Travailler avec militer avec une reflexi

COMMUNICATIONS EN SESSIONS PARALLELES

SESSION A (jeudi, 11h30-13h) - A1 / S’approcher et s’éloigner : négocier la distance à son terrain (Discu. : L. Scalambrin, HES-SO et P. Blum, EHESS) ‣ Stéphanie Archat (Université Paris-Dauphine), Garder sa place sans être là ? La négociation d’une prise de distance avec son

terrain ‣ Gaëlle Ronsin (Université Grenoble Alpes), Négocier la sortie du terrain : retour d’expérience sur un processus partagé mais peu documenté ‣ Jenny Ros (HES-SO), Négociation d’une relation, d’un rôle et d’un corpus. Récit d’une recherche sur la collaboration

interprofessionnelle dans une équipe de psychiatrie de liaison -

A2 / Temporalité longue : les visages de la négociation (Discu. : V. Rolle, Uni. de Nantes et J. Peneff, Uni. d’Aix-Marseille)

‣ Aline Hartemann (Centre Marc Bloch), Quelles ressources mobiliser pour négocier l’accès à un terrain d’enquête ?

L’appartenance politique comme ressource déterminante et inattendue, dans le cas d’un terrain effectué au sein d’une entreprise de média européen

‣ Marie Métrailler (Université de Lausanne), Négocier à visage découvert -

A3 / Négocier «à l’usure» : immersion longue sur le terrain (Discu. : P.-E. Sorignet, Uni. de Lausanne et A. Monjaret, CNRS-EHESS) ‣ Kévin Delasalle (Université de Nantes), Accès et maintien sur le terrain en milieu partisan : un ethnographe-militant devenu

militant-ethnographe ‣ Quentin Messerschmidt-Mariet (EHESS), Un chercheur en Loge, ou comment enquêter au sein d’une obédience maçonnique. Le cas du Pôle Jeunesse du Grand Orient de France ‣ Marie Zegierman-Gouzou (Université Lyon 2), « Chercheuse militante » : réflexivité sur une double identité négociée

- A4 / Convaincre et se laisser convaincre I (Discu. : M. Avanza, Uni. de Lausanne et A. Aubry, Uni. de Lausanne) ‣ Mélodie Gauglin (ENS Lyon), Négocier sa présence sur un terrain qui « ne veut pas de nous » : une recherche au sein de la

mouvance familialiste conservatrice lyonnaise ‣ Zoé Haller (Université de Rouen), Le débat sur la parité au sein de la FSU : intégrer un terrain clivant ‣ Stéphanie Monay (Université de Lausanne), Négocier son entrée dans l’Armée suisse

SESSION B (jeudi, 14h30-16h) - B1 / Contrepartie active (Discu. : M. Kuehni, HES-SO et N. Rigaux, Uni. de Namur) ‣ Yoletty Bracho (Université Lyon 2), Travailler avec, militer avec : une réflexion sur deux outils d’intégration au terrain lors d’une

enquête sur le militantisme dans l’État à Caracas (Venezuela) ‣ Sylvain Malcorps (Université Libre de Bruxelles), L’entreprise médiatique comme terrain de recherche: le parrain, la convention et la démarche de recherche-action comme outils de négociation ‣ Camille Martin (ENS Lyon), Conduire une fausse recherche pour en mener une vraie. Penser les coûts de la réalisation de travaux utiles aux enquêté-e-s

- B2 / Contrepartie marchande (Discu. : A. Aubry, Uni. de Lausanne et N. Benelli, HES-SO) ‣ Clément Barbier, Cécile Cuny et David Gaborieau (Université Paris Est), Rencontrer des ouvriers dans leur entreprise.

Questions épistémologiques, éthiques et politiques ‣ Diana Ospina Diaz (ENS Paris), Négocier son entrée sur le terrain. Réflexions sur les échanges marchands en situation d'enquête.

- B3 / Négocier dans une institution (Discu. : Ch. Dargère, Uni. de St-Etienne et A. Frauenfelder, HES-SO) ‣ Cédric Laheyne (Université Paris 8), La sociologie des émotions comme moyen de négocier l’accès au terrain dans une

institution fermée : le cas d’une recherche sociologique au sein d’un collège jésuite ‣ Diane Rufin et Fabien Deshayes (Université de Genève), Négocier une recherche ethnographique sur les relations enseignant- parents dans des établissements primaires du canton de Genève. Réciprocité et ajustements, difficultés et contraintes

B4 / Convaincre et se laisser convaincre II (Discu. : S. Grosjean, Uni. d’Ottawa et M. Perrenoud, Uni. de Lausanne).

‣ Guillaume Le Saulnier (Université de Reims Champagne-Ardenne), Convaincre et se laisser convaincre : l’enquêteur face à la condition policière ‣ Marc-Antoine Morier (ethnologue indépendant), Se faire accepter comme ethnologue : les différentes techniques de persuasion à l’épreuve du terrain ‣ Julie Sedel (Université de Strasbourg), Négocier l’enquête auprès d’un groupe patronal : le cas des dirigeants de médias nationaux, en France 3

COMMUNICATIONS EN SESSIONS PARALLELES

SESSION C (vendredi, 11h-12h30) - C1 / Négociation: entre formel et informel (Discu. : A. Frauenfelder, HES-SO et A. Tilman, Uni. d’Evry) ‣ Assia Boutaleb (Université de Tours), Dans les interstices d’une commande institutionnelle : négocier l’accès à l’hôpital

public au Maroc ‣ Annabelle Charbonnier (EHESS), Etrangère, femme et chercheur sur le tourisme : trois "statuts" à négocier ‣ Shia Manh Ly, Thomas Zannin (HES-SO), « Tu fais partie de l’équipe, maintenant » : ethnographier la proximité dans

des clubs de sport -

C2 / Multi-négociations (Discu. : L. Scalambrin, HES-SO et Ch. Dargère, Uni. de St-Etienne) ‣ Marion Lecoquierre (Université Aix-Marseille), Accéder au terrain en Palestine : faire ses preuves

‣ Frédérique Leresche (HES-SO), L’attention portée à la mise en scène de soi pour l’accès et le maintien sur le terrain de recherche : enjeux stratégiques et éthiques ‣ Emilie Pontanier et Charlène Ménard (Université Lyon 2), Enquêter sur les religions, les discriminations et le racisme en milieu scolaire : comment négocier l’entrée sur le terrain lorsqu'il s'agit de questions vives socialement ? Stratégies, tensions et limites du travail ethnographique

- C3 / Refus, transformations et re-négociations (Discu. : M. Perrenoud, Uni. de Lausanne et V. Rolle, Uni. de Nantes) ‣ Miriam Odoni (Université de Neuchâtel), Dans les coulisses d’un jury de piano : refus, transformation et accès aux

délibérations dans les concours de musique internationaux ‣ Prisca Justine Ehui (Université Félix-Houphouët-Boigny), Etudier l’univers de l’exorcisme féminin agni : un savoir-faire méthodologique entre devoir, pourparlers et habileté ‣ Julie Riegel (Université Paris 1), Négocier son terrain en sorte de le restituer : implications d'une posture de recherche action

C4 / Mentir sur son identité et son projet (Discu. : M. Meyer, Uni. de Lausanne et Ch. Papinot, Uni. de Poitiers)

‣ Prunelle Aymé (Sciences Po Paris), Enquêter parmi les femmes de l’AKP en Turquie : présentation de soi et négociation de la relation enquêtrice-enquêtée ‣ Claire Choupel, « Devenir » une étudiante « catho-compatible » : quels risques méthodologiques et épistémologiques pour l’enquête ? ‣ Eva Devita, Enquêter en camp disciplinaire : du silence aux malentendus. Le dilemme ethique d’une jeune chercheuse

SESSION D (vendredi, 13h45-15h15) -

D1 / Multi-fronts de la négociation (Discu. : M. Meyer, Uni. de Lausanne et A. Tilman, Uni. d’Evry) ‣ Agathe Menetrier (Max Planck Institute for Social Anthropology), Entretenir un terrain mutli-situé sur la durée : le

smartphone comme plateforme de la négociation ‣ Elyamine Settoul (CNAM), Négocier l’accès à un terrain sensible pour étudier un objet sensible : l’exemple des militaires issus de l’immigration ‣ Géraldine Bugnon, Armelle Weil et Arnaud Frauenfelder (HES-SO), Un droit d’entrée sur le terrain à géométrie variable :

prouver son éthique scientifique auprès des institutions, et ses qualités morales auprès des jeunes

- D2 / Négocier avec des groupes non-formalisés (Discu. : M. Kuehni, HES-SO et C. Grimard, UQAM) ‣ Thibaut Besozzi (Université de Lorraine), Négocier sa place auprès des commanditaires et auprès des informateurs.

L’exemple d’une immersion ethnographique dans le « monde de la rue » ‣ Arnaud Bubeck (Université de Strasbourg), À la rencontre d’une subjectivité qui nous échappe – Comment négocier un terrain avec des patients en situation de marginalité et de précarité ? ‣ Maxime Felder (Université de Genève), Peut-on faire l’ethnographie d’un quartier ?

- D3 / Convaincre et se laisser convaincre III (Discu. : N. Benelli, HES-SO et A. Monjaret, CNRS-EHESS)

‣ Nathanaël Wadbled (Université de Lorraine), Pouvoir faire parler de l’intimité. Les conditions d’une enquête sur

l’expérience de visite d’Auschwitz ‣ Marlyse Debergh (Université de Genève), Négociations contrastées auprès d'un centre de santé sexuelle et d'un centre de santé communautaire de Suisse romande

SALLES

Repas ‣Le colloque se déroulera au bâtiment Amphipôle, sur la campus de l’Université de Lausanne (Descendre à

Métro

l’arrêt du métro M1 «UNIL-Sorge»). ‣L’accueil le premier jour et les pauses

se feront dans le hall principal du

Colloque

bâtiment. ‣Les repas de midi auront lieu au

restaurant universitaire, au bâtiment Unithèque (dit «La Banane»).

TOUTES LES CONFERENCES PLENIERES (KEYNOTES) : SALLE 315.1

TABLE RONDE (jeudi, 17h15-18h30) : SALLE 315.1

SESSION A (jeudi, 11h30-13h) - A1 / S’approcher et s’éloigner : négocier la distance à son terrain - SALLE 338

- A2 / Temporalité longue : les visages de la négociation - SALLE 340 - A3 / Négocier «à l’usure» : immersion longue sur le terrain - SALLE 340.1 - A4 / Convaincre et se laisser convaincre I - SALLE 342

SESSION B (jeudi, 14h30-16h)

- B1 / Contrepartie active - SALLE 338 - B2 / Contrepartie marchande - SALLE 340

- B3 / Négocier dans une institution - SALLE 340.1 - B4 / Convaincre et se laisser convaincre II - SALLE 342

SESSION C (vendredi, 11h-12h30)

- C1 / Négociation: entre formel et informel - SALLE 321 - C2 / Multi-négociations - SALLE 338 - C3 / Refus, transformations et re-négociations - SALLE 340 - C4 / Mentir sur son identité et son projet - SALLE 342

SESSION D (vendredi, 13h45-15h15)

- D1 / Multi-fronts de la négociation - SALLE 321 - D2 / Négocier avec des groupes non-formalisés - SALLE 338 - D3 / Convaincre et se laisser convaincre III - SALLE 340

SESSION A (jeudi, 11h30-13h)

A1 / S’approcher et s’éloigner : négocier la distance à son terrain

(Discu. : L. Scalambrin, HES-SO et P. Blum, EHESS)

Garder sa place sans être là ? La négociation d’une prise de distance avec son terrain ARCHAT Stéphanie, IRISSO, Université Paris-Dauphine, Université de recherche PSL,

stephaniearchat@gmail.com Cette communication prend pour objet un terrain ethnographique toujours en cours, conduit dans le

cadre de ma thèse en préparation, au sein de l’antenne parisienne d’une association militante féministe française d’échelle nationale. J’assiste et participe dans ce cadre aux réunions et actions militantes et ai également accès à des communications formelles de l’association et à des échanges plus informels entre militant.e.s. D’intensité variable selon les périodes, cette ethnographie dure depuis maintenant plus de deux ans, alors que les négociations originelles ne laissaient pas présager un tel terrain.

En effet, je n’envisageais à l’origine pas nécessairement de réaliser une ethnographie et ai d’abord sollicité plusieurs fois l’association pour obtenir des entretiens avec des militant.e.s. A ma surprise, je n’ai cependant pas pu obtenir de réponse favorable à ces demandes, notamment en raison de la (déjà) forte sollicitation de l’association par des journalistes et étudiant.e.s. J’ai en revanche été invitée par les militant.e.s à prendre part aux activités de l’association. Conditionnant alors implicitement ma présence à un engagement militant, ces derniers m’ont largement ouvert la possibilité d’un terrain ethnographique. J’ai en effet très rapidement été perçue comme une militante potentielle par les membres de l’association, pour des raisons que l’on développera dans la communication.

Cette entrée particulière sur le terrain présente des enjeux méthodologiques et éthiques spécifiques ; enjeux qui ont d’ailleurs été accentués par ma tentative de distanciation de l’association. J’ai en effet, pour des raisons liées au calendrier de ma thèse et de mes différents terrains, pris une certaine distance depuis quelques mois avec l’association, dans l’attente d’un retour plus soutenu.

Ainsi, alors que je suis impliquée et perçue notamment comme une militante depuis plus de deux ans, comment négocier une plus faible implication qui ne peut être justifiée par un éloignement géographique ? De même, dans ces conditions, comment puis-je m’assurer que tout.e.s les membres

de l’association –y compris les nouveaux/nouvelles arrivé.e.s dans des phases d’absence– sont informé.e.s de la recherche que je réalise ? Et dans quelle mesure suis-je tenue de le faire ?

Finalement, on verra que cette situation de « demi-enquête » met en exergue les difficultés inhérentes aux terrains militants dans la tension entre engagement et recherche. La négociation d’une prise de distance souligne l’ambiguïté des rôles, autant pour l’enquêtrice que les enquêté.e.s.

Négocier la sortie du terrain : retour d’expérience sur un processus partagé mais peu documenté.

RONSIN Gaëlle, Université Grenoble Alpes, IRSTEA, Centre Max Weber, Lyon, gaelle.ronsin@gmail.com J’ai réalisé une ethnographie entre 2014 et 2017 au sein d’un terrain multi-situé, celui du milieu

relationnel construit autour des conseils scientifiques des espaces naturels protégés des Alpes françaises (parc national des Ecrins, parc naturel du Vercors, réserves naturelles de Haute-Savoie). J’ai cherché à comprendre comment différents micro-régimes de sciences en société (l’expertise et le partenariat) s’articulent dans un même espace social, celui des conseils scientifiques. Le milieu que j’ai investi est marqué par une circulation de professionnels·les qui se retrouvent régulièrement malgré leur différentes appartenances institutionnelles. Je me suis donc attachée à suivre leurs mobilités et à documenter ce contexte relationnel. J’ai établi un contact permanent avec une dizaine de personnes, séjourné sur les lieux de travail (laboratoires, services scientifiques) et réalisé des entretiens, des observations de réunions et des enquêtes visuelles. Ce travail s’est basé sur le principe de l’ « ethnographie coopérative » en associant quelques acteur·rices à diverses étapes de la recherche.

L’accès et le maintien sur mon terrain d’enquête n’ont pas donné lieu à des négociations sources de réflexions ou de tensions particulières. Mon immersion se déroula plutôt aisément en raison notamment, de la proximité professionnelle que je possède avec le milieu étudié. Au contraire, ce fut la fin de mon enquête qui donna lieu à des processus et des enjeux de négociation particulièrement complexes.

Il arrive qu’à un moment l’ethnographe se mette en retrait et n’assure plus de présence constante sur son terrain. Plusieurs raisons l’y conduisent. Méthodologiquement, lorsque le principe de « point de saturation théorique » est atteint le·a chercheur·e n’a plus besoin de récolter des données supplémentaires, ou alors de façon très circonscrite. Des contraintes objectives entrent aussi en jeu : fin de financement, nouvelles activités, focalisation sur l’écriture etc. qui amènent à prendre de la distance (physique, temporelle, matérielle) avec son terrain.

Dans mon cas, la fin de mon financement doctoral approchant, ma directrice de thèse m’a demandé fin 2016 d’ « arrêter le terrain » pour me consacrer à l’écriture. Par-là, elle me demandait de cesser d’aller à des réunions, de participer à la vie du service scientifique des espaces protégés étudiés ou à des sorties

de terrain et de finir rapidement ma récolte de matériaux. Cette requête a pris de l’ampleur le jour de mon comité de thèse annuel, rassemblant des chercheur·ses encadrant mon travail et des acteur·rices

de terrain. Au cours de cette réunion a été discutée la nécessité que je termine bientôt mon enquête. Ceci a provoqué des réactions variées chez les participant·es, allant de l’injonction, à la surprise ou à l’incompréhension. C’est sur ce moment particulier, lorsqu’on annonce la fin d’une enquête, et ses conséquences que je souhaite revenir durant cette communication. A l’inverse de l’entrée sur un terrain, cette étape est très peu discutée dans la littérature en sociologie ou en anthropologie et mériterait d’être mieux documentée.

En effet, la suspension de l’enquête a demandé une double négociation, avec mes interlocuteur·rices académiques et les acteur·rices de mes terrains. Les mois qui ont suivi m’ont amené à réfléchir et à mettre en place différentes stratégies pour répondre à l’exigence académique sans « trahir » des relations patiemment construites. Un compromis a été cherché, sans forcément être conscientisé sur En effet, la suspension de l’enquête a demandé une double négociation, avec mes interlocuteur·rices académiques et les acteur·rices de mes terrains. Les mois qui ont suivi m’ont amené à réfléchir et à mettre en place différentes stratégies pour répondre à l’exigence académique sans « trahir » des relations patiemment construites. Un compromis a été cherché, sans forcément être conscientisé sur

Dans le cadre d’une ethnographie des relations sociales se construisent et s’affirment avec le temps. Ce choix du·de la chercheur·se de s’éloigner (sur une période ou définitivement) de ce qui a été le quotidien pendant plusieurs mois ou années peut être complexe à annoncer et à négocier sur le terrain. Mon comité de thèse et ses suites soulèvent plusieurs enjeux classiques d’une relation d’enquête (sur la confiance, les trahisons) et les façons de mener une négociation (sur l’éthique, la rhétorique). Lors de cette communication, je relaterai plus particulièrement le vécu de cette « réunion de négociation », la construction progressive de l’éloignement à mon terrain ; les façons retenues, par mes interlocuteurs et moi-même, pour composer avec la fin de la recherche ; et leurs effets, que ce soit sur les relations d’enquête ou sur le travail analytique.

Négociation d’une relation, d’un rôle et d’un corpus. Récit d’une recherche sur la collaboration interprofessionnelle dans une équipe de psychiatrie de liaison

ROS Jenny, HES-SO, EESP Lausanne, Jenny.ros@eesp.ch Cette contribution rend compte d’un processus de négociation d’accès au terrain dans le cadre d’une

recherche réalisée auprès d’une équipe pluridisciplinaire de psychiatrie de liaison. Le travail de terrain s’est déroulé de novembre 2010 à mars 2012 à Lausanne.

L’objectif de cette recherche était d’étudier les obstacles à la collaboration interprofessionnelle et d’analyser la manière dont ils sont gérés collectivement en équipe. Le corpus de données a été construit

de manière à saisir le discours de différentes actrices et acteurs dans des contextes variés. Il est constitué notamment de différents types d’entretiens ainsi que d’enregistrements vidéo de réunions d’équipe et de réseau dans lesquels des cas de patient·e·s étaient discutés.

La négociation de l’accès – et du maintien – au terrain s’est déroulée de manière continue et peut être résumée en six étapes. Elles seront présentées et illustrées à l’aide d’extraits du journal de terrain :

1. La formulation d’une demande officielle et la rencontre du responsable de l’équipe ;

2. La rencontre et la présentation du projet aux professionnel·le·s de l’équipe ;

3. La rédaction et la soumission d’un projet destiné à une commission d’éthique, en collaboration avec le responsable de l’équipe ;

4. Une nouvelle négociation du projet suite à un changement du responsable de l’équipe.

5. Une seconde phase de négociation avec les professionnel·le·s de l’équipe ;

6. La négociation d’une étude de cas approfondie, impliquant l’accès à des familles de patient·e·s et à des professionnel·le·s externes à l’équipe.

Cette contribution vise à décrire finement les imprévus, obstacles et facilitateurs qui ont été rencontrés dans chacune de ces étapes. Elle vise également à montrer que la négociation de l’accès à un terrain ne consiste pas à convaincre. Il s’agit d’un processus engageant la négociation de son propre rôle et identité

de chercheuse/chercheur, de son implication personnelle, des relations créées avec les professionnel·le·s du terrain et de la construction du corpus, menant parfois à des formes de censure et d’auto-censure.

A2 / Temporalité longue : les visages de la négociation

(Discu. : V. Rolle, Uni. de Nantes et J. Peneff, Uni. d’Aix-Marseille)

Quelles ressources mobiliser pour négocier l’accès à un terrain d’enquête ? L’appartenance politique comme ressource déterminante et inattendue, dans le cas d’un terrain effectué au

sein d’une entreprise de média européen. HARTEMANN Aline, Centre Marc Bloch de Berlin, aline.hartemann@sciencespo.fr Terrain : Un média européen, de 2002 à 2018 La négociation pour l’accès au terrain, dans ses aspects pratiques et rhétoriques, présente ici des

originalités, dans la mesure où elle s’est déroulée à plusieurs moments distincts, le travail d’enquête ayant dû s’inscrire dans le temps long, pour différentes raisons (missions d’enseignement à l’étranger, exercice d’une activité professionnelle en parallèle). Trois phases de terrain ont été effectuées sur 15 ans : en 2001-2002, en 2008 et 2017. Elles se sont déroulées dans des pays et des langues différentes (l’Allemagne, la France, la Belgique et l’Italie notamment), en raison de la diversité des sites d’implantation de la chaîne. Ces trois périodes ont été marquées par des caractéristiques différentes, qui ont varié principalement en fonction de trois paramètres : les propriétés sociales des dirigeants à la tête de l’entreprise étudiée (avec la question de l’âge, du sexe, et de la couleur politique des dirigeants, élément crucial comme nous le verrons plus bas), les bouleversements du paysage médiatique induits par le numérique dès le milieu des années 2000 et enfin les modifications du monde social dans lequel la chaîne est inscrite. Ma présentation comprend trois dimensions principales : je souhaite, dans un premier temps, présenter les ressources, les contraintes et les stratégies qui furent les miennes lors de la présentation de « soi » et de ma démarche de recherche lors de la négociation d’accès au terrain avec les acteurs. Dans le cadre de ma démarche, trois figures de « chercheur » se dégagent : d’abord celle

de l’étudiant « suppliant », « implorant » un accès au terrain, puis celle du doctorant avancé ou « l’éternel étudiant », mais qui enseigne et publie, et enfin celle de « chercheur CNRS », psychologue ou encore journaliste. Je souhaite développer deux points dans ma proposition de communication : premièrement, je démontre que la situation la plus féconde en termes d’insertion dans le terrain et de récolte de données a été celle d’étudiant-stagiaire, au début des années 2000. Et ensuite, les ressources qui m’ont permis d’ouvrir l’accès au terrain n’étaient pas celles auxquelles j’avais pensé ni mobilisées.

Je souhaite insister sur deux paradoxes : premièrement, la situation la plus féconde en termes d’insertion dans le terrain et de récolte de données a été celle d’étudiant-stagiaire, au début des années 2000, et ce même si l’ouverture du terrain n’a pas été de soi. Paradoxalement, le fait d’être jeune, considérée comme « novice », « inoffensive », ayant tout à apprendre, a constitué une ressource plus féconde pour ma démarche que les positions ultérieures, plus légitimes, pourtant, d’un point de vue institutionnel et de l’expérience de recherche. Deuxièmement, j’entends souligner un autre paradoxe : les ressources qui m’ont permis d’ouvrir l’accès au terrain n’étaient pas celles auxquelles j’avais pensé et mobilisées. C’est en effet une ressource me paraissant accessoire, qui fut décisive, alors même qu’elle n’avait pas de légitimité à être mise en exergue dans une logique de jeune étudiant en quête d’un stage

de recherche en sciences sociales. Je détenais en fait, à mon insu, un capital social qui m’a permis, contre toute attente, de réaliser mon travail d’enquête sur ce terrain : une appartenance politique commune avec le PDG que je souhaitais rencontrer pour lui présenter mon projet.

Négocier à visage découvert METRAILLER Marie, Centre de recherche sur l’action politique de l’Université de Lausanne (CRAPUL),

IEPHI, marie.metrailller@unil.ch Terrain : Association suisse des locataires, section Vaud de septembre 2013 à décembre 2013 puis de

juin 2015 à juin 2017 (participation ponctuelle aux activités politiques de l’association, suivi des salarié·e·s et des avocat·e·s dans leurs activités de défense des locataires, engagement en tant que bénévole au sein de l’association).

À partir de ma propre expérience de terrain, je propose dans cette communication de montrer et d’analyser l’intérêt d’une négociation « à visage découvert », c’est-à-dire dans laquelle les personnes avec qui on négocie l’accès à un terrain connaissent déjà la problématique qui sous-tend l’enquête elle- même. Ce type de négociation entraîne des conséquences importantes, à la fois dans les rapports que l’on entretient avec ces personnes tout au long de l’enquête, et aussi, inévitablement, dans les analyses que l’on en tire. Je me suis trouvée dans cette situation lorsqu’il m’a fallu négocier un nouvel accès à un terrain sur lequel j’avais précédemment travaillé, à savoir l’Asloca Vaud (section vaudoise de l’Association suisse des locataires). Ce premier travail m’avait conduit à réaliser des observations et des entretiens auprès des salarié·e·s de l’association, qui reçoivent des locataires lors de consultations juridiques. À l’issue de ce premier travail, sans savoir alors que j’allais poursuivre ma recherche, j’ai organisé une séance de restitution durant laquelle j’ai distribué quelques exemplaires de mon travail (dont j’avais supprimé certains passages par souci de confidentialité) et nous avons eu une discussion sur le contenu de mes analyses durant laquelle des différends sont apparus. Ainsi, lorsque j’ai repris contact avec l’association afin de réaliser une seconde recherche plus détaillée et portant sur une problématique analogue, il m’a fallu renégocier l’accès au terrain avec des personnes ayant eu connaissance de mon premier travail et avec qui j’avais eu des débats à son propos. Cette négociation

a donc eu lieu dans des circonstances particulières qui m’empêchaient de cacher tout ou partie de mes intentions quant à cette nouvelle recherche, et m’obligeaient par conséquent à rendre celles-ci aussi transparentes que possible. Une telle situation place nécessairement la chercheuse dans un rapport de confiance et de sincérité avec les enquêté·e·s. Elle rend les contacts plus étroits, facilite à la fois les rapports avec les individus et les inévitables moments de renégociation qui surgissent lors d’une recherche prolongée sur un même terrain. Enfin, et c’est peut-être le point le plus important, cela permet d’échanger, non seulement sur les expériences et positions des individus, mais également sur la recherche en train de se faire. Plutôt que de considérer le terrain d’enquête comme un espace sinon hostile, du moins d’accès délicat, cette démarche m’a progressivement conduite à considérer les enquêté·e·s avec lesquel·le·s je travaille comme des sujets, et non comme des objets d’étude.

Lors de ma communication orale, je souhaite présenter la stratégie « à visage découvert » que j’ai adoptée durant la négociation puis ensuite me concentrer sur les effets que cette posture a sur le rapport que j’entretiens avec les salarié·e·s ou militant·e·s de l’association, les données ainsi que les analyses que j’ai produites.

A3 / Négocier «à l’usure» : immersion longue sur le terrain

(Discu. : P.-E. Sorignet, Uni. de Lausanne et A. Monjaret, CNRS-EHESS)

Accès et maintien sur le terrain en milieu partisan : un ethnographe-militant devenu militant- ethnographe

DELASALLE Kévin, Centre Nantais de Sociologie (CENS, UMR 6025 – Université de Nantes), kevin.delasalle@etu.univ-nantes.fr

Terrain : Parti Socialiste / Période : 2010-2016 Issue d'une thèse de Doctorat en Sociologie 1 , la communication interroge la question de l'accès et du maintien sur le terrain dans le cadre d'une recherche ethnographique de longue durée menée en milieu

partisan. La thèse interroge en effet la question de la dimension malheureuse de l'engagement militant – le « tourment militant » – à partir d'une enquête menée par immersion ethnographique pendant six ans, entre 2010 et 2016, au sein d'une Section locale et d'une Fédération départementale du Parti Socialiste français.

L'immersion ethnographique de longue durée, qui a progressivement conduit l'auteur à passer sur son terrain du statut de chercheur à celui d'adhérent puis de militant « professionnalisé », permet de soulever les questions de la négociation de la présence du chercheur sur son terrain (gagner la confiance

de ses « enquêtés », donner des gages de loyauté...) et de l'évolution des formes que peut prendre cette négociation au cours de l'enquête pour assurer le maintien du chercheur sur son terrain.

Dans un premier temps (2010-2011), l'accès au terrain s'apparente à une négociation implicite et « à l'usure » : en m'impliquant pleinement dans la vie militante, il s'agit d'entretenir le flou quant à mon statut de chercheur, et de gagner la confiance de mes « enquêtés » en leur donnant des gages de loyauté.

Le second temps de l'immersion ethnographique voit le chercheur s'effacer progressivement derrière le militant. À compter des campagnes présidentielles et législatives de 2012, mon statut de chercheur est oublié, voire ignoré, par des « enquêtés » devenus « camarades ». Totalement happé par mon terrain, je deviens ensuite un militant « professionnalisé » : en récompense de mes bons et loyaux services, un poste de collaborateur d'élus m'est ainsi proposé. Les matériaux ethnographiques recueillis sont dès lors épars ; j'accumule en revanche, au cours de cette période, de nombreux matériaux militants (comptes-rendus de réunions, etc...) qui s'avéreront par la suite particulièrement précieux pour l'enquête.

Enfin, troisième temps de l'immersion ethnographique, la lente et progressive prise de distance avec le terrain rend possible la remobilisation du militant comme chercheur. Ce n'est qu'à l'approche des élections locales de 2015 et de la fin de mon contrat de travail – et non sans être saisi par la crainte de

1 Kévin DELASALLE, Le tourment militant. Ethnographie de l'engagement partisan au Parti Socialiste (2010-2016), Thèse de Doctorat en Sociologie, Université de Nantes (soutenue le 14 juin 2017).

trahir des « camarades » redevenus « enquêtés » –, qu'une reprise de la recherche est de nouveau envisageable. Me faisant l'ethnographe « indigène » du milieu auquel j'ai fini par appartenir, il s'agit dès lors de donner un sens à ma propre expérience militante en cherchant, chez les autres militants, des éléments de compréhension de ma trajectoire personnelle.

Un chercheur en Loge, ou comment enquêter au sein d’une obédience maçonnique. Le cas des jeunes Francs-Maçons du Grand Orient de France

MESSERSCHMIDT-MARIET Quentin, Ecole des hautes études en sciences sociales, quentinmesserschmidt@ehess.fr

Terrain : Le Grand Orient de France, première obédience maçonnique française, notamment les 2000 membres âgés de moins de 35 ans (sur 52800 membres au total), sur la période 2017-2019

La communication proposée s’inscrit dans le cadre d’une recherche en cours, portant sur les raisons de l’engagement de jeunes individus au sein d’une obédience maçonnique.

Etudier, de l’intérieur, un tel espace social implique une appartenance associative. Franc-maçon depuis 2015, l’auteur négocie donc avec la connaissance des normes et règles de l’institution. Il est par ailleurs membre du Pôle Jeunesse de l’obédience, une association interne au Grand Orient de France (GODF), qui réunit une partie des jeunes francs-maçons de moins de 35 ans et les fédère à travers des actions communes. La négociation, qui s’est déroulée sur un an et demi, avait pour objectif d’accéder aux adresses emails, pour diffusion de questionnaires et demandes d’entretiens, et à la base de données de l’obédience, pour analyse statistique. Elle avait aussi pour objectif d’obtenir un accord explicite de l’association et de l’obédience, pour faciliter les recherches.

Après un an de procédure « Loge – Région – Niveau national » (qui sera expliqué), n’arrivant pas à aboutir du fait du renouvellement annuel du Conseil de l’ordre – l’organe exécutif de l’association, l’auteur décide de passer directement par l’association du Pôle Jeunesse et son Assemblée générale. La négociation se déroule en plusieurs temps, avec une décision finale au sein de la commission Education et culture du Conseil de l’ordre. Une lettre définitive d’accord est envoyée en février, excluant certaines demandes mais mettant à disposition les services administratifs de l’obédience pour la recherche.

Au cours de la communication, après être revenu brièvement sur l’état de la sociologie de la franc- maçonnerie et aux problèmes qu’elle rencontre, l’auteur reviendra sur trois points centraux :

Les éléments accessibles et non-accessibles, du fait de la protection de l’obédience sur ses données, qui limiteront nécessairement l’analyse. Cette mise à distance du sociologue s’explique par des éléments historiques, notamment de répression maçonnique, et par des enjeux de pouvoir actuels.

Le double rôle du chercheur franc-maçon alors qu’il appartient à son terrain d’enquête. Dans ce cas précis, l’auteur est pris par son engagement maçonnique (un « serment », soumis à la discrétion et au « secret » maçonnique) tout en étant dans une démarche d’observation, qui peut entrer en contradiction avec ce devoir de discrétion. Quel rôle cette double appartenance a eu durant la négociation ? Quelles incidences aura-t-elle dans la rédaction et les étapes de rendus ou de présentation ?

Les résistances et réticences, qu’elles soient générationnelles ou bien scientifiques, au sein de l’obédience, tant sur le travail sociologique que sur la protection des données ou l’anonymat des membres.

« Chercheuse militante » : réflexivité sur une double identité négociée ZEGIERMAN-GOUZOU Marie,

Université Lyon II, laboratoire Triangle, ENS Lyon, marie_zegierman@hotmail.com

Les réflexions épistémologiques et méthodologiques abordées sont issues d'une immersion ininterrompue de 11 mois dans le quartier du Sanitas à Tours, complétée par des allers-retours ponctuels et réguliers jusqu’à aujourd'hui (2015-2018). Animé d'un tissu associatif dense, le quartier du Sanitas est traversé par de nombreuses initiatives militantes, dont celle du collectif « D'ailleurs Nous sommes d'ici 37 », mobilisé autour des questions de racisme, d'islamophobie, des politiques d’immigration et de répression institutionnelles, ou encore contre le traitement médiatique des classes et des territoires populaires. Les négociations dans l'accès au terrain seront traitées à partir de matériaux ethnographiques divers : nombreuses observations (réunions, débats, coordinations avec d'autres groupes militants, distributions de tracts), entretiens semi-directif avec des militants/habitants du quartier/représentants des municipalités, revue de presse locale, et travail sur archives.

Notre travail analyse comment le déploiement de nouvelles pratiques démocratiques institutionnelles, comme les dispositifs participatifs, impacte les possibilités, les contours et l'effectivité d'actions collectives issues de quartiers populaires. Le recours à l'immersion de longue durée, une des priorités

de cette recherche, a nécessité une préparation rigoureuse en amont de notre installation à Tours.

Nous reviendrons sur le choix d'une présentation de « chercheuse-engagé » auprès des acteurs du milieu enquêté, seule présentation à même de séduire et convaincre les militants de m'ouvrir l'intimité

de leurs espaces collectifs. L'épreuve de la « négociation initiale » sera développée, celle même qui a permis à nos enquêtés de tester notre positionnement politique, et leurs propres attentes vis à vis de cette enquête; en nous permettant réciproquement d'approfondir le degré de connaissance et de confiance entre nous. Seront également abordés, les divers processus de re-négociation nécessaires à la stabilité de l'enquête. Suite à l'altération de la réalité sociologique de notre terrain dans le contexte national post-attentats et d'état d'urgence, nous avons dû gérer les altérations des formes d'organisation et des relations dominant jusqu'alors le collectif. Des tensions nouvelles, un environnement local déséquilibré, et des luttes dont le caractère « urgent » se renouvelle ; autant d'éléments ayant contribué à modifier le sens de notre présence dans les yeux de nos enquêtés et le rôle qui nous était jusqu'alors attribué.

L'objectif de cette communication est de revenir sur le contexte de cette ethnographie, le processus d’élaboration de notre posture et engagement, et sur la manière dont cette démarche a impacté les liens que nous avons tissé avec nos enquêtés. Nous reviendrons donc sur les enjeux de la négociation initiale dans le cadre d'une « ethnographie de l'engagement » et sur les questionnements théoriques et pratiques liés au degré d’implication du chercheur. Comment concilier le travail du chercheur à l'engagement militant escompté par les enquêtés, pierre angulaire d'une relation de confiance sur le terrain ?

Nous prendrons ensuite le temps de rendre compte des enjeux de maintien sur le terrain, et d'expliciter pourquoi une posture réflexive en acte est nécessaire pour préserver la relation sociale d'enquête. Dans un terrain vivant et donc changeant, comment anticiper et assumer des bricolages méthodologiques nécessaires qui peuvent faire évoluer l'objet de recherche, la posture du chercheur, et les contours de son intégration ?

A4 / Convaincre et se laisser convaincre I

(Discu. : M. Avanza, Uni. de Lausanne et A. Aubry, Uni. de Lausanne)

Négocier sa présence sur un terrain qui ne « veut pas de nous » : une recherche au sein de la mouvance familialiste conservatrice lyonnaise.

Mélodie Gauglin, doctorante à l’ENS de Lyon, Centre Max Weber (Equipe DPCS), melodiegauglin@gmail.com

Mon terrain se situe à Lyon. L’enquête de terrain a commencé réellement en 2016, au début de ma thèse mais j’avais commencé ce travail lors de mes travaux de Master 1 et Master 2. Mon terrain consiste en des observations répétées -ou non- dans divers instances et moments de la mouvance familialiste conservatrice lyonnais (manifestations, réunions, cercles de sociabilité féminine …). Je m’intéresse particulièrement aux socialisations des militantes de ces mouvements et mène donc également des entretiens biographiques aux domiciles de mes enquêtées. Outre le contenu recueilli pendant les entretiens, les observations menées chez les enquêtées sont également riches sociologiquement.

Les négociations d’entretiens et d’observations sont souvent des moments tendus pendant lesquels je sais que le moindre « faux pas » de ma part peut mener à un refus très rapide et parfois brutal. Pendant les entretiens et les moments d’observation, cette « tension » peut perdurer et il faut donc que je sois attentive à un certain nombre d’éléments de langage, de formulations et d’attitudes. Ces négociations peuvent se faire de différentes façons et à des moments différents suivant les contextes mais aussi les enquêtées potentielles. Si « rentrer sur le terrain » constitue une phase difficile du travail d’enquête, « y rester » est également un enjeu important pour la recherche de terrain.

Cette communication s’intéressera aux questions éthiques, rhétoriques et aux stratégies argumentatives de terrain. Il s’agira de montrer comment, sur un terrain souvent exigeant, il est important de porter une attention particulière aux champs lexicaux et représentations des enquêté.e.s afin de se les approprier et ainsi éviter certains impairs pouvant mener aux refus mais aussi afin de garantir son maintien sur le terrain. Nous pourrons également discuter des aspects techniques des négociations de terrain avec les questions des premiers contacts et des choix techniques à opérer selon les enquêté.e.s et contexte de terrain. Les données présentées seront des restitutions d’observations

de terrain et d’entretiens. Nous présenterons aussi un matériau plus original : des captures d’écran d’échange de mails et SMS. Ces données permettront de voir la place du lexique dans la négociation du terrain, la place de la vérité dans ces moments de négociations mais aussi la question des stratégies de présentation de soi et de son travail de recherche.

Le débat sur la parité au sein de la FSU : intégrer un terrain clivant HALLER Zoé, Dysolab, Université de Rouen, zoe.haller@hotmail.fr Terrain : Quatre syndicats de l’enseignement primaire et secondaire de la FSU (Fédération syndicale

Unitaire). Enquête réalisée entre octobre 2015 et septembre 2017. Cette communication portera sur l’intégration du chercheur au sein d’un terrain marqué par des

clivages et lorsque ces clivages constituent l’objet même de ses recherches. Elle s’appuiera sur une enquête réalisée auprès de quatre syndicats de l’enseignement primaire et secondaire de la FSU (Fédération Syndicale Unitaire), consacrée à la manière dont le genre pèse sur le fonctionnement des organisations syndicales et sur le déroulement des parcours militants. Mes propos porteront sur un pan spécifique de mon enquête : le débat, parfois houleux, qui a traversé et traverse encore la Fédération et certains de ses syndicats sur la mise en place de mesures contraignantes afin de palier à la sous- représentation des femmes dans ses instances. En effet, malgré un contexte a priori favorable où se combinent une forte féminisation de la profession et un important vivier de syndiquées, les femmes demeurent peu présentes au sommet des structures syndicales. Pour un certain nombre de militants, l’imposition de la parité ou la mise en place de mesures afin d’assurer une meilleure présence des femmes au sommet des organisations correspond à une certaine vision du féminisme et du syndicalisme. Pour les autres, ces mesures ne sont pas perçues dans une perspective idéologique mais comme une contrainte qui risquerait de mettre en péril le bon fonctionnement des structures syndicales.

En m’appuyant sur une série d’entretiens et sur des observations réalisées lors de différentes réunions d’instances et lors des moments informels qui leur sont associés, j’analyserais comment les tensions associées à ce débat ont pesé dans mon entrée sur les différentes parties de mon terrain. J’évoquerai ainsi la manière dont j’ai été amenée à modifier la présentation que je faisais de mon enquête auprès des acteurs de mon étude au fur et à mesure de son avancée, pondérant selon le contexte la place que le genre y occupait. Je reviendrai également sur les sollicitations des parties en conflit, aux yeux de qui mon apparente neutralité et mon appartenance à la sphère universitaire étaient parfois perçues comme pouvant ajouter une caution scientifique à leur point de vue et renforcer la légitimité de leur position. En effet, il a fallu, dans un contexte parfois fermé aux problématiques du genre, répondre aux attentes des militantes féministes qui ont cherché et cherchent encore à m’associer à leurs démarches et, dans le même temps, ne pas perdre l’accès à une partie de mon terrain où la pertinence même d'une approche en terme de genre des organisations syndicales était sujet à discussions.

Négocier son entrée dans l’Armée suisse MONAY Stéphanie, CRAPUL, Université de Lausanne, stephanie.monay@unil.ch Terrain : 2013-2016, questionnaire diffusé auprès de toutes les femmes engagées dans l’Armée Suisse

(juin 2013 – taux de réponse 32% – N=333), observations dans des centres de recrutement et des écoles

de recrues, entretiens informatifs avec du personnel militaire, entretiens de type récit de vie avec 21 femmes militaires.

L’objet de ma thèse est d’analyser les socialisations sexuées des femmes engagées au sein de l’Armée suisse (AS) 2 . L’objectif était de pouvoir diffuser un questionnaire à travers l’institution militaire afin de

mieux connaître la population des femmes militaires (officiellement l’AS n’a pas de données sur ses membres), de pouvoir mener des observations lors du recrutement et de l’ER afin d’avoir des éléments sur le quotidien des femmes à l’AS et d’avoir accès à elles pour des entretiens. Après avoir passé par plusieurs intermédiaires, nous avons pu avoir contact avec la femme la plus haut gradée de l’AS, une brigadière cheffe du personnel de l’armée. Elle a appuyé ma demande auprès du Chef de l’Armée pour mon enquête pour laquelle j’ai élaboré un dossier qu’elle a commenté avant envoi. La réponse pris un mois et le feu vert était donné, la suite de la procédure étant mise sous la responsabilité de la brigadière. Celle-ci appuyait ma demande auprès des commandements des différentes places d’arme en envoyant elle-même par mail (avec moi en copie) ma lettre de demande. Celle-ci était rapidement acceptée, mais une fois sur place il était parfois nécessaire d’assurer le sérieux, la crédibilité en même temps que l’inoffensivité de ma recherche. Les conditions d’observation ont été fortement variables d’une caserne à l’autre. Pour la sélection des terrains, je cherchais à diversifier les troupes visitées en fonction de leur dimension combattante et de leur « féminisation ». En raison du faible taux de femmes engagées dans l’AS, je devais m’assurer de me rendre dans des ER à un moment où au moins une femme était présente. Le choix des ER découle donc des observations menées lors des recrutements, durant lesquelles j’ai pu consigner où, quand et sous quel métier militaire les nouvelles femmes militaires étaient affectées.

L’armée véhicule la réputation d’être une « grande muette » en raison d’une « culture de la restriction

de l’information » (Deschaux-Beaume, 2011 : 1). De plus, l’objet de mon intérêt, les femmes militaires, pouvait potentiellement être perçu comme une menace pour l’image de l’institution militaire suisse du fait que l’enquête débutait lors d’une phase importante de visibilisation – médiatique et scientifique – des violences sexuelles infligées aux militaires féminines dans le cadre des armées occidentales, notamment en France 3 . Je présenterai ma démarche qui a d’abord consisté à entrer « par la grande porte » en faisant accepter mon projet par les hautes instances militaires suisses, ce qui a impliqué certaines concessions afin de me garantir l’accès. Mais le processus de négociation ne s’est pas arrêté là : en effet, chaque caserne que je souhaitais investiguer imposait de renouveller les discussions avec son commandement, ce qui a impliqué non seulement de renoncer à certaines ambitions mais également de garantir à nouveau ma crédibilité en tant que chercheuse. Dès lors, la « prise en charge »

de l’enquêtrice sur le terrain militaire fut variable : j’en soulignerai les problèmes méthodologiques mais également ce que j’ai pu en tirer de bénéfique quant à ma question de recherche.

2 En Suisse, le service militaire est obligatoire pour les citoyens. Les citoyennes peuvent s’engager sous un mode volontaire. 3 Principalement à travers la publication en 2014 de l’enquête journalistique de Leila Minano et Julia Pascual, La Guerre invisible : révélations

sur les violences sexuelles dans l'armée française aux éditions Les Arènes et Causette.

SESSION B (jeudi, 14h30-16h)

B1 / Contrepartie active

(Discu. : M. Kuehni, HES-SO et N. Rigaux, Uni. de Namur)

Travailler avec, militer avec : une réflexion sur deux outils d’intégration au terrain lors d’une enquête sur le militantisme dans l’État à Caracas (Venezuela)

BRACHO Yoletty. Université Lumière Lyon 2, yolettybracho@gmail.com Je m’intéresse à l’action des militants issus des organisations et des quartiers populaires de Caracas, qui