C1 / Négociation: entre formel et informel

C1 / Négociation: entre formel et informel

(Discu. : A. Frauenfelder, HES-SO et A. Tilman, Uni. d’Evry)

Dans les interstices d’une commande institutionnelle : négocier l’accès à l’hôpital public au Maroc

BOUTALEB Assia, Université de Tours, [email protected] Terrain : Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) au Maroc (Fès et Rabat) – hiver 2013 et printemps

été 2014 La communication porte sur une expérience de négociation menée auprès et avec une agence

marocaine en charge de l’évaluation des programmes de développement humain dont l’objectif était d’obtenir une autorisation pour accéder à un terrain hospitalier. Pour cela, il s’agissait de « vendre » à cette agence une étude sociologique qui viendrait compléter sa propre évaluation du dispositif de gratuité des coins mis en place au Maroc en 2012. La négociation s’est déroulée en trois temps : tout d’abord avec les commanditaires institutionnels de l’étude puis avec les responsables hospitaliers et, enfin, avec les praticiens et certains sous-responsables de services de l’hôpital. Au-delà de la dimension temporelle, c’est la trajectoire descendante de la négociation qui est à relever : la succession de réunions nécessaires à l’entrée sur le terrain s’est non seulement étalée dans le temps mais elle s’est également déclinée en suivant un ordre descendant dans les statuts et les responsabilités. C’est seulement après avoir obtenu l’accord du niveau hiérarchique supérieur qu’une réunion est autorisée avec un niveau inférieur et ainsi de suite de manière à finalement obtenir l’accès à l’hôpital.

La communication cherchera à mettre l’accent sur le caractère à la fois formel et informel du processus

de négociation. En effet, ce dernier, dans ses différentes étapes, a mis en évidence des jeux constants et mouvants entre ces deux aspects et, au final, le formel a permis de négocier les contours de l’informalité de l’autorisation. Cette expérience permet d’éclairer différentes pratiques de négociation : une qui consiste à « vendre » et à inscrire une recherche dans un cadre institutionnel ; une autre qui se déroule par intermédiation des commanditaires institutionnels ; enfin une dernière avec les acteurs de

ce terrain auprès desquels il s’agit de rendre sa présence banale voire informelle.

Etrangère, femme et chercheur sur le tourisme : trois "statuts" à négocier CHARBONNIER Annabelle, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociale (EHESS),

[email protected] Terrain : Maroc, Haut Atlas, 2010-2013 Dans le cadre d’une thèse de Doctorat en Sciences Humaines et Sociales, intitulée « Tourisme de

montagne et sociétés locales dans l’Atlas marocain », je me suis intéressée au Centre de formation aux métiers de la montagne (CFAMM), qui encadre la seule formation diplômante reconnue officiellement par l’Etat pour l’accès au métier de guide de montagne au Maroc. Les premières informations recueillies n’étaient pourtant pas très engageantes : l’établissement n’avait pas très bonne réputation et peu de demandes d’accès aboutissaient. M’étant adaptée aux longues démarches liées à l’obtention des autorisations de recherche, compliquées par le fait que le métier de guide de montagne est au Maroc sous la co-tutelle administrative des ministères de l’Intérieur et du Tourisme, j’obtiens finalement un droit d’entrée, voire même d’enquête pour suivre la fin de la formation de la promotion 2010/2011, et un accès à l’intégralité d’une année de formation de la promotion 2011/2012. Il aura fallu sans doute un certain courage pour m’accorder cette autorisation. Bien que ma recherche soit a priori inoffensive, elle touchait un secteur économique relativement important, sensible à tous les avatars de la communication. « Une mauvaise publicité est toujours à craindre… », pouvais-je entendre. Autoriser ma recherche était à double tranchant: d’un côté, elle permettait de faire valoir une certaine transparence, et répondre ainsi aux soupçons de pratiques de corruption signalées depuis quelques années ; d’un autre côté, elle exposait le secteur à d’éventuelles révélations inopportunes.

Au Maroc, peut-être plus qu’ailleurs, le chercheur doit savoir s’accommoder du non-officiel et de l’imprévu. Cette soudaine ouverture après une longue période d’opacité, combiné à l’absence de convention de stage et de trésorerie, ainsi qu’à un univers exclusivement masculin, créent des conditions d’enquête invitant à la réflexivité concernant les questions d’engagement personnel, de genre, d’éthique qui résultent de la négociation de l'accès au terrain. Entre sollicitude et instrumentalisation, protection et surveillance, les attitudes de chacun face au caractère à la fois formel et informel de mon autorisation d'enquêter révèlent les attentes sous-entendues d’un travail scientifique étranger mais également celles d’un travail réalisé par une « fille » et d’autre part, les limites techniques à l’exercice d’un travail de doctorat aussi bien d’un point de vue théorique qu’humain.

« Tu fais partie de l’équipe, maintenant » : ethnographier la proximité dans des clubs de sport LY Shia Manh et ZANNIN Thomas, EESP (Hes-So) Lausanne, [email protected], [email protected]. Terrain : Ethnographie sur trois ans (2015-2018). Trois clubs de twirling bâton et trois sections féminines

de clubs de football situés en Suisse romande. Notre propos part d’une réflexion sur le travail ethnographique que nous avons mené pendant trois ans

sur des terrains peu investis par les chercheurs et pour le moins peu spectaculaires. Des terrains dont peu de monde se soucie, en l’occurrence des clubs sportifs non élitistes, dont les membres, jeunes athlètes comme bénévoles, vivent principalement dans des milieux populaires. Les deux activités dont il est question se caractérisent par la place très minoritaire qu’ils occupent dans le système des sports, que ce soit culturellement ou socialement, faisant face à des commentaires souvent dénigrants, voire méprisants.

Ces clubs se caractérisent comme « petits », notamment au vu du nombre de leurs membres mais surtout, par la forte proximité qui les traverse (amitiés, liens familiaux). Si ces clubs présentent une structure et une hiérarchie clairement définies, nos interlocuteur-trice-s n’en ont pas strictement tenu compte. Dans les faits, malgré une prise de contact relativement procédurale et « officielle », notre entrée s’est traduite par un accès à tous les membres confondus et dépourvu de toute formalité. Dans

ce contexte, l’accueil au sein de ces clubs a ainsi abouti à une relation où les enquêté-e-s nous ont considérés comme des membres du club à part entière.

Les principaux enjeux sur lesquels nous voulons nous arrêter sont tout d’abord celui de cette entrée dénuée de procédure et non formalisée sur le terrain, puis l’appréhension de la proximité non seulement entre membres (ce sont des ami-e-s, des voisin-e-s, des frères, des sœurs) mais surtout entre les membres et les enquêteur-e-s. A l’aide d’extraits d’observations, d’entretiens et de notes de terrain, nous souhaitons dans cet atelier discuter de cette proximité ethnographique emprunte de gestes familiers (bises, cadeaux, plaisanteries) propre à nos terrains et, par conséquent, de notre position de chercheur-e, ainsi que la façon dont nous devons nous ajuster face à nos interlocuteur-trice-s lorsque ceux-celles-ci nous octroient un rôle de « médiateur », en nous confiant leurs secrets, anecdotes et parfois, médisances. Nous aborderons ainsi les conflits d’intérêts et de loyauté qui découlent d’une telle proximité, de même que leur gestion, inhérente à la négociation de notre posture sur le terrain.