Transferts Sud-Sud
5.2. Transferts Sud-Sud
Pour les gouvernements, les transferts Sud-Sud se présentent clairement comme une solution pour puiser dans les ressources régionales et interrégionales pour financer le développement socioéconomique. Les transferts Sud-Sud sont de plus en plus importants et sont effectués par l’intermédiaire de trois voies principales de coopération : i) l'aide bilatérale; ii) l'intégration régionale; et iii) les banques de développement régionales.
La première voie de transferts Sud-Sud, l'aide bilatérale (donateurs non-OCDE) est gérée par l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, le Brésil, la Chine, les Emirats arabes unis,
l’Inde, le Koweït et le Venezuela (par ordre alphabétique). Les données sur les transferts Sud-Sud sont disparates et peu fiables, et plu s difficiles à comparer, car il n’existe pas de définition universellement acceptée de l'APD. Néanmoins, l'APD mondiale totale fournie par les pays non OCDE du CAD aurait considérablement augmenté au cours des dernières années, et représenterait environ 8,4 pour cent de la coopération mondiale pour le développement (OCDE, 2014). Si ces estimations indiquent réellement les flux actuels, l'aide Sud-Sud est une solution prometteuse pour que les pays en développement financent leurs investissements sociaux.
Deux exemples soulignent le potentiel des transferts Sud-Sud. Compte tenu de l'ampleur de ses investissements dans les pays en développement, en particulier en Afrique
subsaharienne et dans les pays d’Asie de l’Est voisins, le cas de la Chine doit être souligné (encadré 12). La Banque d’export-import de Chine joue notamment un rôle stratégique, puisqu’elle octroie essentiellement des prêts pour financer les grands projets d'infrastructure.
Un autre cas est celui du Venezuela, riche en pétrole, qui a financé de nombreux investissements économiques et sociaux dans les pays voisins, notamment dans le cadre de l’initiative PetroCaribe. Un des plus grands projets, Projet Grand National, a été lancé en 2007 et appuie notamment les programmes d'alphabétisation, les universités régionales et les médias (radio/TV) ayant un contenu autochtone, et la génération et la distribution d'énergie.
17 Pour une analyse par pays de l’appui budgétaire, voir par exemple, Caputo et al (2011).
Espace budgétaire pour la protection sociale et les ODD 31
Encadré 12 Coopération bilatérale Sud-Sud en Guinée-Bissau
Traditionnellement, les principaux partenaires au développement de la Guinée-Bissau sont l'Union européenne (UE), les donateurs bilatéraux européens et les organisations multilatérales, telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l'Organisation des Nations Unies et la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Durant la période 2000-2009, parmi les donateurs présentant un rapport au Comité d'aide au Développement de l'OCDE, ce sont l'Union européenne (294 millions
de dollars), le Portugal (132 millions de dollars), la Banque mondiale (125 millions de dollars), l'Italie (78 millions de dollars) et l’Espagne (55 millions de dollars) qui ont fourni la plus grande assistance au développement à la
Guinée-Bissau. Cependant, ces chiffres ne prennent pas en compte l'aide au développement des principaux fournisseurs
de la coopération Sud-Sud, notamment la Chine, l'Angola et le Brésil. La Chine a réalisé plusieurs grands projets à Bissau, y compris un stade de 20 000 places, le bâtiment de l'Assemblée nationale (6 millions de dollars), un nouveau bureau du gouvernement (12 millions de dollars), qui abritera 12 ministères et un hôpital (8 millions de dollars). La Chine a également fourni une assistance technique pour améliorer la production de riz. L’Angola a accordé une subvention de 12 millions de dollars (soit près de 1,3 pour cent du PIB) en février 2011, que les autorités ont l'intention d'utiliser pour financer des projets routiers et agricoles et payer les arriérés des années précédentes au secteur privé. En octobre 2010, l'Angola a annoncé qu'il allait accorder une marge de crédit de
25 millions de dollars pour soutenir les entrepreneurs des deux pays qui souhaiteraient investir en Guinée-Bissau. En 2008, l'Angola a fourni un appui budgétaire de 10 millions de dollars. Le Brésil a coopéré avec la Guinée- Bissau dans plusieurs secteurs. Il a fourni une assistance technique pour accroître la production agricole; mis en place des centres de formation pour les militaires, la police, les enseignants; et a contribué à renforcer la capacité
de lutte contre le VIH/sida. Le PNUD estime que l'assistance bilatérale du Brésil à la Guinée-Bissau a atteint 6,2 millions de dollars au cours de la période 2006-2009.
Source : Rapport de pays du FMI n° 11/119, mai 2011, p. 7
L'intégration régionale est une autre voie et une des formes principales de coopération Sud-Sud. Les stratégies de négociation régionales peuvent être un moyen efficace de protéger, de promouvoir et de refaçonner la division du travail, le commerce, la production et la consommation à l’échelle d'une région. L'intégration régionale peut aussi aider à corriger les disparités sociales et élever le niveau de vie grâce à des transferts régionaux axés sur les investissements socioéconomiques. L'Union européenne illustre parfaitement comment la solidarité régionale peut être articulée, mais les exemples se font de plus en plus fréquents dans les pays en développement. En fait, presque tous les pays du monde appartiennent à un bloc régional : l'Alliance bolivarienne des peuples des Amériques (ALBA), l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ANASE), l'Union africaine (UA), la Communauté andine (CAN), la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la Ligue des Etats arabes (LEA), l'Association sud-asiatique de coopération régionale (ASACR) ou la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), pour n’en citer que quelques- uns (encadré 13). S’agissant de l’espace fiscal, les formations régionales peuvent permettre
de «verrouiller» les financements pour le développement des pays membres, qui peut être assuré grâce à des transferts régionaux ou grâce à des banques régionales de développement.
32 Espace budgétaire pour la protection sociale et les ODD
Encadré 13
Transferts régionaux Sud- Sud au sein de l’ALBA au Salvador
L’ALBA a été créée en 2006 en vue de réduire la «dette sociale» de l'Amérique latine, soit de répondre aux besoins de ceux qui ont souffert dans le processus de mondialisation, et pour servir d’alternative à l'Accord de libre- échange des Amériques. Grâce aux transferts régionaux et à l’appui politique, l’ALBA encourage un nouvel ensemble de politiques publiques visant à corriger les disparités sociales et améliorer les niveaux de vie, grâce aux dépenses sociales, aux investissements publics et aux politiques axées sur l'emploi et l'expansion des marchés nationaux. Le Salvador est un bel exemple de la faç on dont les transferts régionaux de l’ALBA fonctionnent. En 2014, ce pays est devenu membre de l'ALBA. Au cours des mois suivant son adhésion, le pays recevait 90 millions de dollars à l’appui du développement rural (subventions pour les semences et l’engrais, crédit flexible et assistance technique aux agriculteurs, construction d'infrastructures rurales); 14 millions de dollars pour la mise sur pied d’une compagnie aérienne nationale à bas prix, VECA, reliant San Salvador à d'autres capitales d'Amérique centrale (en 2013, le seul vol low-cost reliait la Floride); 2,7 millions de dollars pour l'éducation (3 700 subventions pour l'enseignement secondaire et universitaire, pour la reconstruction des écoles publiques, pour promouvoir le sport et éviter la délinquance des maras); à la fin de 2014, la société ALBA Petróleos El Salvador a également commencé à proposer des subventions pour soutenir la consommation de gaz de cuisson domestique.
Source: ALBA Petróleos El Salvador et couverture médiatique
En résumé, les pays en développement disposent de nombreuses possibilités d’élargir leur espace budgétaire grâce à des stratégies visant à augmenter les transferts Nord-Sud et Sud- Sud, ainsi qu’à saisir et réallouer les fonds illicites en faveur des objectifs de déve loppement. De même, les pays donateurs disposent d’une palette de sources innovantes
de financement du développement, ce qui signifie qu'il n'y a plus aucune excuse : il n’est plus vraiment possible de revenir sur ses engagements en matière d’aide.
Espace budgétaire pour la protection sociale et les ODD 33