train de construire Schallert, 1982, p. 27–34. Des conséquences importantes En affirmant que les connaissances, les intérêts et l’expérience servent de structure d’ordre supérieur pour organiser les liens entre les schémas et l’interprétation du sens, la théorie des schémas a des conséquences importantes pour les pédagogues, notamment : La faculté d’apprentissage repose plus sur l’existence d’une structure de schémas généraux connaissance préalable auxquels les nouvelles connaissances peuvent être associées, que sur les stades du développement. « La compréhension, et donc l’apprentissage et la mémoire dépendent de l’usage des schémas appropriés » Anderson, 1977, p. 421. On peut attribuer de nombreuses difficultés d’apprentissage à des connaissances générales insuffisantes, en particulier dans des situations interculturelles. Puisque les connaissances préalables sont indispensables à la compréhension de nouvelles informations, les bons enseignants analyseront les connaissances de leurs élèves et s’y référeront pour faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances. Soit ils aideront leurs élèves à acquérir les connaissances préalables, soit ils leur rappelleront ce qu’ils savent déjà avant de leur présenter un nouveau contenu. En aidant les élèves à développer de nombreuses connexions entre les schémas au lieu de se contenter d’un ou deux liens, on peut accroître progressivement leur compréhension. Une discussion, une chanson, un jeu de rôle, des illustrations, des aides visuelles et des explications sur l’application d’une connaissance sont autant de techniques utiles pour renforcer les connexions. Les schémas abstraits suscitent chez les individus le besoin d’élaborer des scénarios concrets. En d’autres termes, la compréhension de messages abstraits dépend de la capacité d’un individu à instancier à se représenter des abstractions avec des représentations concrètes cohérentes avec le message Anderson, 1977, p. 423–424. Cela diverge grandement de la conception antérieure selon laquelle, si le texte est abstrait, les processus mentaux utilisés pour celui-ci sont également abstraits. Les schémas bien élaborés sont très facilement assimilables Anderson, 1977, p. 421,429. Toutefois, plus un schéma peut couvrir de situations variées, moins il sera adapté à une situation dans toute la richesse de ses spécificités. Pour les enseignants, cela souligne l’importance d’accorder beaucoup de soin à la mise en place de concepts génériques. Une fois que les apprenants ont saisi un concept générique, ils sauront lui associer de nombreux éléments. L’utilisation d’un schéma implique nécessairement de construire des interprétations parce que chaque situation comprend au moins quelques caractéristiques nouvelles. Le secret d’un transfert de connaissances réussi réside dans la bonne construction de ces interprétations. Par exemple, dans le diagramme illustrant le réseau d’idées pouvant être contenues dans le concept œuf, l’une des séries d’entrées celle reliée à OISEAU appartient à un niveau hiérarchique plus élevé que les autres. Lors de l’enseignement du concept œuf, une bonne interprétation du diagramme mentionnerait l’importance de cette catégorie-là. À mesure que de nouvelles informations sont acquises, les schémas évoluent par extension, articulation et affinement progressifs. Cependant, un enseignement didactique aura rarement une influence sur les schémas les plus profonds par exemple, ceux relatifs à la vision du monde. Plus le schéma est construit, moins il sera susceptible d’évoluer. Les études à ce sujet montrent que, lorsque l’acceptation de nouvelles informations nécessite une réorganisation cognitive majeure, les gens peuvent éprouver un fort conflit interne et tendent à s’opposer à cette réorganisation Anderson, 1977, p. 424–425. La personne perçoit les difficultés inhérentes à une réorganisation totale et a peur de renoncer aux convictions qui lui ont donné des repères toute sa vie. Cela concerne particulièrement les situations interculturelles d’enseignement et explique d’un point de vue psychologique pourquoi des messages nouveaux peuvent faire l’objet d’un fort rejet. Les gens qui tiennent beaucoup à un certain schéma sont souvent enclins à tolérer et à assimiler dans leurs schémas de nombreuses preuves du contraire telles que des incohérences et des contre-exemples évidents Anderson, 1977, p. 425. Même s’ils peuvent s’apercevoir que les nouvelles données sont plus logiques, ils peuvent choisir de camper sur leur position afin de ne pas avoir à réajuster des convictions profondément enracinées. Un schéma a le plus de chances de changer quand quelqu’un identifie une difficulté dans sa position actuelle et se rend compte que le problème peut être réglé dans un schéma différent Anderson, 1977, p. 427. Lorsque les preuves allant à l’encontre de l’ancienne position deviennent si convaincantes que celle-ci n’apparaît plus tenable, la personne peut alors adopter rapidement la nouvelle position. Cela est vrai pour tout changement de paradigme, qu’il soit séculier ou religieux. Les personnes qui enseignent dans des classes d’une autre culture que la leur peuvent se servir des principes de la théorie des schémas pour identifier des concepts- clés, donner des informations de base avant la leçon, aider les élèves à faire le lien entre des idées pertinentes et les aider à en déduire des interprétations. Cette théorie leur permet également de mieux comprendre les élèves ayant des difficultés à assimiler un schéma qui va à l’encontre de leurs suppositions préalables. Application La théorie des schémas nous apprend que : • Les connaissances sont emmagasinées dans des réseaux appelés « schémas » ; • La connaissance préalable joue un rôle important dans l’apprentissage de nouveaux concepts et on doit l’activer pour que des connexions se créent ; • Pour être mémorisées, les connaissances doivent s’ancrer par de nombreuses connexions à un schéma ; l’enseignant doit donc utiliser différents moyens de communication : musique, jeux de rôles, jeux, supports visuels, présentation audio, exercices dans le cahier, etc. ; • Les schémas bien élaborés permettent d’assimiler beaucoup de choses ; • Les schémas s’enrichissent et évoluent en fonction des informations reçues ; • Les schémas bien installés résistent au changement ; pour qu’un changement de paradigme ait lieu, il faut d’abord une accumulation de preuves. Exemple : Application de la théorie des schémas Leçon de CE2 [Ou troisième année de primaire] : les bonnes choses dans notre nourriture Objectif : Créer un nouveau schéma : la nourriture contient des éléments indispensables à une bonne santé. Moyens 1. Employer de nombreux moyens de communication pour faciliter la mémorisation de la leçon. 2. Établir des connexions pour fixer les nouvelles connaissances dans l’esprit des élèves. Matériel : Bananes plantains mures, couteau, cuillère, presse-purée, cuisinière, bols. Plan de la leçon 1. Commenter l’image avec les enfants. Leur expliquer que la nourriture contient de nombreuses substances qui nous aident à rester en bonne santé. Dans la banane plantain, par exemple, ce que nous voyons, ce sont les fibres alors qu’elle est essentiellement composée d’eau. En plus de l’eau et des fibres, elle contient une dizaine de substances, qui ont chacune un rôle particulier. Lire tous les noms de substances écrits dans la liste et parler du rôle de chacune. Expliquer que tous les aliments contiennent des fibres, de l’eau, des vitamines et des sels minéraux. 2. Travail en groupe. Se laver les mains, peler les bananes plantain, les mettre dans la marmite avec de l’eau. Les faire cuire sur la cuisinière. 3. Pendant que les bananes cuisent, apprendre aux élèves le chant suivant sur l’air de Matsigenka lullaby : 1. A l’intérieur de ma banane 3. A l’intérieur de ma banane Il y a surtout de l’eau, Il y a de bonnes vitamines, Surtout de l’eau. De bonnes vitamines. 2. A l’intérieur de ma banane 4. A l’intérieur de ma banane Il y a des fibres délicieuses, Il y a aussi des sels minéraux, Des fibres délicieuses. Il y a aussi des sels minéraux. 4. Écraser les bananes plantains cuites, ajouter de l’eau et servir cette boisson. Expliquer que celle-ci est très nourrissante et qu’on la boit dans de nombreux pays. 5. Revoir les informations sur les tableaux et rechanter le chant. 6. Demander aux élèves de citer quatre éléments importants contenus dans les bananes et dans tous les aliments. Le traitement de l’information - Robert Gagné Robert Gagné est un psychologue de l’éducation, perçu comme cognitiviste et associationniste du courant de l’apprentissage verbal. Il est connu pour son modèle du traitement de l’information. Selon les behavioristes, l’apprentissage ne serait qu’une suite de stimulus-réponses. Pour Gagné, en revanche, il s’agit d’une série de processus internes nécessaires pour percevoir, choisir, emmagasiner et rappeler des informations. Selon lui, ces processus s’appliquent à toute activité de mémorisation. La séquence des processus internes selon Gagné Les processus de traitement de l’information sont définis par Gagné 1985, p. 76 de la façon suivante : 1. Les récepteurs sensoriels yeux, oreilles, peau, etc. reçoivent des stimuli ; 2. Ces stimuli se transforment en impulsions nerveuses qui sont transmises à ... ; 3. Un registre sensoriel qui filtre et élimine les stimuli inutiles tels que les bruits de fond et qui retient les éléments devant être emmagasinés dans la mémoire perception sélective ; 4. Les signaux choisis sont envoyés dans la mémoire à court terme où ils sont conservés peu de temps : sensations auditives, paroles, images visuelles. Ils sont, soit : a. retenus quelques secondes ou éliminés comme dans le cas d’un numéro de téléphone qu’on compose et qu’on oublie aussitôt, b. soit encodés sur le plan sémantique c’est-à-dire par des mots et envoyés à... 5. La mémoire à long terme qui les stockera ; lorsqu’on fait appel à une information stockée, un processus de rappel se met en marche. 6. Une recherche s’effectue dans la mémoire à long terme ; 7. L’information est retrouvée et envoyée dans la mémoire à court terme ; 8. De là, elle est envoyée dans un générateur de réponses qui ordonne au cerveau et aux muscles de réagir ; 9. Pour finir : des effecteurs donnent la réponse nécessaire, ensuite l’organisme chargé du traitement… 10. attend la réaction, ce qui fournira un renforcement et lui signalera si d’autres réactions sont nécessaires. Gagné, 1985, p. 71–77 La hiérarchie des connaissances Gagné a émis une théorie disant que toutes les connaissances sont hiérarchisées de façon ascendante même si, dans ses écrits ultérieurs, il est moins certain de cette hiérarchisation et met plutôt l’accent sur les pré requis à partir desquels l’apprentissage se fait. Selon son schéma hiérarchique cependant, toutes les compétences intellectuelles et l’apprentissage suivent le schéma ci-dessous où, pour atteindre chaque niveau, il faut maîtriser les niveaux inférieurs. Explications : Les associations sont les éléments de base à partir desquels est construit ce modèle. Une association, c’est tout simplement deux idées habituellement mises ensemble Gagné, 1985, p. 23. Par exemple, les noms communs avec les objets correspondants : le mot « table » associé au meuble, « cheval » à l’animal, « arbre » au végétal, « mère » à la personne, « nourriture » à des choses à manger. Il existe aussi des associations de nature différente, comme par exemple « rose » avec l’odeur, « docteur » et « hôpital », « feu » et « danger », le chiffre « 1 » et la quantité « un ». Avec les associations, un stimulus donné déclenche une réponse ou une image mentale données. Les chaînes sont des suites logiques d’associations, comme attacher ses chaussures, s’asseoir sur une chaise, souffler une bougie, se servir d’un crayon, bander une plaie, chanter une chanson, faire ses devoirs, conduire une voiture, utiliser un ordinateur ou écrire une rédaction. Les chaînes peuvent être simples ou complexes, mais pour réussir l’action, il faut exécuter les séquences dans l’ordre. Gagné, 1985, p. 36–38. Les différenciations sont les différences observées entre des propriétés et des objets légèrement différents. Cela veut dire que l’on reconnaît la distinction entre des concepts tels que « balle » et « ballon », « homme » et « femme », les nombres « un », « deux » et « trois » et les lettres « a », « b », « c ». Savoir discriminer les sons devient important quand on étudie une langue étrangère. Différencier implique aussi de savoir faire la différence entre des propriétés comme « doux » et « dur » ; « rouge », « rouge foncé », « rouge léger » et « rose » ; « gentil », « généreux », « poli » et « pacifique » ; « grand », « plus grand », « le plus grand » ; « vert », « mûr », « pourri ». Reconnaître la différence entre un chat et un chien est une différenciation entre deux catégories. Faire la différence entre un chat domestique, un chat persan et un chat siamois est une différenciation à l’intérieur d’une catégorie. Les concepts sont des idées abstraites formées chacune d’un réseau d’idées et de définitions. Exemples de concepts abstraits : la justice, la politique, la crise, la sympathie, la vieillesse, l’amitié, l’honneur, la rébellion, la gloire, l’autorité, la loyauté, la vertu. Vous remarquerez la façon dont chacun de ces concepts contient un réseau d’idées. 5. Règles d’ordre supèrieur 4. Règles 3. Concepts 2. Différenciations 1. Associations et chaînes forms élémentaires de l’apprentissage Adapté de Gagné, 1985, p.55 Parmi les exemples de concepts contenant des définitions qui équivalent à une règle, il y a : un litre, qui représente une quantité de liquide égale à 100 millilitres ; un mètre qui équivaut à une longueur de 100 centimètres ; un pourcentage, qui représente une partie d’un certain objet ou d’une quantité ; une bibliothèque, qui désigne une pièce ou un édifice contenant des livres. Gagné 1985, p. 53 fait remarquer qu’il ne suffit pas de connaître la définition ou la règle inhérente au concept, mais qu’il faut savoir l’appliquer ou comprendre comment l’on se sert du concept. Les règles ainsi que les généralisations établissent des principes valables dans de nombreux cas. Ceux-ci sont fréquemment des liens de cause à effet ou des corrélations. Exemples : • règle scientifique : l’air chaud monte, l’air froid descend. • règle de mesures : 100 millilitres de liquide égalent un litre. • règle de grammaire : le verbe s’accorde avec son sujet en personne et en nombre. • règle mathématique : trois fois quatre égalent douze. • règle de conduite : si vous voulez que les autres vous traitent bien, traitez-les bien. Les règles d’ordre supérieur combinent des règles simples en un processus plus complexe. C’est le domaine où la résolution de problèmes se produit. Exemple : Les connaissances requises pour résoudre un problème de mathématiques Question : combien vont me rapporter 2 000 dollars, si je les investis pendant trois ans à un taux d’intérêt de 3,75 ? Processus : établi en appliquant le schéma de Gagné en partant du bas vers le haut. 5. Savoir appliquer les règles d’ordre supérieur combinaisons de règles pour trouver la solution.

4. Règle : connaître la formule pour calculer le pourcentage. 3. Concept :