8.Lamethodegeopolitique

Introduction à la géopolitique

9 – La méthode géopolitique

Comment l’analyste géopolitique
doit se comporter
face à un problème spécifique
Répondre aux questions :
Qui veut quoi ?
Pourquoi ?
Avec qui ? Contre qui ?
Dans quel contexte ?
En affrontant quelles contraintes ?

L’analyse géopolitique
Étapes :
a) Identifier le problème
b) Identifier les acteurs en jeu
c) Identifier les intentions réelles, en excluant les motivations
idéologiques et morales, en se basant sur les intérêts et les
nécessités économiques,  les intérêts et les nécessités

stratégiques,  les raisons de prestige et/ou de crédibilité,  les
héritages du passé et  les contraintes de la géographie
d) Repérer les alliances actuelles ou potentielles, et les oppositions
actuelles et potentielles ou, plus en général essayer de comprendre,
sur la base de leurs motivations, comment les autres acteurs sont
susceptibles de se positionner
e) Identifier les contraintes (géographiques, historiques, idéologiques,
démographiques, économiques, militaires, stratégiques, etc.)
f) Éventuellement : faire des hypothèses (quelle sont les conséquences
plausibles d’une telle ou telle autre action)
(Plus tard on va faire un exemple)

Comment fait-on pour mettre
de l’ordre parmi ces éléments
de façon à ce qu’ils deviennent
significatifs, c-à-d qu’ils
offrent une réponse à notre
questionnement ?
Quelques-unes de ces
contraintes sont des contraintes

de longue durée et d’autres
plus conjoncturelles
Géographie
Histoire
Traditions & idéologies
Démographie
Économie
Armements
Relations diplomatiques
Institutions
Leadership politique

Nous avons dit que
la géopolitique est d’abord
l’étude des contraintes
qui limitent et conditionnent
la volonté politique
Si l’on veut donner de l’ordre
à notre analyse, il faut
disposer les facteurs

contraignants en ordre, du
plus durables/stables au plus
conjoncturel/transitoire
En plus, naturellement,
de la volonté et des intérêts
des autres acteurs,
qui sont eux aussi des facteurs
contraignants (mais extérieurs)

Géographie
Histoire
Traditions & idéologies
Démographie
Économie
Armements
Relations diplomatiques
Institutions
Leadership politique

Il faut faire attention dans le maniement de ces facteurs

quand on passe à l’analyse
d’un pays ou d’une région particulière :
dans chaque pays, ces facteurs sont toujours différents,
ont des poids toujours différents, et sont différemment
combinés dans l’espace et dans le temps

Nous avons vu, par exemple, que
pour la Russie le facteur
géographique a une importance
décidément supérieure aux autres
facteurs, alors que
pour la Turquie compte
davantage le facteur
historique,
pour certains pays européens
et le Japon, le facteur
démographique est en train
de prendre un poids toujours
plus décisif,
et pour la France,

le facteur le plus transitoire, le
leadership politique, risque de
jouer un rôle disproportionné

Mais, quel que soit le poids
des différents facteurs,
il faut toujours commencer
par le facteur le plus durable:
la géographie
Nous avons dit que la géographie
représente l’élément constant
d’un pays ou d’une région
Mais nous avons également dit
que « constant » ne signifie pas
« immuable »
La géographie change elle aussi, mais
plus lentement que tous les autres facteurs
Le « déterminisme géographique »
doit être manié avec prudence


Barrage
des Trois
Gorges
(Hubei)

Ce n’est pas vrai que
la géographie
ne change pas
Parfois elle change de manière
fracassante

L’agriculture est
la première forme
de modification
consciente de la
nature par
l’homme pour la
plier à ses besoins
La « description
de la terre »

(géographie)
change
continuellement
sous l’effet de
l’activité humaine

La Sicile était « le grenier à blé du peuple romain »
(Caton l’Ancien, 234-149 aJC)

Ce n’est pas non plus
vrai que la géographie
est l’élément le plus
important de l’analyse
géopolitique, loin de là

Nous avons vu qu’Aristote
expliquait la supériorité politique
d’Athènes de son temps par des
raisons d’ordre géographique
Ces conditions géographiques n’ont

pas empêché la décadence
d’Athènes,
passée des
500 000
habitants
environ de
la période
d’Aristote
à environ
4 000 au
début du
XIXe
siècle

Il faut néanmoins commencer par la géographie
parce qu’elle demeure le facteur le plus stable, qui
conserve le plus longtemps ses caractères distinctifs
La démographie et l’économie sont indubitablement aujourd’hui
les facteurs contraignants les plus importants pour le Japon
Mais l’analyse géopolitique devra nécessairement partir

des éléments basilaires de la condition géographique
Le Japon « tourne le dos » à l’Asie
parce que son système montagneux
se trouve essentiellement
sur la côte occidentale et
les concentrations
humaines se trouvent
essentiellement
sur la côte orientale
Cette configuration
géographique
« scelle » le destin du pays

Le second élément le plus
important dans la
constitution de la « nature
géopolitique » d’un pays ou
d’un région est l’histoire
Nous avons vu,
par exemple, que

la tendance
essentielle de
l’histoire
allemande
moderne est
le « Drang nach
Osten »,
l’expansion vers
l’est

Il est impossible de comprendre
les dynamiques politiques
européennes si l’on fait
abstraction de cette tendance
historique allemande
La question de l’élargissement
de l’Union européenne à partir
de 1991 est incompréhensible
si l’on ne tient pas compte
de cette régularité historique

Même la tendance à la
conciliation ou au conflit
avec la Russie s’explique
par la superposition de leurs
sphères d’intérêt en Europe
centrale et orientale

Une autre
régularité
historique dont on
ne peut pas faire
abstraction dans
l’analyse
géopolitique
est la tendance
de la France à
contrebalancer vers
la Méditerranée le
poids croissant de
l’Allemagne sur le
continent, depuis
François Ier à
François Hollande

Les régularités historiques peuvent devenir des
formes mentales, des traditions, des stéréotypes,
des idéologies, mais aussi des fardeaux
Par exemple,
la « splendid isolation »
britannique: d’élément
de force et de fierté,
elle est devenue un élément
d’incertitude stratégique

Toutefois, même pour les îles
britanniques il faut
commencer par la géographie
Leur caractéristique
fondamentale, qui a façonné
leur histoire, est l’insularité,
qui a joué un rôle opposé
à celui de l’insularité japonaise
L’histoire britannique a toujours
interagi avec le continent
La Manche a été une passerelle
mais aussi une barrière défensive
(souvent) infranchissable
C’est grâce à cette interaction
que l’Angleterre est devenue une
puissance maritime mondiale

Mais il ne faut jamais oublier que l’analyse
géopolitique n’est pas un exercice intellectuel gratuit
Elle a une et une seule finalité :
contribuer à comprendre les « mystères
de la politique internationale »
En décrivant les constantes
géographiques, historiques
et idéologiques des différents pays
et régions, la géopolitique permet
de dessiner le « cadre » dans lequel les
dynamiques politiques contemporaines
s’inscrivent nécessairement
Comme le dit Robert Kaplan, si l’on
comprend ce que les cartes nous disent à
propos des conflits à venir, nous pouvons
« combattre contre le destin »

Revenons au début:
Que faut-il faire pour analyser un problème spécifique
Identifier les intentions réelles, en mettant de côté
les motivations idéologiques et morales, en se basant plutôt sur
 les intérêts et les nécessités économiques,
 les intérêts et les nécessités stratégiques,
 les raisons de prestige et/ou de crédibilité,
 les héritages du passé et
 les contraintes de la géographie
Il ne s’agit pas bien entendu d’un ordre d’importance
pouvant être appliqué tel quel dans toutes les circonstances
En règle générale, on peut dire que
a) les intérêts économiques et stratégiques et les raisons de
prestige/crédibilité sont les mobiles d’un acteur politique,
b) les héritages du passé et les contraintes de la géographie sont
les rails de son action,
c) et les motivations idéologiques et morales sont les moyens
pour mobiliser la population et l’opinion internationale

Dans le cas du conflit
entre l’Ukraine et la Russie,
par exemple, les motivations
idéologiques et morales sont
fortes sur les deux fronts
 L’Ukraine affirme défendre le
principe de l’intégrité de la
souveraineté nationale et les
Ukrainiens en tant que
citoyens d’un même État
indépendant
 La Russie affirme défendre
les droits des minorités et les
Russes en tant qu’ethnie
dispersée à l’étranger

Identifier les intentions réelles (les « mobiles »)
 les intérêts et les nécessités économiques,
 les intérêts et les nécessités stratégiques,
 les raisons de prestige et/ou de crédibilité,

Comme on l’a dit, cette hiérarchie n’est pas toujours respectée
Dans le cas de la Russie contre l’Ukraine,
la hiérarchie est carrément renversée:
en faisant valoir ses « droits » sur les territoires
de l’ex-URSS (en particulier slaves), la Russie vise
1) un résultat géostratégique (arrêter la marche
de l’OTAN et de l’UE vers ses frontières)
2) et un résultat économique (atteindre la taille indispensable
pour aspirer à devenir un grand acteur économique)

Les héritages du passé et les
contraintes de la géographie sont
les rails de son action
La politique agressive et
expansionniste de la Russie
est inscrite dans
son patrimoine génétique
Et celui-ci découle de l’expérience
historique vécue
en raison de ses
caractéristiques
géographiques

Mais l’action de la Russie ne se déroule pas « sous vide »,
c’est-à-dire en suivant exclusivement les intentions, les intérêts
et la volonté des Russes
Elle a lieu dans la réalité physique, et donc elle rencontre des
« frictions », c’est-à-dire dans un système d’actions et de réactions
Parmi les « frictions », on doit compter :
 l’attitude du gouvernement de Kiev
 l’attitude des populations des l’Ukraine orientale
 l’attitude des séparatistes
 l’attitude de l’Allemagne
 l’attitude des autres pays européens
 l’attitude des États-Unis
 etc.
Toutes ces « réactions » contribuent à détourner
l’« action » de Moscou, et doivent donc à leur tour
être pesés, mesurés, analysés

Il faut mettre les différentes volontés
politiques, les différents intérêts
en relation les uns avec les autres
Parce que la signification ne peut être trouvée
que dans cette relation
C’est pourquoi on parle de « relations internationales »,
c-à-d la résultante de la somme de multiples forces inégales qui
agissent dans ce champ de force particulier qu’est le monde

Une force est un vecteur qui a une direction
Forces : intérêts, volonté, ambition, économie, armements, alliances, traditions, etc.