Mètre et rythme dans une métrique syllabique

préméditation. Quoi qu’il en soit, les faits textuels sont là à admirer par tout lecteur acceptant de prendre la peine de lire le texte de Dante avec une attention soutenue.

2. Mètre et rythme dans une métrique syllabique

Avant de me lancer dans une analyse du rythme dans l’œuvre de Dante, il me semble utile de procéder à quelques clarifications – terminologiques et autres – reliées à la versification. Dans les langues romanes, comme chacun sait, c’est le vers à mètre syllabique qui prédomine. Son schéma métrique se caractérise notamment par un nombre déterminé de syllabes et des fins de vers rimées. En métrique accentuelle, en revanche, on assiste à une alternance entre syllabes toniques et syllabes atones réglée par le schéma métrique, qui prévoit l’existence de positions « fortes » et de positions « faibles » dans certaines configurations déterminées par le mètre 3 . Dans ce schéma, une syllabe accentuée ne doit pas figurer en position « faible ». Ce sont donc les positions fortes qui recevront les syllabes toniques, alors que, typiquement, les syllabes atones figureront en position faible, même si elles sont également admises en position forte. Qu’en est-il alors de Dante ? Comme on le sait, un tercet de la Divine Comédie se compose de trois vers de onze syllabes chacun, d’où le terme hendécasyllabe 4 . Les tercets font figurer un jeu de rimes du type aba-bcb-cdc-ded etc. qui transcende donc la strophe individuelle. En général, ce schéma est scrupuleusement suivi par Dante. Et pourtant il arrive aux spécialistes de qualifier les hendécasyllabes de Dante d’extrêmement « irréguliers ». Ce qui est souligné à ce propos, c’est le fait que la dixième syllabe de chaque vers porte invariablement l’accent 5 . Quant aux autres positions, elles peuvent ou non héberger une syllabe tonique. Le vers de Dante étant en principe syllabique, le schéma métrique ne prescrira rien sur les positions susceptibles de recevoir une syllabe accentuée. Or, contrairement à ce qui est le cas du français, les mots de l’italien font apparaître une distinction nette entre syllabes accentuées et syllabes atones susceptible de produire des variantes rythmiques, un peu comme dans les langues germaniques. C’est pourquoi il est possible de superposer à l’endecasillabo italien un schéma métrique relevant de la métrique accentuelle et qui permet de faire ressortir la configuration rythmique utilisée dans le vers examiné. L’intérêt d’une démarche qui traite rythme et syllabicité comme des facteurs indépendants se révèle au moment où l’on désirera décrire et identifier les variantes rythmiques auxquelles a eu recours un certain poète. Avant de passer, dans les sections suivantes, au problème de la sémantisation du rythme, je rendrai compte de façon succincte des divers types de configurations rythmiques identifiés dans un échantillon de chants tirés des trois cantiques de la Divine Comédie. 3 La métrique accentuelle incorpore naturellement aussi la possibilité de rimes en fin de vers. 4 À l’origine, il s’agit d’un terme grec signifiant ’onze syllabes’. 5 Voir à titre d’exemple Dardano Trifone 1997, p. 658. 2

3. Configurations rythmiques dans la Divine Comédie