Etendre la couverture de la sécurité sociale et accroître les recettes contributives

4. Etendre la couverture de la sécurité sociale et accroître les recettes contributives

La protection sociale est traditionnellement financée grâce aux cotisations de sécurité sociale des travailleurs et des employeurs, notamment, à travers l'assurance-maladie, l'assurance d’indemnisation des travailleurs, l'assurance chômage et les retraites. Ces cotisations de sécurité sociale sont prélevées principalement sur les salaires des travailleurs du secteur formel. Le premier système de protection sociale, mis en œuvre en Allemagne en 1889, reposait sur ces cotisations et a servi de modèle lorsque d’autres pays ont mis en place leurs propres systèmes.

Le financement de la protection sociale grâce aux cotisations de sécurité sociale est prévisible et fiable et allège la charge qui pèse sur les finances gouvernementales, en particulier dans les pays où les recettes fiscales sont faibles et où il existe des besoins d'investissement urgents. En outre, des travailleurs qui cotisent à la sécurité sociale et leurs familles sont moins susceptibles de devenir pauvres en cas de maladie, de chômage, de maternité ou de retraite. Par conséquent, un nombre réduit de ménages nécessitera une assistance sociale.

Presque toutes les économies avancées utilisent les cotisations sociales pour élargir l ’espace fiscal. Dans le monde en développement, de nombreux pays comme l'Argentine, le Brésil, la Chine, le Costa Rica, la Thaïlande ou la Tunisie ont étendu la couverture et renforcé la collecte des cotisations de sécurité sociale (Duran-Valverde et Pachecho, 2012), souvent dans le cadre de leurs stratégies nationales de développement (encadré 10). Le degré de financement des systèmes de protection sociale par les gouvernements grâce aux cotisations patronales et salariales pourrait être substantiel et il varie considérablement d’un pays à l’autre (figure 5). Certains pays financent la quasi-totalité de leurs dépenses de protection soc iale grâce aux cotisations, ce qui prouve l'importance de cette solution si l’on veut élargir l ’espace fiscal.

Figure 5.

Ratio cotisations de sécurité social/dépenses en matière de protection sociale (en pourcentage du PIB, dernière année disponible)

So urce : Calculs des auteurs d’après les données des Indicateurs du développement dans le monde (2015), OCDE (2015) et OIT (2014a)

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Encadré 10

Extension de la couverture et renforcement de la collecte des cotisations de sécurité sociale au Brésil

L'investissement social joue un rôle important dans le développement national du Brésil. La protection sociale (santé, assurance sociale et programmes d'assistance sociale) est la composante la plus importante des dépenses sociales au Brésil et a considérablement augmenté depuis les années 2000. La charge fiscale brute du Brésil est également passée de 27 pour cent en 1996 à près de 31 pour cent en 2006. L’augmentation considérable du recouvrement de l’impôt, qui constitue près de la moitié de toutes les recettes fiscales à l’échelle

de l'Etat est en grande partie attribuable aux prestations d'assurance sociale. L’expansion des cotisations sociales est directement associée à l'extension significative de la couverture de la sécurité sociale contributive

(assurance sociale) au cours des années 2000. Entre 2000 et 2008, les taux de couverture sont passés de 45 à 55 pour cent de la population économiquement active, ce qui constitue un exemple remarquable d’extension de la sécurité sociale ainsi qu’une réussite concernant la formalisation des travailleurs de l'économie informelle

Source: Duran-Valverde et Pacheco (2012)

Dans pratiquement tous les pays où il existe des programmes de sécurité sociale, le taux

de cotisation est fixé à un niveau spécifique pour tous les employés et pour tous les employeurs, et est généralement exprimé en pourcentage du salaire ou de la rémunération. Les cotisations de sécurité sociale sont généralement prélevées sur les salaires bruts; les employeurs en paient au moins la moitié, conformément à la convention (n° 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, puis les employés paient généralement une cotisation moindre, automatiquement déduite de leur salaire et imposable. De nombreux pays prévoient une subvention du budget central, en particulier dans les premières années de fonctionnement (Cichon et al ., 2004). L’annexe 2 présente les parts salariales et patronales dans plusieurs pays. Généralement, la contribution des employeurs est beaucoup plus grande que celle des travailleurs - en tant que moyenne mondiale, l'employeur contribue 14 pour cent et les travailleurs 7 pour cent des gains couverts. Les cotisations de sécurité sociale des employeurs t un salaire différé, les travailleurs obtiennent cette partie de leur salaire lorsqu'ils prennent leur retraite, sont malades, etc.

Si le niveau accepté des cotisations est souvent le résultat d’une négociation collective, il reste relativement faible dans certains pays. Comme le niveau de financement requis provenant des cotisations de sécurité sociale doit être fixé par des évaluations actuarielles tenant compte de l’évolution démographique, de la composition du marché du travail et

d'autres variables macroéconomiques pour un pays donné 11 , il importe de noter que dans la plupart des pays, le niveau des recettes provenant de la sécurité sociale devrait augmenter. Les employeurs s’opposent généralement à l’augmentation du niveau des cotisations. En effet, ils préfèrent que le coût de la main- d’œuvre reste faible pour promouvoir l'investissement. Cette augmentation est souvent soutenue par les travailleurs, qui connaissent une stagnation ou une baisse de leurs salaires réels dans la plupart des pays, ce qui entraîne une consommation et une croissance plus faibles (BIT, 2014c). Il est important

de trouver le juste équilibre entre les salaires et les cotisations de sécurité sociale pour optimiser les résultats obtenus en matière de développement.

Générer du financement grâce aux cotisations est, par nature, associé à l'extension de la sécurité sociale. La possibilité d'augmenter les cotisations de sécurité sociale dépendra en grande partie des efforts fournis par les administrations de sécurité sociale et l'inspection du travail pour, d'une part, faire respecter les dispositions légales et s’assurer que les employeurs et les travailleurs soient bien enregistrés, et d’autre part, qu’ils paient entièrement leurs cotisations. Les investissements dans des mécanismes de recouvrement des cotisations sont importants. Dans des pays comme le Brésil, le Costa Rica et l'Uruguay, les cotisations sociales sont intimement liées à l'introduction d'innovations pour encourager la formalisation du marché du travail (encadré 11). La formalisation de l'emploi et des

11 Pour plus de détails sur les estimations actuarielles, voir Plamondon et al., 2002.

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Encadré 11

Etendre la protection sociale à l’économie informelle : l’exemple du système Monotax en Uruguay

Monotax est un régime de collecte/de paiement des impôts simplifié pour les petits contribuables en Uruguay. Les microentrepreneurs qui adhèrent à ce régime ont automatiquement droit aux avantages du système contributif de la sécurité s ociale (sauf à la protection en cas de chômage). Dans le cadre de Monotax, c’est l'Institut uruguayen de sécurité sociale (BPS) qui collecte les cotisations, et la part correspondant au paiement des impôts est transférée par le BPS à l'autorité budgétaire. La part restante est ensuite utilisée par le BPS pour financer les prestations de sécurité sociale pour les membres de l'assurance sociale affiliés au régime et leurs familles. Monotax s’est révélé un outil efficace pour formaliser les micro et petites entreprises, ainsi que pour étendre la couverture de la sécurité sociale aux travailleurs indépendants, en particulier aux femmes. L'Argentine, le Brésil et l'Equateur sont en train de mettre au point des régimes similaires à Monotax.

Figure 6. Nombre d’entreprises qui adhèrent au dispositif Monotax et de membres

assurés

Source: OIT (2014b)

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