Complexit´ e et facteurs sp´
eciaux 79
Comme u est sp´ecial `a droite, il se prolonge au moins de deux mani`eres ua et ub. Les mots r
2
a et r
2
b ne peuvent ˆetre pr´efixes de la mˆeme image de lettre, donc v se prolonge par au moins deux lettres diff´erentes x et y, avec r
2
a pr´efixe de fx et r
2
b pr´efixe de fy, c’est-`a-dire que v est sp´ecial `a droite dans L ; son ordre `a droite est sup´erieur ou ´egal `a celui de u. De mˆeme, v est sp´ecial gauche dans L, donc est
bisp´ecial. R´eciproquement, si v est un facteur bisp´ecial, l’ensemble R
1
fvR
2
contient un certain nombre de facteurs bisp´eciaux, dont la somme des ordres est exactement
l’ordre de v `a condition qu’aucun d’entre eux ne soit dans N. Les couples r
1
, r
2
tels que r
1
fvr
2
est bisp´ecial, et les ordres correspondants, ne d´ependent que de l’ensemble des couples de lettres x
1
, x
2
tels que x
1
vx
2
∈ L. On voit donc que, connaissant les facteurs bisp´eciaux de L, on peut calculer des
facteurs bisp´eciaux de L
′
en appliquant f et en ajoutant un ou plusieurs pr´efixes et suffixes r
1
et r
2
, qui ne d´ependent que des lettres par lesquelles le facteur consid´er´e se prolonge. On obtient ainsi tous les facteurs bisp´eciaux de L
′
, sauf peut-ˆetre ceux qui sont ´el´ements de N, qu’il faut d´eterminer `a la main, et que nous appellerons
facteurs bisp´eciaux exceptionnels.
4.3 Complexit ´e du point fixe d’un morphisme
` A tout morphisme f : Σ
∗
→ Σ
∗
, on associe le langage Lf = F
{ f
n
x | n ∈ N et x ∈ Σ }
c’est la clˆoture factorielle d’un DOL-langage o` u toutes les lettres de l’alphabet
servent d’axiomes, qui est prolongeable pourvu que f soit non-effa¸cant l’image d’une lettre n’est jamais le mot vide et que chaque lettre soit prolongeable des
deux cˆot´es, c’est-`a-dire
∀x ∈ Σ, ∃a, b ∈ Σ, axb ∈ Lf ce qui exclut les morphismes du type a
7→ ab, b 7→ bb. Si de plus il existe une lettre a
∈ Σ telle que fa ∈ aΣ
∗
et que
S
n∈N
Alph f
n
a = Σ, la suite de mots f
n
a a pour limite un mot infini u = f
ω
a dont l’ensemble des facteurs est exactement Lf.
Quand f est circulaire il est possible, en it´erant le proc´ed´e d´ecrit ci-dessus, de d´ecrire l’ensemble des facteurs bisp´eciaux de Lf `a partir des seuls bisp´eciaux
exceptionnels, ce qui permet de construire les arbres de facteurs sp´eciaux. Si f est bipr´efixe, les facteurs bisp´eciaux de Lf sont tous de la forme
u = s fs
1
f
2
s
2
. . . f
k− 1
s
k− 1
f
k
vf
k− 1
p
k− 1
f
k− 2
p
k− 2
. . . f
2
p
2
fp
1
p avec v bisp´ecial exceptionnel, p
i
plus grand pr´efixe commun de deux images de lettres, et s
i
plus grand suffixe commun pas n´ecessairement des mˆemes lettres.
80 J. Cassaigne
4.4 Un exemple non primitif
Consid´erons le morphisme suivant : f :
Σ
∗
−→ Σ
∗
a 7−→ aba
b 7−→ bb
.
Ce morphisme n’est pas primitif, car les images successives de b ne contiennent aucun a un morphisme f est dit primitif s’il existe un entier n tel que l’image de
chaque lettre par f
n
contient toutes les lettres. La suite qu’il engendre, f
ω
a = ababbababbbbababbababbbbbbbbababbababbbbababbababbbbbbbbbbbbbbbbab . . . est r´ecurrente tout facteur apparaˆıt une infinit´e de fois, mais pas uniform´ement
r´ecurrente puisqu’il existe des facteurs arbitrairement longs qui ne contiennent pas de a.
Le morphisme f est bipr´efixe, mais n’est pas circulaire. Toutefois, tout facteur de longueur sup´erieure ou ´egale `a 4 qui n’est pas une puissance de b se synchronise.
On va donc appliquer la m´ethode d´ecrite en 4.3, en traitant `a part les puissances de b.
Parmi les petits facteurs longueur inf´erieure `a 4 non puissances de b, on trouve que seul bab est bisp´ecial : c’est donc le seul bisp´ecial exceptionnel. Les autres facteurs
bisp´eciaux non puissances de b seront les images it´er´ees de ce mot par f, car p
i
= s
i
= ε est le seul pr´efixe ou suffixe commun `a fa et fb. Les puissances de b sont toutes des facteurs bisp´eciaux c’est d’ailleurs une propri´et´e g´en´erale des suites qui
contiennent des puissances arbitrairement grandes de b mais aussi une infinit´e de a, stricts quand l’exposant est une puissance de 2, ordinaires sinon.
Les facteurs bisp´eciaux sont donc : bisp´eciaux stricts : f
m
b, de longueur 2
m
, pour m 0 ; bisp´eciaux ordinaires : les autres puissances de b : ε, b
3
, b
5
, b
6
, b
7
, b
9
, etc. ; bisp´eciaux faibles : f
m
bab, de longueur 2
m
3 + m2, pour m 0. Ceci fournit une expression des s´eries BS et BF sous forme de sommes infinies, ainsi
que les ´equations fonctionnelles suivantes : BSX = BSX
2
+ X ; BF X = ϕX, X avec ϕX, Y = ϕXY X, Y Y + Y XY .
On peut enfin ´ecrire que sn = 1 + q − r, o`u q = ⌈log
2
n ⌉ est le nombre de facteurs
bisp´eciaux stricts de longueur inf´erieure `a n, et r =
l
W 128n log 2
log 2
− 6
m
est le nombre de facteurs bisp´eciaux faibles de longueur inf´erieure `a n W x est l’unique fonction
analytique r´eelle sur ] − 1e, +∞[ telle que W xe
W x
= x. On calcule ensuite : pn = 1 +
n− 1
P
m =0
sm = 1 + n +
q− 1
P
m =0
n − 1 − 2
m
−
r− 1
P
m =0
n − 1 − 2
m
3 + m2 = 1 + n + n
− 1q − 2
q
− 1 − n − 1r + 2
r +1
+ 2
r− 1
r − 2 .
Complexit´ e et facteurs sp´
eciaux 81
Dans cette expression, les termes dominants sont nq et nr, soit pn = n
log n − W 128n log 2
log 2 + O n .
On peut alors, en utilisant le fait que W x = log x − log log x + O
log log x log x
obtenir un ´equivalent de la complexit´e de la suite ´etudi´ee : pn
∼ n log
2
log
2
n. Notons que le th´eor`eme de Pansiot [12] permet d’´etablir que pn croˆıt comme
n log log n, car f est polynomialement divergent, mais ne donne pas d’´equivalent exact.
5 Suites de complexit ´e affine
5.1 Suites de complexit ´e ultimement affine