B3 / Négocier dans une institution

B3 / Négocier dans une institution

(Discu. : Ch. Dargère, Uni. de St-Etienne et A. Frauenfelder, HES-SO)

La sociologie des émotions comme moyen de négocier l’accès au terrain dans une institution fermée : le cas d’une recherche sociologique au sein d’un collège jésuite

LAHEYNE Cédric, Université Paris8 (CIRCEFT-ESCOL) et CURAPP – ESS, [email protected] Cette recherche a été menée dans une perspective exploratoire au début de notre travail de thèse,

ayant pour objet d’étude l’émotion éprouvée par l’élève de classe préparatoire (Dejours, 2014), et plus précisément celle de l’acquisition de « compétences émotionnelles » (Gendron, 2007) spécifiques à cette scolarité. Nous décrivons, à partir d’une pratique ethnographique de deux ans au sein d’un collège jésuite de l’ouest parisien (regroupant collège, lycée et classes préparatoires littéraires) et grâce à une observation participante suivie de la passation d’entretiens avec les responsables (2), professeurs (8) et élèves (32), le processus de négociation permettant d’accéder au terrain.

Afin d’éclairer la stratégie d’ « apprivoisement » d’un terrain méfiant, nous reviendrons sur l’appui d’une « personne de l’intérieur » et la construction d’un argumentaire « positiviste » relié aux orientations du projet éducatif jésuite. Puis, nous préciserons la manière de négocier les espaces d’observation permettant de rendre compte du processus d’adaptation, des élèves et des interactions sociales, formelles et informelles, de ce groupe social particulier : dans et hors de la classe : d’un côté, une position instituée répondant à des règles précises fixées par l’institution (sur l’objet étudié, les questions posées, l’insistance sur l’anonymat) et une autre, constituant plus un dépaysement qu’elle procure, qui se caractérise par une relation plus directe avec l’élève et s’intéresse aux « à-côtés de l’enquête » (Weber, 1989). Après avoir défini un certain nombre de dilemmes éthiques que le chercheur

a à résoudre, nous présenterons une réflexion sur les conditions du maintien sur le terrain et l’incitation à adopter le principe de la « grande tendance » dans la restitution des résultats.

Cela nous permettra d’étudier la stratégie visant à convaincre et qui rappellent les principes de la pédagogie ignatienne et historiquement ceux des « Exercices spirituels » : étudier les émotions revient en somme à mieux connaître et accompagner l’élève, approche qui suscite l’intérêt des responsables qui voient dans les objets de la sociologie des émotions un écho à l’éthos religieux de l’institution. Aussi, le protocole d’enquête insiste sur les objectifs « scientifique et citoyen » de la recherche (Lahire, 2016), donnant aux élèves, d’une part, la visibilité sur une recherche en cours et, d’autre part, en les y impliquant. Regard scientifique où l’attention du chercheur est en apparence centrée sur les élèves (plutôt que sur l’institution) et qui minimise les risques d’intrusion redoutés par les enseignants.

Il sera également intéressant de proposer une réflexion sur le pouvoir de consécration de la discipline sociologique et de la figure du chercheur, à la fois pour l’autorité décisionnaire et pour une communauté éducative en quête d’amélioration du curriculum visant à maintenir le rang de l’institution dans les classements nationaux des intégrations aux grandes écoles (information « utile » connue du chercheur).

Négocier une recherche ethnographique sur les relations enseignant-parents dans des établissements primaires du canton de Genève. Réciprocité et ajustements, difficultés et contraintes.

RUFIN Diane et DESHAYES Fabien, Université de Genève, [email protected], [email protected]

Terrain : La recherche présentée porte sur les relations école-familles au sein de l’enseignement primaire genevois. Elle vise à explorer les scènes de leur mise en œuvre concrète par des acteurs particuliers. Trois établissements du Réseau d’enseignement prioritaire ont été investis durant deux années scolaires, entre 2012 et 2014. L’enquête, qui s’est focalisée sur les entretiens individuels enseignant-parents, s’inscrit dans le cadre d’une approche ethnographique considérant la pluralité des scènes, la diversité des acteurs, l’ensemble de l’activité institutionnelle. La négociation de l’entrée sur le terrain a été menée auprès de trois principaux types d’acteurs ; la description de ce processus fait apparaître différents objectifs et enjeux :

• Auprès des directeurs : accéder aux établissements, ajuster les intérêts et les perspectives ; • Auprès des équipes enseignantes : convaincre de l’intérêt de la recherche, stimuler la

participation, co-construire les modalités d’accès aux observations en tenant compte des craintes, contraintes, pratiques… ;

• Auprès de chaque enseignant : convenir des modalités de communication-information, accéder aux observations, établir une relation de confiance personnalisée, saisir les représentations et

les pratiques dans leur diversité.

Cette déclinaison nous permet de mettre l’accent, d’une part, sur la portée heuristique de ces moments d’ajustements, sans minimiser l’inconfort des situations vécues et sans occulter les questions soulevées par les concessions faites. D’autre part, il s’agit de prendre la mesure du poids croissant des aspects formels et juridiques émanant tant du monde étudié (l’institution scolaire) que du monde de la recherche (universitaire). La prépondérance du modèle de planification-quantification, ainsi que l’instauration de commissions d’éthique et la recherche d’un consentement formalisé de la part des enquêtés reconfigurent les enjeux de l’ethnographie, tant du point de vue de l’accès aux terrains que

de celui des apports spécifiques de la démarche. La description du processus de négociation nous permet de faire émerger différents types d’enjeux :