Un discours médiatique orienté vers l'international : une volonté se sensibiliser le monde à la cause kurde

5. Un discours médiatique orienté vers l'international : une volonté se sensibiliser le monde à la cause kurde

Un des enjeux de cette guerre médiatique est la visibilité à l'international. Le discours d'un journaliste comme Maxime Azadi et le développement du sous-titrage en anglais des vidéos de la chaîne Rûdaw montre une orientation des médias kurdes vers le reste du monde. Cette ouverture passe par une attention particulière à ce que disent les grands médias internationaux sur les Kurdes.

Ibid., page 14.

Ibid., page 15.

Maxime Azadi, journaliste kurde passé par le militantisme, considère que chaque média véhicule les idées des instances politiques qui l'influencent, que ce soient les médias kurdes ou les médias occidentaux. Selon lui, l'AFP est certes une « grande agence » mais elle adopte une vision conforme à la politique extérieure de la France.

« Il est clair que ses services étrangers agissent systématiquement selon la politique étrangère du gouvernement français. Ses sources principales à l'étranger proviennent, en général, des déclarations officielles qui sont souvent douteuses et ne reflètent pas la réalité sur place 153 ».

Le discours des médias kurdes sur leur propre métier s'inscrit dans une conception plus large de l'information des communautés minoritaires et des peuples opprimés. En tant que médias, ils s'inscrivent dans un paysage médiatique mondial mais refusent toute affiliation aux médias de masse dominants. Ce sentiment de contre-culture est renforcé par une forme de frustration : les journalistes rencontrés estiment que les événements souvent tragiques qui surviennent au Kurdistan ne sont pas assez couverts par les médias internationaux.

« Les nouvelles nations, émergeant des processus de décolonisation et de libération nationale, critiquent la doctrine du libre flux d'information (free flow of information), qui dissimule la domination des médias occidentaux, et revendiquent un droit à la communication.(...) Ce sont, en effet, les médias communautaires (…) qui se développent, avec pour ambition de défendre les droits des communautés, leur langue, leur culture, ou encore de meilleures conditions de travail. Ils s'opposent ainsi tour à tour aux forces centralisatrices des États et/ou de la globalisation marchande des entreprises de communication transnationales participant à l'enclavement et à la marginalisation de la parole de ceux qui ne sont pas, ou mal, représentés par les médias traditionnels 154 .»

Cardon et Granjon développent ensuite dans Médiactivistes une analyse des revendications des pays du tiers-monde pour plus d'autonomie médiatique, à contre-courant de ce qu'ils décrivent comme de « l'impérialisme culturel ». Il serait erroné à notre sens de transposer les mêmes analogies coloniales au Kurdistan car le colon n'a été que très brièvement occidental (français et britannique) mais surtout ottoman ou turc.

Selon RSF, ce défi d'accroitre la sensibilisation autour de la question kurde a été relevé. « Cette presse n’est pas seulement faite par les Kurdes et pour les Kurdes : grâce à son

ancrage local et à l’attention particulière qu’elle porte aux violations des droits de l’homme, elle a joué un rôle essentiel pour contourner la censure et informer l’opinion publique turque et internationale des crimes de masse commis pendant les années noires. L’ancien médiateur du quotidien turc Hürriyet, Faruk Bildirici, a été jusqu’à déclarer que “dans les années 1990, nous ne faisions pas du journalisme. Ce sont les médias kurdes qui en faisaient“ 155 .»

Voir annexe page 85

Cardon et Granjon, Médiactivistes., page 49.

Reporters Sans Frontières, « Problème kurde : la liberté de l’information fait partie de la solution »., page 6.

Cette déclaration de Faruk Bildirici affirme que de nombreux médias kurdes ont donné à voir des choses inédites et édifiantes. En ce sens, ils ont rempli leur mission d'information du public. Dans cette optique, le journaliste turc estime que la presse kurde a été meilleure que son homologue turc. Notamment parce que la presse turque n'a pas su se défaire de la mainmise du pouvoir. Pour les médias kurdes, en ressort l'image de médias insoumis à la pression du gouvernement, et donc libre

de contourner toute forme de censure.