Droits à l’importation et à l’exportation

3.5. Droits à l’importation et à l’exportation

Ces droits ont été une source de financement du développement pendant des siècles. Dans les années 1950, les politiques d'industrialisation axées sur le remplacement des importations impliquaient des droits d'importation pour protéger l'industrie nationale, parfois combinés à des droits de douane sur les exportations primaires, en vue de réduire la dépendance vis-à- vis de l’étranger, et de promouvoir les marchés intérieurs et le développement national. Ces politiques structuralistes ont été abandonnées dans les années 1980 pour laisser place aux programmes d'ajustement structurel. Aujourd’hui, les accords

de libre-échange multilatéraux et bilatéraux limitent/réduisent la possibilité pour ces droits d’élargir l’espace fiscal.

En effet, les pays en développement ont progressivement réduit les taux des droits de douane depuis les années 1990, ce qui implique une capacité réduite pour générer des recettes grâce au commerce. Les incidences financières de cette tendance sont d’autant plus grandes pour les pays à faible revenu, qui ont diminué de plus de moitié leurs droits de douane, de 36 à 12 pour cent entre 1996 et 2010, en moyenne, comparé à une réduction moyenne de sept pour cent dans les pays à revenu intermédiaire (figure 4). Certains pays se distinguent, notamment l’Inde où le taux moyen des droits de douane est passé de 71 pour

cent à 13 pour cent entre 1994 et 2009, et le Brésil, de 51 pour cent à 14 pour cent entre 1987 et 2009 (OMC, 2010).

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Figure 4.

Taux des droits de douane selon les tranches de revenus, 1996-2010* (en points de pourcentage)

40 Revenu faible 35

Revenu intermédiaire 30

Revenu élevé 25

Source : Indicateurs du développement dans le monde (2015) * Les valeurs correspondent à la moyenne non pondérée des taux appliqués à tous les produits commercialisés soumis aux droits

de douane

Ces baisses de recettes douanières ont parfois été associées à la libéralisation du commerce. En théorie, les gains généraux pour le libre-échange étaient censés compenser la perte des recettes douanières, mais dans la pratique, il est généralement plus difficile pour les pays moins développés de récupérer le manque à gagner, ce qui se traduit par des pertes nettes de recettes. Par exemple, Baunsgaard et Keen (2005) ont constaté que si les pays riches sont en mesure d’appliquer des réductions de recettes douanières en augmentant leurs recettes fiscales nationales, cela n’est pas le cas dans la plupart des pays en développement. Les pays à revenu intermédiaire ne semblent pouvoir récupérer que jusqu'à 60 cents pour chaque dollar de recettes douanières perdu, tandis que les pays à faible revenu n’en récupèrent pas plus de 30.

Par conséquent, dans de nombreux pays en développement, il y a de bonnes raisons d'examiner les niveaux des droits de douane actuels, au moins jusqu'à ce que des mécanismes

de collecte des taxes nationales soient renforcés, pour maintenir ou augmenter les niveaux des recettes. Dans les pays tels que le Brésil et l'Inde, les possibilités d'augmentation des droits en vigueur sont nombreuses, puisque les niveaux sont bien inférieurs aux plafonds tarifaires de l’OMC convenus dans le cadre du cycle de négociations commerciales de l'Uruguay (Gregory et al., 2010). Certains pays, notamment l'Algérie, imposent des taxes élevées aux importations pharmaceutiques si le même médicament est produit par au moins trois fabricants nationaux en quantités satisfaisant la demande du marché - un moyen de soutenir les emplois et l'industrie nationale (encadré 8).

En outre, pour les pays subissant de fortes hausses des ventes des produits de base grâce aux exportations, l ’espace budgétaire pourrait être élargie pour les investissements sociaux en introduisant des droits d’exportation ou en les augmentant. Dans de nombreux pays

d'Amérique latine, par exemple, des fonds spéciaux et des lois spécifiques ont été créés pour régir l'utilisation des recettes provenant de l'augmentation des prix des exportations de produits de base (Gallagher et Porzecanski, 2009). Un des exemples les plus connus est celui du Venezuela, où une taxe progressive sur les bénéfices exceptionnels est prélevée sur les exportations du pétrole pour financer les projets de développement social. Pour mettre en évidence le potentiel global des taxes sur les exportations de produits de base, une taxe de 2 à 5 pour cent sur les exportations de pétrole de neuf des pays en développement qui exportent

20 Espace budgétaire pour la protection sociale et les ODD 20 Espace budgétaire pour la protection sociale et les ODD

Les cinq catégories de taxes générales précédemment citées (taxes sur la consommation/sur les ventes, impôts sur le revenu, impôt sur les sociétés, taxes sur l’extraction des ressources naturelles et les droits à l’importation et à l’exportation) peuvent être introduites ou ajustées pour augmenter les recettes du gouvernement. La combinaison optimale change d’un pays à l'autre : il importe de bien comprendre les avantages et les inconvénients de chaque impôt (CNUCED, 2014a-b et Secrétariat du Commonwealth, 2009), ainsi que les répercussions sociales sur les différents groupes de ménages évalués.

Encadré 8

Les taxes sur le tabac, l'alcool et sur les importations pharmaceutiques pour une protection sociale

universelle en Algérie

La couverture de protection sociale en Algérie est pratiquement universelle. Elle est financée principalement par les contributions. Les cotisations de sécurité sociale représentent 35 pour cent des salaires. Les employeurs doivent remettre la contribution des travailleurs retenue à la source au taux de 9 pour cent, ainsi que la contribution des employeurs au taux de 26 pour cent. Les cotisations de sécurité sociale financent les pensions, les allocations familiales, la maternité, le chômage, les accidents du travail et les soins de santé pour la majorité des Algériens. Cependant, un financement supplémentaire est nécessaire pour l'assistance sociale et les régimes pour couvrir les travailleurs du secteur informel. Le gouvernement algérien complète le financement grâce aux sur le tabac, l'alcool et les produits pharmaceutiques.

- Les taxes sur les importations pharmaceutiques : le 30 novembre 2008, l'Algérie a introduit des mesures restreignant les importations de produits pharmaceutiques afin de protéger les emplois dans l’industrie pharmaceutique locale et d'augmenter les recettes fiscales. Un médicament fabriqué à l'étranger ne peut être importé si ce même médicament est produit par au moins trois fabricants en Algérie en quantités satisfaisant la demande du marché. Une nouvelle ordonnance du 8 mai 2011 fournit une liste de 257 médicaments imposés à l'importation entrée parce qu'ils sont produits en quantités suffisantes par des sociétés pharmaceutiques nationales et étrangères en Algérie.

- Les taxes sur le tabac et l'alcool : Selon l'OMS, la taxe sur le tabac était de 50 pour cent du prix en 2014; au cours des années suivantes, le ministère des Finances a introduit une nouvelle législation imposant des taxes additionnelles l'alcool et tous les produits dérivés du tabac, un moyen de collecter des fonds et de lutter contre les pratiques à risque pour la santé, comme l'alcoolisme et le tabagisme.

Source: gouvernement d’Algérie, OMS (2015)