Évaluation La subvention comme outil de mise en œuvre de la politique publique

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3.3.1 Confusion entre marchés publics de services et subventions

Lorsqu’une administration souhaite agir dans un secteur déterminé, elle doit choisir le mode d’action le plus approprié pour atteindre l’objectif poursuivi : elle peut opérer par voie de subvention ou par le biais du marché public. La finalité des subventions et des marchés est différente : par l’octroi d’une subvention, l’autorité publique intervient financièrement pour soutenir des activités qu’elle juge utiles à l’intérêt général ; par contre, lorsqu’elle conclut un marché, elle confie à un prestataire des tâches qu’elle juge nécessaires pour son propre fonctionnement. Par ailleurs, les règles juridiques, les conditions financières, le régime fiscal et l’imputation budgétaire diffèrent fondamentalement selon qu’il s’agit de subventions ou de marchés publics. Tous les marchés publics sont organisés par un cadre juridique qui balise les phases de préparation, de mise en concurrence et d’exécution des prestations. Dans ce contexte, la Cour a régulièrement dénoncé, au cours des dix dernières années, l’octroi de subventions facultatives basées sur des conventions avec un prestataire de services, là où la passation d’un marché public de services aurait dû intervenir voir, en fin d’article, les sources 9, 14, 15, 16, 17, 25, 29, 30, 32, 38, 39, 51, 54, 55. À noter que les résultats de la prestation une étude juridique, par exemple ne sont la propriété de la Région que lorsqu’elle conclut un marché de services. En effet, dans ce cas, la Région achète une prestation dont elle a besoin. Les résultats qui en découlent lui appartiennent de plein droit. Par contre, comme la subvention a pour but de soutenir une activité que le bénéficiaire réalise pour son propre compte, ce dernier garde la propriété de la prestation. La Cour a donc recommandé de bien distinguer les deux techniques et d’utiliser celle qui est la plus appropriée à l’objectif poursuivi. Elle a également, à de nombreuses reprises, préconisé d’abandonner, pour l’octroi des subventions, la forme de la convention et de généraliser celle de l’arrêté d’octroi.

3.3.2 Évaluation

Idéalement, l’autorité doit également maîtriser la connaissance de sa propre organisation, évaluer ses besoins en personnel, la qualification de ce dernier, la qualité du contrôle interne, le rôle et le champ de compétence de toutes les parties concernées : ministre, administration, organismes, etc. L’évaluation préalable implique une analyse des avantages et des inconvénients, des coûts et des profits, ainsi qu’un inventaire des problèmes et risques potentiels. Dans le cas des subventions décrétales, les travaux préparatoires au décret offrent souvent l’occasion de mener cette réflexion. Des évaluations doivent par ailleurs être réalisées à intervalles réguliers pour corriger les éventuels dysfonctionnements. Il arrive fréquemment que cette évaluation préalable fasse défaut. Les conséquences en sont alors nombreuses. Dans le cas de l’Agence wallonne à l’intégration des personnes handicapées AWIPH, la Cour des comptes avait relevé la coexistence de différents mécanismes de subventionnement et la complexité du calcul des subventions qui en résultait. Dans son audit récent, elle a recommandé, tout en soulignant l’intérêt d’un système de subventionnement apte à 82 satisfaire au plus près les besoins de la personne handicapée, d’évaluer la conformité à la réalité des valeurs attribuées aux nombreux coefficients utilisés. En effet, ceux-ci sont utilisés depuis plusieurs années et leur pertinence n’a plus été évaluée sources 42, 46. Parfois, les modifications trop fréquentes d’un dispositif réglementaire rendent son application complexe et peuvent donner lieu à l’octroi d’aides illégales. Dans le cas des aides aux jeunes agriculteurs, la Cour avait constaté que les arrêtés qui régissaient le subventionnement des investissements réalisés en vue de respecter les normes communautaires avaient été modifiés par voie de communiqué de presse, rendant ainsi illégales les aides accordées : celles-ci devaient alors être récupérées source 1. Un premier rapport avait déjà relevé la complexité de la réglementation, d’une part, en raison de la diversité des régimes d’aide et, d’autre part, à cause des risques d’interprétations divergentes source 3. Dans un autre cas, une trop grande diversité de cadres normatifs élaborés en fonction de priorités différentes suivant les législatures aboutissait à ce qu’un même type d’investissement fasse l’objet de plusieurs subventions octroyées par des services administratifs différents. Certaines subventions ne disposaient pas d’un cadre légal approprié ou étaient régies par une réglementation obsolète. La Cour écrivait alors : « Pour la majorité des subventions, la Cour a relevé un manque de lisibilité des objectifs de politique publique. Pour la plupart, aucune analyse récente des problèmes à résoudre n’est identifiable. Ainsi, toute évaluation du degré de réalisation de ces politiques publiques est aléatoire. Il n’est donc pas possible de s’assurer du caractère vérifiable des objectifs en raison soit de leur inexistence soit de l’absence d’indicateurs ou d’analyses de situation initiale ou intermédiaire. » source 37. La Cour a encore relevé cette multiplicité des critères et des procédures dans la gestion des aides financées par le Fonds énergie source 22. Cette surabondance des régimes de subvention se retrouve dans le secteur des aides à la promotion de l’emploi APE, malgré une simplification timide. La complexité du système nuit alors à son efficacité source 9. La Cour a également constaté une grande diversité des régimes d’aide lors du contrôle des primes à l’investissement. Des risques liés au régime plus favorable des créations d’entreprise ont aussi été pointés : certains bénéficiaires peuvent être tentés de présenter leur demande de manière à bénéficier de la subvention la plus intéressante, même si la réalité économique ne le justifie pas. Dans ce dernier cas, la Cour des comptes avait aussi remarqué une jurisprudence administrative qui se démarquait souvent du prescrit légal source 11. Une réglementation peu ou mal évaluée peut également provoquer un manque de transparence et des fluctuations dans la jurisprudence, ce qui met à mal l’égalité de traitement des bénéficiaires des subventions source 44. Lorsque les critères d’octroi ne sont pas bien définis dans la réglementation, il convient d’évaluer la situation pour fixer des critères permettant d’objectiver le traitement des demandes de subventions et de définir les bénéficiaires admissibles, afin d’éviter de rompre l’égalité de traitement entre eux sources 4, 5. Dans le cas des transports en commun TEC, la Cour des comptes a constaté que la révision à la baisse du montant des subventions fixé dans les contrats de gestion 2006-2010 a eu pour conséquence la mise en place, au cas par cas, de nombreux mécanismes de compensation : subvention pour faire face à la gratuité des transports en commun lors des pics de pollution ou à la suite de linstauration de la gratuité du transport pour certaines catégories d’usagers, subventions complémentaires pour le financement de nouvelles lignes interrégionales et régionales, complément de subvention pour assainir la santé financière des TEC, etc. Ces 83 mécanismes ont compliqué le système de financement et le suivi des subventions octroyées aux TEC. Une meilleure évaluation préalable aurait permis de tenir compte de ces aléas et d’intégrer leurs conséquences financières dans la subvention d’exploitation source 18. Le plan Habitat permanent na pas eu limpact espéré, en raison, notamment, de léparpillement entre plusieurs directions générales des compétences pour loctroi de la subvention. Les communes devaient en effet recevoir l’accord de la direction interdépartementale de la cohésion sociale DICS ; ensuite, le dossier était géré par la direction générale opérationnelle de l’aménagement du territoire, du logement, du patrimoine et de l’énergie DGO4, mais coordonné par la DICS, après l’obtention d’attestations délivrées par le Commissariat général au tourisme. En raison de cette complexité, plus aucune commune n’avait introduit de demande de prime à l’acquisition depuis 2006. Face à ce constat, la Cour des comptes avait recommandé de mieux accorder ce plan avec les autres mesures prises pour favoriser le logement social, de façon à simplifier son utilisation par les communes source 38. Dans le cas des contrats de rivière, la Cour des comptes avait observé que l’évaluation préalable à la reconduction des subventions était insuffisamment discriminante. En effet, elle était uniquement basée sur le critère du pourcentage d’actions réalisées par rapport aux actions programmées, ce qui revenait à évaluer de la même manière la réalisation de 50 de 10 actions ou de 100 actions. Une action visant la construction d’une station d’épuration action qui nécessite un long délai d’exécution et des moyens budgétaires importants pesait le même poids dans l’évaluation qu’une action d’information de la population par le biais du bulletin communal source 27. Le contrôle de trois programmes de la division organique 13 Ressources naturelles et environnement du budget de la Région wallonne a révélé des imprécisions de la législation pouvant amener des discriminations : en effet, les critères d’éligibilité de certaines dépenses subventionnées n’étant pas clairement définis, certains postes étaient pris en compte, alors que d’autres, qui semblaient apparentés, ne l’étaient pas source 32. En matière de restauration des monuments classés, le cadre réglementaire des subventions manquait de cohérence. En effet, les principales dispositions s’organisaient sur la base d’un décret sans arrêté d’exécution et sur l’arrêté d’exécution du décret antérieur, qui a été abrogé. Les pratiques administratives divergeaient d’une cellule à l’autre, ce qui générait également un risque de discriminations source 36.

3.4 Processus administratif