96 5.3.5. Rentabilité des unités de pêche, soutien financier public et autres stratégies adoptées
La place de choix quoccupe la pêche artisanale dans la politique dautosuffisance alimentaire du pays en produits halieutiques lui fait bénéficier dun soutien financier de lEtat à travers des
subventions et des détaxes. Ainsi, les moteurs hors-bord, les filets de pêche et les pièces de rechange sont vendus aux pêcheurs exemptés de droits de douane et de taxes et le carburant
intègre une péréquation sur son prix.
Les études de rentabilité des unités de senne tournante et de filet maillant encerclant montrent que toute baisse ou suppression de la péréquation sur le carburant-pirogue dans le contexte
actuel d’exploitation ne fera que diminuer d’avantage les revenus des armateurs et aggraver leur niveau de rentabilité. Une conséquence évidente est une moindre disponibilité de poisson
bon marché pour les populations locales.
Pour juguler les difficultés liées au renouvellement du capital équipement, certaines unités de pêche pélagique ont adopté un certain nombre de stratégies dont :
- un redéploiement de leur effort de pêche vers les espèces d’exportation cas du poulpe entre juin et septembre sur la Petite Côte par exemple ;
- redéploiement des activités de pêche en Mauritanie par l’achat d’une licence de pêche et en Gambie par le biais de l’accord de réciprocité avec le Sénégal ;
- usage d’une seule pirogue pendant la basse saison et cette forme de « décapitalisation » est une réponse au renchérissement du prix du carburant pêche et à la baisse des rendements.
5.4. Financement et soutien public
5.4.1. Financement informel Face aux défaillances du système formel de financement de la pêche artisanale, plusieurs
types de crédit sont dénombrés dont le patrimoine familial, les crédits en liquide, les crédits en nature et les tontines.
Certaines unités de pêche génèrent suffisamment de revenus pour assurer le renouvellement des unités de pêche. Les revenus des membres générés par d’autres activités en dehors de la
pêche sont parfois mis à profit pour renforcer les moyens de pêche. Cette même démarche est adoptée dans le mareyage et la transformation artisanale des produits halieutiques.
Les crédits liquides concernent les pêcheurs, les mareyeurs et les revendeurs qui participent au financement de la marée, de la campagne de pêche et dans une moindre mesure du
renouvellement du petit équipement de pêche.
Les crédits en nature portent le crédit de carburant etou de filets de pêche, les travaux effectués par les charpentiers etou les mécaniciens, la livraison de poisson à crédit au profit
de mareyeurs, revendeuses et transformatrices de produits halieutiques. Généralement, les mareyeurs qui prêtent de l’argent aux pêcheurs bénéficient en contrepartie de la priorité
d’achat des produits débarqués et d’un prix préférentiel.
Les tontines sont destinées à l’accumulation de fonds de roulement pour les femmes transformatrices et les micro-mareyeuses bien que les risques de détournement de fonds soient
très grands particulièrement dans les tontines de masse.
97 Dans tous les cas de figure, il faut noter que le marché informel est caractéristique de taux
d’intérêt prohibitifs auxquels sont consentis souvent des crédits et des conflits naissent régulièrement entre prêteurs et emprunteurs.
Les capitaux disponibles sont insuffisants pour prendre en charge les besoins en financement des pêcheries artisanales de petits pélagiques côtiers 17 millions pour monter une unité de
senne tournante. Le financement informel se limite au préfinancement des sorties des unités de pêche.
5.4.2. Soutien financier public 5.4.2.1. Détaxe des moteurs hors-bord et des engins de pêche
Initiée dans les années 50, la diffusion des moteurs hors-bord dans la pêche artisanale a pris son essor définitif à partir de 1965 avec la vente hors taxe et à crédit des moteurs par le Centre
d’Assistance à la Motorisation des Pirogues CAMP. Le moteur hors-bord a été incontestablement le facteur essentiel ayant favorisé l’agrandissement des pirogues pour
l’adaptation de nouvelles technologies de pêche comme les sennes tournantes. Le moteur a considérablement élargi l’aire d’intervention des unités artisanale de pêche pélagique en
favorisant particulièrement les migrations des pêcheurs et le développement des pêches lointaines. Toutes les unités de pêche pélagique sont motorisées.
Les impacts technologiques induits ont occasionné un accroissement sans précédent des débarquements et le développement de la commercialisation en frais et l’industrie du braisage
artisanale
5.4.2.2. Subvention sur le carburant La péréquation sur le carburant pêche a permis d’utiliser des moteurs plus performants,
d’agrandir la taille des pirogues et d’exploiter de nouvelles zones de pêche. Elle atténue considérablement les coûts dexploitation des unités de pêche, ce qui, théoriquement, devait
permettre de maintenir le poisson débarqué par les unités de pêche pélagique artisanale à un prix compatible avec le pouvoir dachat des populations sénégalaises.
Les consommations annuelles de carburant de la pêche artisanale et les valeurs commerciales correspondantes sont publiées dans le bulletin annuel des « Résultats généraux des pêches
maritimes » de la DPM. La subvention moyenne annuelle par litre consommée est obtenue par comparaison du prix moyen annuel arrêté pour la pêche et le prix moyen réel payé par le
grand public. La subvention annuelle sur le carburant-pirogue concerne toutes les pêcheries artisanales Tableau 26. Les informations disponibles ne permettent de spécifier la proportion
affectée à la seule pêcheries artisanale de petits pélagiques côtiers.
Il faut noter que depuis 2007, la subvention moyenne par litre de carburant consommé a accusé une baisse continue et se situe à moins de 100 FCFA contre un pic de 138 FCFA en
2005.
98
Tableau 29 : Evolution de la consommation de carburant par la pêche artisanale sénégalaise et niveau de subvention accordée
Années Consommation
million de litres Valeur commerciale
milliards de FCFA Subvention annuelle
milliards de FCFA Subvention par
litre FCFA 1992
24.5 4.2
2.2 87.8
1993 24.9
6.5 3.3
132.6 1994
27.7 7.2
3.5 124.8
1995 27.9
6.6 3.2
112.8 1996
31.9 8.3
4.0 124.7
2001 39.5
12.0 4.5
114,8 2002
46.0 13.4
5.1 110,8
2003 51.3
15.1 5.7
111,9 2004
45.3 14.9
5.5 121,2
2005 41.6
16.2 5.8
138,0 2006
40.6 18.3
5.7 136.5
2007 44.7
20.5 5.1
114 2008
36.7 21.2
4.5 122
2009 39.7
17.8 3.7
93 2010
32.5 17.9
3.1 95
Source: DOPM
5.4.2.3. Caisse Nationale de Crédit Agricole du Sénégal L’absence d’un financement adapté aux besoins spécifiques de la pêche est restée pendant
longtemps un handicap de taille pour le développement du secteur. La CNCAS s’est investie dans le financement du secteur des pêches, d’abord sur fonds
propres et ensuite par la gestion de lignes de crédit de certains projets de développement intéressant la pêche artisanale. Il s’agit des volets crédit du Projet de développement de la
pêche artisanale sur la Petite Côte PAPEC, du Projet de développement de la pêche artisanale de Ziguinchor PAMEZ devenu Projet d’appui aux professionnels de la pêche
artisanale en Casamance PROPAC, du projet Pro-pêche et dernièrement le fonds de financement de la pêche artisanale.
Ces différentes lignes de crédit ont particulièrement financé les activités de transformation artisanale et de mareyage et dans une moindre mesure d’achat de moteurs hors-bord. Seules
quelques sennes tournantes ont été financées en raison de coûts en investissements qui dépassent largement les possibilités de ces lignes de crédit.
Il faut souligner que l’intervention de la CNCAS en direction de la pêche artisanale a souffert de beaucoup d’insuffisances :
• faiblesse du portefeuille par rapport aux besoins de la pêche artisanale ;
• l’apport personnel facteur de discrimination de l’accès au crédit ;
• taux d’intérêt de 18,5 l’an élevé compte tenu du niveau du taux auquel la CNCAS
bénéficie de la ligne de crédit moins de 4 ;
99 •
difficultés de recouvrement liées essentiellement au suivi défaillant des acteurs bénéficiaires de crédit pêcheurs, mareyeurs, transformatrices de produits halieutiques ;
• réseau insuffisamment décentralisé entrainant une faible implantation rurale de la CNCAS
et un système de crédit de proximité limité. 5.4.3. Financement privé
C’est dans une contexte de précarité des conditions de financement de la pêche artisanale et de paupérisation du monde rural que plusieurs associations professionnelles de la pêche
appuyées par ONGs ont mis en place un vaste programme de mutualisation et de réseautage dans la pêche artisanale en vue de faire accéder au crédit tous les acteurs de la pêche à des
conditions soutenables. L’Association pour une Dynamique de Progrès Economique et Social ADPES en collaboration avec la Fédération Nationale des GIE de Pêche FENAGIE-
PECHE, a mis en place un vaste programme de mutualisation entre 2002 et 2004 avec l’appui financier de NOVIB ONG Hollandaise. Au total, 10 MEC ont été créées dont 3 sur
la Grande Côte Saint-Louis, Rosso-Sénégal, Richard-Toll, 2 sur la Petite Côte Mbour, Joal, 5 au Saloum Kaolack, Foundiougne, Ndangane, Missirah, Niodior. En 2004, ADPES
a accompagné le WWF dans le montage de la mutuelle de Kayar et de celle de Popenguine en 2006.
Depuis lors, plusieurs autres acteurs se sont investis dans la mutualisation et tous les grands centres de pêche du littoral sénégalais abritent au moins une institution financière dévouée au
secteur de la pêche.
La mutualisation est une alternative aux systèmes de crédits traditionnels prêts à des taux usuriers et aux banques classiques peu familiarisées avec les besoins financiers des
communautés de pêche. L’institution des MEC a contribué à lutter contre l’usure dans la pêche et a beaucoup joué sur l’approche proximité avec l’implantation de d’institutions
financières dans certaines zones rurales relativement pauvres et manquant de culture de crédit.
Relativement à la filière de petits pélagiques, les femmes transformatrices sont les premières bénéficiaires de ce système de financement. Les MEC ont fortement atténué les liens de
dépendance de ces transformateurs de produits halieutiques aux négociants étrangers. Les possibilités de financement offertes par les MEC ne permettent pas l’acquisition d’unités de
senne tournante et de camions frigorifiques. Les prêts disponibles pour les pêcheurs et les mareyeurs se sont limités au financement de fonds de roulement.
5.5. Caractérisations des principaux sites de pêche